Cap sur Futuna.
 Mardi 11 septembre :
Bernard est venu me saluer avant de partir vers d'autres invitations, il attend un colis postal jusqu'à samedi. J'attends la marée basse pour lever l'ancre. Vers 10 H 30 je commence les préparatifs et je remonte mes deux mouillages. Sitôt passé les deux bouées qui marquent le platier de Gahi, j'envoie la GV et laisse le ris. Je contourne la série de bouées rouges, et dans le grand bord qui me mène à la passe, j'envoie la moitié du génois. Qu'il est doux de naviguer à la toile dans le lagon !
Par vent d'est de 12 à 15 nds, Soleja file à plus de 6 nds. Je laisse Yan au ralenti, en prévision d'un besoin de ses services pour la passe. A plus de 7 nds je retrouve la pleine mer, à la sortie de la passe, je croise et salue Toufik et Yvan qui pêchent au lancer dans les remous.
Cap au 243°, sur Futuna ! La mer est belle, le temps aussi, 120 miles à parcourir, j'ai tout mon temps. En début d'après midi, je m'allonge sur la banquette du cockpit pour me reposer un peu. Il est près de 15 H lorsque je me relève, j'aperçois à un bon mile dans mon travers arrière, une forme carrée, jaune orangé qui dérive. Qu'est ce que cela peut bien être ? Très vite, je pense à un
canot de sauvetage, la forme ! La couleur me laisse un doute, plus orange vif, les canots. J'hésite une minute. Allez, roule le génois, moteur et demi tour, si c'était un canot !!! Il va probablement devoir retourner à Wallis. En approchant, la forme ressemble de plus en plus, je vois des stries qui ressemblent aux boudins de gonflage. Je passe au vent de la chose, et quelle n'est pas ma surprise ??? Il s'agit tout simplement de la mousse isolante d'un gros congélateur à la dérive. Il vient de loin celui-là, de Polynésie, ou du Chili peut être ! Il en est bien mieux ainsi, demi tour, je renvoie le génois et allez, au largue à 120° du vent !!!
En début de soirée, je roule trois tours de génois, la vitesse tombe en dessous de 6 nds pour la nuit, il faut que j'arrive après le lever du jour en vue des îles Alofi et Futuna.

Mercredi 12 septembre :
J'ai pu dormir un peu cette nuit, je n'ai rencontré aucun bateau. Aux premières lueurs du jour, je renvoie le génois en entier et Soleja accélère immédiatement et dépasse les 7 nds. Très rapidement j'aperçois les îles, Alofi d'abord, puis Futuna.
A 7 H 30 j'entre dans le détroit, la mer s'aplatit, le vent tombe légèrement, Soleja glisse sur du velours dans un silence quasi absolu, moment sublime s'il en est !
J'hésite, il existe un mouillage confortable près de la plage d'Alofi, mais il n'y a rien sur cette île, elle n'est pas habitée. Je file vers la anse de Futuna, réputée comme rouleuse, surtout par vent et mer de S E, je tente, le vent semble stabilisé à l'est. Deux balises vertes, deux rouges, on ne peut pas faire d'erreur ici !
Je double le « warf » de commerce et je mouille une ancre près de la seconde bouée verte, avec 45 m de chaîne, par chance, la houle n'entre pas. Je vais tout de même devoir mettre un mouillage à l'arrière, sinon je vais éviter trop large et prendre les vagues par le travers, ce qui devient vite inconfortable...
9 H 30, tout est paré, je peux me reposer et admirer le petit village en fond de rade. Je ne vais pas descendre aujourd'hui.
Position : 14° 17' 626 S - 178° 09' 615 W, 125 miles.

Jeudi 13 septembre :
Je dois aller rendre visite aux autorités de la république. La gendarmerie tout d'abord, elle se situe à un Km à la sortie est du village. Le gendarme de service me reçois en tenue des îles : short bleu marine et tee-shirt bleu ciel, en compagnie d'un garde territorial en tenue noir. Nous discutons un instant et très vite il me propose de m'emmener en patrouille avec eux faire le tour de l'île. Justement, cet après midi, le garde territorial doit partir. J'accepte avec joie.
Au retour, je passe à la douane dont les bureaux se situent dans le hangar sur le quai commercial. Il me reste juste le temps de passer à bord pour manger un peu. Mince, marée basse, l'annexe est à sec et bien loin de l'eau, son mouillage n'a pas tenu dans les galets, la houle l'a poussée au sec. Que faire, le magasin est fermé. Il ne me reste qu'à trouver un petit restau. La première et seule personne que je rencontre, m'indique un établissement à 500m. Deux tables sont occupées, l'une par 5 personnes, des fonctionnaires, les responsables des douanes de Wallis et de Futuna que je connais et Gabriel qui est venu à bord de Soleja à Wallis. Je ne déjeunerai donc pas seul aujourd'hui.
14 H 30, le garde territorial vient me prendre pour sa patrouille. La route goudronnée dans le village devient très vite un chemin que les pluies ravinent par endroit. Les habitations se font de plus en plus éparses, la ligne électrique fait le tour de l'île et l'on voit des maisons traditionnelles sur tout le pourtour.
Une femme en pleur vient au devant de la voiture, elle demande au garde, d'intervenir, en langue futunienne. Il réfléchit, perplexe. Il descend du véhicule et me demande de le suivre. Nous contournons une habitation, et la jeune femme lui montre le toit d'un appentis. Le garde cherche quelque chose pour monter, je lui propose la courte échelle puis mon épaule. Il pose ses chaussures et se décide. Sur le toit, un jeune homme a pris un malaise, il est couché et n'est plus conscient, mais respire.
Le garde lui masse le cou au niveau des premières vertèbres. Au bout d'un moment, le jeune homme ouvre les yeux et commence à bouger, puis se lève lentement, l'œil hagard. Le garde m'explique que ce jeune homme, épileptique, ne prend pas son traitement et donc, il fait des crises de temps à autres. Il me dit lui avoir pratiqué un massage traditionnel pour lui faire reprendre ses sens.
Il a un peu tous les rôles dans l'île, il surveille les constructions, les déboisements ou les plantations, mais rien n'est vraiment réglementé, il s'agit d'informations simplement.
Au passage il montre les églises, il y en un bon nombre, au moins une dans chaque hameau, toutes sont de bonne taille.
Sur le retour, nous passerons par l'aéroport qui assure une liaison quasi quotidienne avec Wallis, deux le lundi, pour les scolaires.
 Petit problème, la piste en gazon, n'est pas praticable pas temps pluvieux, ce qui arrive assez fréquemment. Le vol se trouve reporté quelquefois de plusieurs jours. Voilà une journée bien remplie.

Vendredi 14 et jeudi 15 septembre :
Je vais me promener un peu dans les village et passe du temps à bord. J'attends le dimanche, il doit y avoir une fête pour l'église, avec des chants et des danses traditionnels : un genre de kermesse.
Dimanche 16 septembre :
Dès 7 H j'entends des chants devant l'église, sous le « falé » communal, mais je ne vois pas grand nombre de personnes. Je pense que la fête aura vraiment lieu plus tard.
A 10 H, plus personne, le « falé » se vide et la fête si fête il y a eu est terminée. Une dizaine d'hommes écoutent la musique de leurs 4X4 à tue tête en buvant de la bière. Il vont rester là tout l'après midi.
 Je décide de lever le camp dès demain.

CAP SUR LES FIDJI

Lundi 17 septembre :
Vers 11 H je commence à relever le mouillage arrière. Je lâche de la chaîne sur l'avant, moteur arrière au ralenti et je récupère l'amarre tout d'abord, 40 m. Je peine, le vent met Soleja de travers, je dois lâcher beaucoup plus de chaîne qu'il ne faudrait. Comme je fais tout de l'arrière, je ne contrôle pas la longueur. Maintenant, la chaîne arrière, 15 m, l'ancre « fortress » est complètement ensablée, elle a disparue dans les fonds, je mets un bon moment pour la sortir.
A l'avant, surprise, toute la chaîne est sortie, et 20 m de bout aussi !
Je dois remonter le bout à la main, le faire descendre dans le puits et engager la chaîne dans le guindeau pour enfin pouvoir appuyer sur le bouton de commande électrique. OOOUUUFFF !!! J'oriente Soleja sur la sortie, passe les commandes à Bob et je vais attacher l'ancre sur la delphinière. Au retour, ma chaussure s'accroche au balcon avant et passe à l'eau, voilà une paire de moins. Et ! Elle flotte, je vais reprendre la barre et fais demi tour. Je ne la perds des yeux que de courts instants, en quelques dizaines de secondes, je suis déjà à 200 m. Je la passe au vent lentement et mets en arrière. Je dose l'effet de couple de l'hélice pour me rapprocher. Au dernier moment, point mort, je saute dans la jupe et voilà, une paire de chaussure de plus !!!
Je ne suis pas mécontent de ma manœuvre, vraiment ! Allez, cap au large et je peux souffler enfin un peu.
J'ai mis près d'une heure et demie pour relever mes deux ancres. « J'ai bien gagné là !. »
Mais la récompense arrive immédiatement, le large me tend sa belle houle et le vent me cueille dès le passage du quai, plus de 15 nds. J'envoie la GV à 1 ris, la trinquette et je suis déjà à 6, 6.5 nds.
Je mets le cap au 203° sur les FIDJI, il est 13 H.
Le premier point de route se situe à environ 160 miles : « Nanuku passage ».
J'ai choisi ce détroit parce que plus large que son voisin et étant seul, j'aurai davantage de marge de manœuvre et pourrai me reposer.
Je peux manger un morceau et me reposer un peu. Je laisse traîner une ligne, mais pas le moulinet, on ne sait jamais. Je m'allonge sur la banquette et somnole une demie heure. Lorsque je jette un œil alentour, la ligne tire quelque chose en surface, certainement une algue ou un plastique. Je la remonte, elle tire bien. Eh ! Un poisson, l doit être mort, il ne bouge plus, il a mordu depuis un moment ! C'est une coryphène ! Evidemment, elle se décroche à 10 m !!! Encore une fois !!!
Je range ma ligne, il faut que j'affûte tous mes hameçons, ils ne sont plus assez aigus.
En fin d'après midi, le vent fléchit, j'envoie 1/3 de génois. J'aime bien la version cotre de Soleja : GV, trinquette et un peu de génois ! d'un coup, le vent remonte à 20 nds par le travers. Je laisse tout et Soleja  glisse à plus de 7,5 nds.
A 19 H 30 je suis au point : 14° 59' S - 178° 26' W.
J'ai parcouru 44 miles, il me reste 116 miles pour le prochain point.
A 23 H, je suis au :15° 22' S - 178°34' W et il me reste 92 miles pour «Nanuku passage ».

Mardi 18 septembre :
Vers 3 H 30, le vent tombe, j'envoie la moitié du génois pour relancer à 6 nds. Point : 15° 46' S - 178° 44 W, reste 66 M.
7 H, grand soleil, pas un nuage, Soleja avance à 6 nds, c'est le paradis ou ça y ressemble et ça me va à merveille ! Quel bonheur !!! Dommage de ne pouvoir faire partager tout ça à quelqu'un !
11 H, (16° 29' S - 179° 07' W,reste 18 M), le vent monte à 15 nds.
Ce matin, naviguant au largue, j'ai remonté complètement la dérive. Soleja ne dérive pratiquement pas, donc je laisse. Les nuages me rattrapent à toute vitesse, le vent monte, bientôt le ciel s'obscurcit complètement et la pluie arrive. Le vent passe au travers puis au près à 20, puis 23 nds. Je borde, mais ne modifie pas la voilure. Soleja se comporte à merveille, ses mouvements sont très doux dans la mer qui se forme et il dérive d'une dizaine de degrés. C'est très bien. Je suis satisfait de ses réactions, je pourrai les utiliser dans un vrai coup de chien.
Deux heures plus tard, le beau temps revient, le ciel se dégage, comme si de rien n'était, il ne va plus me quitter. Entre 22 h et 23 H, je dors un peu, le vent faiblit de plus en plus et je dois envoyer Yan au service. Je me rapproche du sud de l'île Taveuni et nombreuses sont les lampes des pêcheurs qui s'éclairent à mon approche, d'autres brillent en continue. Je dois rester vigilant dans ce secteur ! Lorsque je m'éloigne de la pointe, les fonds atteignent 100 m, les pêcheurs ne viennent plus.
Yan tourne à 1400 T, le vent faiblit encore, je vais pouvoir me reposer un peu avant le jour et l'arrivée sur la pointe sud de Savu Savu. J'ai dormi un bon moment, je ne sais pas combien de temps, la mer est plate, il n'y a plus de vent et Soleja avance à 4 nds.
Les premières lueurs du jour éclairent déjà la masse de l'île Vanua Levu, je commencent à distinguer la pointe et j'apercois le phare de l'entrée. Tiens, il est éteint, comme ses frères de « Nanuku passage » d'ailleurs ! Dans le détroit, je n'ai vu aucun feu alors que je suis passé dans leur zone de signalisation.
A 6 H 30 je tourne la pointe et le phare du bout du platier et entre dans la grande « Savu Savu Bay ». Je me dirige à 3 nds vers l'entrée de « Nakama Creek », je profite au maximum de ce moment délicieux. Le miroir de l'eau reflète les reliefs environnants, les couleurs pastel adoucissent toutes mes sensations, j'ai l'impression d'entrer dans un écrin de soie, rien ne bouge, Soleja glisse en douceur, sans bruit.
A l'entrée de Nakama, j'appelle à la VHF, mais personne ne répond, alors je me présente au ralenti. Je passe un premier « Warf » commercial vide et bientôt, une barque vient à ma rencontre et me dirige vers la marina Waitui. Là le marin m'attribue une bouée de corps mort. Me voilà arrivé aux îles Fidji.
Position : 16° 46' 69 S - 179° 19' 82 E ; 265 miles parcourus.


Voilà je suis toujours à la même place. Je suis entouré de néo-zélandais, australiens et autres américains, je baigne dans la langue de Shakespeare avec mes quelques mots pour m'en sortir. Tout le monde sait déjà que je ne connais pas bien la langue et plusieurs femmes sont venues me proposer de m'aider. Vraiment tout le monde fait son possible et., j'apprends !
 Après plusieurs jours de beau, nous avons la pluie depuis 2 jours.

Tout va bien à bord et le capitaine aussi !!!
A la prochaine, salut les mecs, bises aux dames.