8ème lettre de
SOLEJA en 2010
Bonjour la Guyane et petit retour en Amazonie
Bonjour les amis,
Au fait, je ne vous l’ai pas annoncé, mais en arrivant en
Guyane, j’ai croisé ma route de 2006 et j’ai ainsi bouclé la grande boucle du
tour du monde, voilà la nouvelle info, maintenant, c’est dit.
Puis je vais à la découverte des pontons de Dégrad des Cannes,
j’aimerais trouver une place au ponton ou à couple pour pouvoir laisser Soléja
en toute sécurité quelques jours. Je vais de bateau en bateau, je discute avec
ceux que je rencontre, au bout d’un moment, Steph et Arielle m’envoient vers
Mike. Celui-ci part une quinzaine de jours et voit d’un bon œil que j’occupe sa
place, ainsi il est assuré de la retrouver à son retour… Affaire conclue, il
doit partir lundi soir, je prendrai la place dès qu’elle sera libre.
En attendant je peux aller visiter Cayenne. En quatre ans la
ville a bien changé, elle est toute pimpante, quasiment toutes les maisons
traditionnelles ont été rénovées et les constructions vont bon train. Pour
trouver une vieille bâtisse, il faut désormais la chercher hors du centre
immédiat. Par contre, le marché est resté à sa place et a pris de l’importance,
la halle aux poissons est flambant neuve et s’agrandit encore. Je fais
évidemment le tour de la place des Palmistes et m’arrête à la terrasse éponyme
le temps de déguster une « pils » …
J’ai de la chance, le taxi collectif
n’est pas encore arrivé. Par
contre, je ne suis pas assuré d’avoir une place, une dizaine de personnes
attendent comme moi pour aller à St Georges sur l’Oyapoque. Très vite un taxi
supplémentaire nous interpelle et nous sommes cinq à nous décider rapidement,
puis d’autres vont venir compléter. Parmi les premiers se trouvent Sandro de
nationalité brésilienne qui travaille depuis 20 ans à Cayenne et Franck qui
arrive de la région parisienne pour travailler en Guyane et qui veut faire un
tour en Amazonie et au Pérou. Nous allons faire la route ensemble jusqu’à
Macapa.
La route est bonne et le taxi roule assez vite, en une heure
nous franchissons le barrage de la gendarmerie en pleine forêt. En un peu plus
de deux heures nous sommes à St Georges, les 200 Km ont été vite avalés…
Là, Sandro nous guide, il connait le chemin par cœur il le
fait chaque année pour ses vacances. Nous prenons une pirogue à moteur, en un
petit quart d’heure nous voilà sur l’autre rive, au Brésil, dans la ville
d’Oyapoque.
Oyapoque
Macapa :
Là, il me faut à nouveau un visa et en compagnie de Franck,
nous partons au bureau de l’immigration. Pendant ce temps, Sandro négocie un
taxi pour rejoindre Macapa à 600 Km… Une golf rutilante nous attend à la sortie
des autorités, Sandro nous engage à monter avec lui. Je suis un peu sceptique
sur la capacité du véhicule pour ce périple qui comporte 180 Km de piste en
mauvais état. Mais le conducteur et Sandro pensent que tout va bien se passer,
il n’a pas plu depuis plusieurs jours, alors, VAMOS…
Les cinquante ou soixante premiers Km se passent bien, mais la
voiture montre déjà son grand âge, les amortisseurs sont à l’état de vestiges.
Dès les premiers tours de roues sur la piste, nous sentons bien chaque nid de
poule et ils sont nombreux et profonds, le chauffeur doit zigzaguer pour les
éviter. Heureusement que l’on nous a dit que cette piste était bonne… La vitesse
s’est bien ralentie, nous poussons des pointes à 50, 60 Km/h entre les
baignoires…
A moins d’une heure, nous trouvons la première fondrière avec
des camions enlisés jusqu’aux essieux. D’autres
confrères essaient de les tracter à l’aide de câbles de remorquage. Il faut
souvent deux ou trois camions pour sortir un autre enlisé. Nous patinons,
patinons mais nous arrivons à passer pour cette fois ci, jusqu’à quand ?...
A la seconde ornière il nous faut descendre et pousser, mais
la boue reste assez dure et nous n’avons pas trop de problèmes. Le festival va
très vite s’amplifier, à la tombée de la nuit, il faut pousser, mais la boue est
très liquide et nous descendons pieds nus, nous enfonçons jusqu’aux chevilles…
Il nous faut toute la nuit pour sortir de cette piste et
rejoindre la route goudronnée. Nous sommes tous fatigués, mais le conducteur,
lui n’en peut plus et il doit encore piloter 300 Km…
Le pare-chocs avant tombe, il faut le
faire tenir avec de la ficelle, même remède pour le pot d’échappement, le
radiateur ne refroidit plus, il faut remettre de l’eau toute
les demi-heures, puis tous les quarts
d’heure… Enfin,
après une discussion technique avec notre conducteur, je lui explique que le
ventilateur ne fonctionne pas et qu’il risque d’y laisser son moteur, il doit
trouver la panne et la réparer. Il cherche, demande conseil à des camionneurs,
se couche à plusieurs reprises sous le moteur et enfin trouve un fil électrique
sectionné, il répare la connexion et le ventilateur tourne. VICTOIRE !!!
Nous devions mettre dix à douze heures pour parcourir les 600
Km, nous passons plus de 20 heures dans cette golf hors d’âge mais repeinte
chaque année… Bien qu’exténués, nous sommes très satisfaits d’arriver sains et
saufs à Santana, le port de Macapa. Macapa est situé exactement sur la ligne de
l’équateur, je me retrouve donc dans l’hémisphère Sud.
Sandro connait un hôtel bon marché, nous
pouvons enfin nous rafraîchir,
nous restaurer et nous reposer jusqu’au lendemain.
Croisière
sur l’Amazone et le Para : Santana – Brèves – Belem.
Franck ne part que dans l’après midi vers Santarem, Sandro et
moi partons vers Belem via Brèves au milieu du delta de l’Amazone. Le bateau
express de la compagnie « Bon Jesus », (ça ne s’invente pas et je recommande mon
âme ou ce qu’il m’en reste) doit larguer les amarres à 9 H, mais nous ne
quittons le quai qu’à 10 h 30, les derniers passagers, en retard de plus d’une
heure ne se pressent pas pour autant, ils savent que le capitaine les attend…
Nous traversons l’Amazone large de
plusieurs Km avant de nous engager dans des bras secondaires de plus en plus
étroits.
Certains ne font qu’une cinquantaine de mètres de large.
Cette région de
l’Amapa
au Nord Ouest du brésil reste le domaine des indiens qui vivent d’un peu de
culture, d’élevage et de pêche. Ils ont construit leur maison sur les
promontoires des berges et chacun possède son ponton et sa pirogue, seul moyen
de déplacement, la zone étant très marécageuse et largement inondée en saison
des pluies.
Le bateau s’arrête de temps à autre pour déposer ou prendre
quelqu’un sur l’un des pontons, le capitaine correspond par radio VHF pour
savoir s’il doit passer ou s’arrêter. De temps à autre il ralentit et stoppe au
milieu du fleuve et l’on voit arriver une pirogue pour prendre ou déposer un
colis ou une grosse caisse qui doivent être livrés au prochain village, parfois
aussi quelqu’un monte ou descend de la même façon. La vie du fleuve tourne
autour du passage du bateau deux fois par semaine.
Le
spectacle est permanent, vers les secteurs plus boisés, les scieries sont
nombreuses et les grumes sont acheminées par flottage.
Nous arrivons à
Brèves
juste avant la nuit pour embarquer sur un plus gros ferry à trois ponts qui nous
conduit vers Belem durant le restant de la nuit. Très vite il faut trouver une
place pour accrocher son hamac, l’espace se rétrécit de plus en plus, vers 20 H
un hamac est suspendu tous les 40 cm
et chacun place ses bagages en dessous de lui. L’espace est très occupé, mais
tout se passe dans la bonne humeur, personne ne se plaint de son voisin.
Pas de climatisation sur celui-ci, mais la fraicheur de la
nuit arrive et la terrasse du bar sur le pont supérieur remporte un vif succès.
Sandro m’invite à la table de ses amis, la bière et le whisky coulent à flots.
L’accueil des Brésiliens est vraiment formidable. Dans le groupe, une femme
arrose son anniversaire, elle paie la bière par douzaine de canettes, elle
commande même une bouteille de vin rouge. Plus tard, je me rends compte que
personne n’a touché à ce vin et je pense qu’elle a commandé cette bouteille
simplement parce qu’un Français était à sa table.
Tard je rejoins mon hamac et m’écroule pour quelques heures.
Belem :
Tôt ce matin, le fleuve s’est élargi,
nous avons atteint le rio
Para
qui coule le long de la ville tentaculaire de Belem : 1 410 000 habitants.
Nous arrivons vers 10 H du matin, sur le port, la foule
s’agite et grouille de toute part, apportant des colis ou venant chercher qui
une livraison, qui un client.
Au cours du voyage, je fais la
connaissance de Jean Christophe et de Yasmina, ils arrivent de Nantes par
Cayenne et vont passer quelques jours à Belem. Ils ont réservé un hôtel premier
prix dans le centre de la vieille ville,
je
leur emboite le pas. Nous sommes dans une rue étroite du centre ville, très
animée.
Après une douche, je descends en direction du fleuve et
j’arrive sur le grand marché de la ville, des fruits et légumes en quantité,
plus loin le marché aux poissons, la vie grouille littéralement. Tout au bord de
l’eau sur une immense terrasse, des guinguettes débitent leurs repas rapides et
leurs flots de bières, chacune possède un téléviseur qui diffuse des images
différentes avec un son au maximum. Quelques personnes regardent vaguement, les
autres discutent bruyamment… Je remonte ensuite sur le boulevard Vargas en
direction de la place verdoyante de la République. Sur les grands boulevards
sont installés toutes les sociétés internationales, les grands hôtels et les
banques, alors que le reste de la ville, plus ancien et moins bien entretenu,
abrite les activités et la vie de la grande majorité des habitants.
On sent que la ville a eu ses heures de
gloire, l’architecture des grandes maisons garde une certaine richesse, bien
qu’elles soient
peu entretenues.
Je vais me promener souvent seul, sans jamais rencontrer la
moindre marque d’hostilité, même la nuit. Le peuple brésilien reste toujours
très chaleureux et avenant.
A l’hôtel, nous sommes tout un groupe de Français, nous
échangeons nos découvertes et programmons le lendemain…
Un soir un jeune Brésilien nous entraine
à un concert reggae au bord du fleuve dans le quartier Ver o Peso…
Tout
se passe bien, nous passons une très bonne soirée et rentrons en taxi. Sauf
Christian qui rentrera à pieds juste avant les lueurs de l’aube et finira
accompagné par la police jusqu’à l’hôtel.
Manaus :
Lundi, en deux heures d’avion je rejoins Manaus. Au départ,
nous pouvons voir toute la largeur du fleuve Para jusqu'à l’île Marajó aussi
grande que la Suisse. Ensuite vient la forêt mais l’altitude ne nous permet pas
de distinguer de détails. A l’approche de Manaus, l’Amazone apparait, très
large, par endroit on ne voit pas la rive d’en face, on a l’impression étrange
d’avoir un grand lac ou un bras de mer.
A la sortie de l’aéroport, un homme me
propose une chambre dans son hôtel pour un prix très raisonnable et il m’emmène
dans sa voiture. C’est formidable,
j’économise le taxi ou le bus. Tout comme Belem,
Manaus est une grande ville, très étendue, elle compte 1 650 000 habitants et
l’aéroport est à 25 Km du centre. Un léger voile cache le soleil, mais il fait
très chaud, certainement autour de 35°.
Le principal bâtiment de la ville est le
théâtre opéra qui trône sur les hauteurs. Magnifique architecture de la fin du
19ème, avec un superbe dôme de tuiles vernissées. A l’époque des
splendeurs de la ville, on fit venir les matériaux d’Europe pour la
construction. L’argent du caoutchouc permettait alors toutes les folies ! Les
peintures de la salle de bal sont italiennes, les marbres de Carrare…
A côté, l’église Sao Sébastiào fut préconstruite en Europe,
puis reconstruite sur place.
Le bas de la ville change complètement, c’est le cœur de la
ville, les trottoirs sont encombrés d’une multitude de marchands en tous genres,
fruits, légumes, petite restauration, journaux, accessoires de cuisine,
quincailleries, camelots et autres.
On trouve aussi la gare des bus pour toutes les destinations,
le port et ses ferries qui partent vers Santarem en 2 jours, Belem en 5 jours,
et ceux qui remontent l’Amazone en direction du Pérou, ou le Solimoes vers Porto
Velho en une semaine.
Je vais rester 3 jours dans cette ville, aller au confluent
des eaux noires du rio Negro et celles bleues du « Solimoes ». Par contre je ne
suis pas allé voir les plages citées dans les guides.
Descente du
fleuve Amazone de Manaus vers Santarem :
J’ai acheté mon billet sur le trottoir à un démarcheur, la
veille du départ, il m’a fait une ristourne pour mon grand âge : 50 Reals pour
deux jours de croisière.
Aujourd’hui est le grand jour de la descente de ce majestueux
fleuve qu’est l’Amazone !
Je dois embarquer à 13 H sur le
« Santarem », je me présente un peu plus tôt et je demande où je dois embarquer,
le port est un tel imbroglio… Le vendeur à qui je m’adresse appelle une autre
personne et me demande de la suivre. Nous marchons 5 bonnes minutes et il me
fait monter dans une pirogue à moteur. Celle-ci m’emmène au ferry par le côté
donnant sur le fleuve et le conducteur me demande 10 R$. Sur l’instant, je pense
qu’étant donné le nombre de bateaux, le mien n’a pas eu de place à quai… Mais
très vite je me rends compte qu’il n’en est rien, les vendeurs se passent les
clients pour faire travailler leurs copains, le ferry est bien amarré à quai et
j’aurai pu accéder en 2 minutes et monter à bord par la « passerelle », en fait
une simple planche jetée sur le bordé. Le départ est prévu à 15 H, mais le temps
passe et nous ne bougeons pas, 16 H, 17 H… Il est quasiment 18 H lorsque le
ferry s’ébranle, le soleil descend bas sur l’horizon. Nous passons devant le
port de commerce, nous croisons de nombreux bateaux de fort tonnage, des cargos
comme des tankers ou des pousseurs de barges. J’en suis assez surpris, nous
sommes très loin de la mer, je ne pensais pas que des bateaux de fort tonnage
puissent remonter jusqu’ici et en fait, ils remontent encore plus loin,
jusqu’où ? Je ne sais pas, Porto Velho peut être, à huit ou 10 jours de
navigation...
Le soleil plonge lentement dans le fleuve tandis que nous
croisons d’autres navires sans problème, étant donné la grande largeur des
flots. Je tire quelques clichés de ce spectacle fabuleux pour essayer de fixer
ces instants privilégiés.
La nuit arrive, elle est agrémentée par
le ballet des embarcations de toutes tailles qui arborent fièrement leurs feux
tricolores : rouge, vert et blanc pour nous indiquer leur position et leur
direction.
La nuit s’écoule aussi calmement que
l’eau du fleuve et le lendemain matin nous faisons une escale à Parintins, une
petite ville du bord de l’eau.
De nombreuses personnes attendent sur le quai, des
parents et amis des voyageurs qui descendent là, les marchands de toutes sortes,
de repas, de boissons, de productions locales… Du fret est déchargé, un autre
est embarqué cela dure plus d’une heure. Enfin l’agitation du quai cesse et nous
reprenons notre navigation sur le fleuve.
Cette seconde étape passe vite, agrémentée par le mouvement
des voyageurs et le fabuleux panorama se déroulant sous nos yeux
Il
est 4 H 30 lorsque nous touchons le quai de Santarem, constitué d’une vieille
barge hors d’usage pour la navigation.
Il fait nuit et je ne l’avais pas prévu, je reste sur le quai
jusqu’au jour en compagnie de quelques voyageurs qui espèrent un correspondant,
moi c’est le lever du jour que j’attends.
Santarem :
Enfin le soleil pointe ses premiers rayons, je pars en
direction de la ville encore endormie. D’après mes renseignements, je dois
prendre le ferry pour Macapa dans l’autre port en amont de Santarem. J’ai la
journée pour trouver le bon lieu et le bon bateau. Je flâne dans les rues peu
fréquentées, traverse un charmant petit parc et bientôt je rejoins les berges du
fleuve. La ville s’éveille, je croise les derniers joggers du matin, le soleil
commence à se faire sentir, la température monte déjà.
Sur la place du marché, les premiers commerçants montent leurs
stands à l’ombre des platanes. Je m’installe à une terrasse et j’observe les
passants en me rafraîchissant avant d’aller m’enquérir d’une place sur le ferry
en partance pour Macapa.
Les embarcations de toutes sortes, amarrées la proue contre la
berge du fleuve se touchent toutes, elles sont serrées les unes contre les
autres. Certaines attendent le client, d’autres chargent ou déchargent qui des
marchandises, des animaux, qui des poissons, d’autres encore transportent des
passagers.
Après
avoir demandé plusieurs fois, je trouve enfin le ferry qui part cet après midi
pour Santarem. Je dois négocier le prix de la cabine, le capitaine me demande
d’abord
400 reals mais il m’embarquera finalement pour 180. La
cabine ressemble tout au plus à un placard ouvrant sur le pont, mais avec un
ventilateur s’il vous plait.
J’ai le temps de retourner faire un petit tour en ville
prendre mes derniers clichés, faire quelques emplettes.
A mon retour, j’assiste au chargement du
bateau, des pêcheurs transbordent leurs prises, d’énormes poissons chat sont
stockés dans de grands coffres, dans les cales et sur le premier pont. Ils sont
ensuite recouverts de glace pilée. Lors de ce transbordement, l’un d’eux glisse
des mains d’un matelot et tombe à l’eau. Malgré l’eau trouble, celui-ci plonge
immédiatement et cherche le fugitif, il cherche un instant et remonte sans
succès, il reprend sa respiration et plonge de nouveau un long moment et revient
avec sa prise, le sourire aux lèvres.
Les passagers arrivent peu à peu et installent leur hamac
coloré sur le pont supérieur.
En fin d’après midi, la circulation devient problématique, il
ne reste qu’une allée étroite sur chaque bord pour aller de la poupe à la proue,
les hamacs se touchent tous et les bagages encombrent tout l’espace disponible.
En fin d’après midi les amarres sont larguées et nous partons
au fil de l’eau, sur cet immense fleuve dont nous apercevons à peine l’autre
rive.
Santarem
Macapa :
Nous longeons les nombreuses embarcations amarrées à la rive
et très vite, toutes les marques de la ville s’estompent dans la brume de
l’horizon, le jour décline déjà...
La descente dure deux jours, cela passe
vite, le spectacle n’est pas seulement dans les paysages magnifiques et le jeu
des bateaux qui croisent dans tous les sens, mais il est aussi à bord. Les
hamacs multicolores se côtoient tous les quarante centimètres, au dessous
s’entassent les sacs et les valises, les Brésiliens ne voyagent pas léger,
chacun part avec au moins un sac et une valise, et s’il s’agit d’une jeune
femme, c’est le double… Nous prenons les repas en commun à la poupe du navire
sur une table unique,
les convives se succèdent toutes les 10 minutes pour engloutir le plat du jour :
viandes, poulet ou porc en sauce, riz, « fajoaos » et quelquefois une cuillère
de salade de tomates coupées en tout petits dès et une tranche d’ananas ou une
banane.
Le lendemain, nous faisons plusieurs escales dès 9 H, à
Prainha, le ferry embarque quantité de bière, de sacs de fajoaos, de caisses de
légumes… Les escales vont se succéder quasiment toutes les heures de jour comme
de nuit : « Paranocuara, Chicaia, Amazona et Almerim ».
Je débarque à Santana vers 7 H du matin et je suis assailli
par les démarcheurs qui me proposent des taxis pour Macapa à prix unique, mais à
prix d’or… Je marche en direction de l’arrêt du bus qui m’emportera à
destination pour quelques « reals ». L’attente est longue, nous ne savons jamais
à quelle heure passe le bus, mais il arrive toujours…
Je rencontre Richard, jeune Haïtien à la
recherche de travail, il va jusqu’à la ville frontière Oyapoque comme moi, ne
parle pas le Portugais, mais il s’exprime bien en Français, nous faisons
le
trajet ensemble. Le bus ne nous emmène pas à la gare routière, nous terminons en
moto-taxi, encore une péripétie, il faut négocier le tarif, comme toujours.
Enfin, à dix heures nous arrivons à la « rodoviaria » de Macapa.
Super, trois autocars partent en fin d’après midi pour
Oyapoque, à 17, 18, et 19 H. Les deux derniers sont déjà complets, nous prenons
nos billets pour celui de 17 H. Nous partirons plus tôt et par chance, c’est le
moins cher des trois !
Nous avons le temps de déjeuner chacun à
notre tour, l’autre surveillant les bagages.
Vers 14 H je vois arriver Yasmina et Jean Christophe, les
voilà également sur le retour vers la Guyane, ils vont voyager avec nous.
A 17 H nous sommes heureux de monter dans l’autocar et nous
partons rapidement sur la route goudronnée. Nous avons le temps d’apprécier les
paysages changeants avant la piste. Ensuite, la vitesse baisse sensiblement bien
que nous roulions plus vite qu’en voiture. A la première ornière un peu plus
profonde, le car s’enlise, les choses sérieuses commencent. Le chauffeur et son
aide nous demandent de descendre et de traverser à pied. En avant, en arrière
plusieurs fois, Ouf ! Il se tire d’affaire et nous regagnons nos sièges. Chacun
de nous garde le regard rivé sur la piste et surveille attentivement chacune des
embardées du bus.
15 mn plus tard, la même scène se
renouvelle, cette fois-ci nous descendons dans la boue liquide jusqu’aux
chevilles. Les premiers passagers n’ont pas eu de chance, ils sont descendus en
chaussures, évidemment les suivants sont pieds nus, nous remonterons avec des
chaussettes naturelles beige marron…
Au crépuscule, le chauffeur fait une halte devant une auberge,
là d’autre autocars sont stationnés, les chauffeurs palabrent et l’aide démonte
les pare-chocs de notre véhicule, ça promet…
Nous repartons et ramassons quelques personnes au passage.
Nouvelle difficulté, une ornière à droite et une autre sur la gauche au même
niveau du passage. Le chauffeur semble opter pour celle de gauche, puis se
ravise. Il fait une courte marche arrière et revient se présenter devant celle
de droite. N’étant pas tout à fait dans l’axe, le car heurte le talus de droite
pour se remettre dans le passage, sous l’effet du choc, la portière avant
s’entrouvre et se plante dans la butte. En une seconde elle s’arrache et passe
sous le véhicule. Celui-ci s’immobilise après l’ornière et l’aide part chercher
ce qu’il reste de la porte qu’il vient loger dans l’allée centrale du bus. Nous
voilà repartis, les passagers du bord de l’allée doivent maintenir la portière
pour qu’elle ne blesse personne.
La nuit est encore plus mouvementée,
l’obstacle qui se présente à nous est une profonde et longue fondrière d’une
bonne centaine de mètres. Un camion de livraison est resté prisonnier en plein
milieu.
Pour essayer de passer, il faut l’aider à se sortir de là.
A ce moment, les deux autres autocars, partis plus tard que nous arrivent en
même temps. Les chauffeurs se concertent et deux d’entre eux font demi-tour et
sortent des câbles pour tracter le camion. L’attelage est impressionnant, à la
première tentative le câble casse. Il faut réparer le câble et recommencer.
Cette fois-ci, après maints efforts, le camion rejoint la piste ferme.
Des deux cars qui nous suivaient, le dernier tente le passage
en premier. Il s’élance dans les traces profondes, patine, et cahin-caha, arrive
de l’autre côté sous les applaudissements des passagers spectateurs des 3 bus.
Le second bus s’élance à son tour, ses roues patinent, patinent, il se balance
d’un bord sur l’autre tel un navire dans les vagues, il patine encore mais
avance et finalement atteint la piste dure et mérite lui aussi les
applaudissements du public conquis.
A nous maintenant, notre car s’élance à son tour à vive
allure, très vite les roues patinent, l’avant heurte la bordure, il est renvoyé
sur l’autre talus et s’immobilise les roues tournant à vide dans la boue liquide
et le moteur hurlant. Les deux autres cars reviennent pour nous sortir de là. Il
faut bien les deux véhicules tracteurs pour nous retirer de cette fange.
Nous voilà repartis pour le reste de la nuit. A plusieurs
reprises les autocars qui roulent en convoi s’arrêtent à des auberges pour que
tout un chacun puisse bouger un peu. Durant le trajet, peu d’entre nous peuvent
dormir, nous sommes chahutés et l’air frais de la nuit entre directement par
l’absence de porte.
Vers 5 H nous stoppons, une nouvelle
fondrière encore plus profonde et plus longue se présente devant nous. Un énorme
camion à trois essieux
en ferme l’accès, il est immobilisé en plein milieu
et d’ici, on ne voit plus que le sommet de ses roues, ses pare-chocs reposent
sur la glaise : il est bien pris ! Les chauffeurs décident d’attendre le jour
pour intervenir.
Cette fois ci, les trois cars vont s’atteler, ils tirent,
tirent et les câbles finissent par céder, la scène se répète à quatre reprises.
Entre temps deux hommes poursuivent le dégagement des roues,
ils creusent, creusent encore et encore la glaise collante. Enfin, le camion
tremble, s’ébranle, recule et, et, arrive à sortir en marche arrière.
Tous les passagers descendus sur la piste, observent et
commentent le spectacle.
Désormais, il va falloir repartir en
avant et traverser à nouveau cette fondrière dans le bon sens. Les autocars se
mettent sur le départ, le meilleur des trois passe en premier, il patine un peu
mais se tire très bien d’affaire. Le second peine davantage et finit par
s’immobiliser vingt mètres
avant la piste dure. Il lui faut l’aide du premier bus pour sortir.
Vient le tour de notre bus, il s’élance à vive allure,
franchit quelques dizaines de mètres, patine, puis dans un dernier soubresaut,
heurte la moraine et se met en travers sur la fondrière, s’arrêtant net, là !
Bel exploit !
Ses deux compagnons viennent à son secours pour le sortir de
là, les deux autocars sont à la peine une nouvelle fois, les câbles vont casser
encore deux fois, mais voilà maintenant nos héros sur le dur.
Il reste le gros camion à aider. Il s’élance à son tour et
comme notre bus, s’immobilise en plein milieu. Le manège reprend une nouvelle
fois… avec succès. Les passagers remontent dans leur bus respectif ravis du
spectacle malgré le retard.
Nous rejoignons le goudron vers 10 H, la suite du parcours
nous semble bien anodine, nous arrivons à la rodoviaria de Santana vers 11 H. Un
taxi nous emmène à la police fédérale pour tamponner les passeports et à midi
nous sommes à Oyapoque. Frank nous quitte, je poursuis en compagnie de Yasmina
et J Christophe, nous traversons le fleuve sur une pirogue et aussitôt à St
Georges nous trouvons un véhicule qui nous transporte jusqu’à Cayenne.
A 17 H je suis de retour à bord de
Soléja !!!
Ainsi se termine mon voyage de plus de 4 mois dans cet
immense pays qu’est le Brésil, j’ai traversé une bonne douzaine d’états : de Rio
à l’Amazonas,
en passant par Sao Paulo, le Parana, Vitoria, Bahia, le
Mina Gerais, le Paraiba, le Pernambuco, le Rio Grande del Norte, le Ceara,
l’Amapa, le Para…
Quel
bonheur que cette découverte, des souvenirs par milliers me resteront gravés à
jamais !!!
Cayenne,
Kourou, les îles du Salut :
Je reste encore deux jours à la marina de Dégrad des Cannes
pour fêter mon départ avec les amis du coin, et au matin du 28 août je largue
les amarres, je salue tout le monde d’un grand coup de corne de brume et me
dirige vers l’embouchure du Mahury.
A 10 H 30 je sors du chenal entre les îles Rémires, je laisse
la Mère et les deux mamelles sur tribord, je vire le père par bâbord et met le
cap sur les îles du Salut. Bien que je sois à 5 ou 6 milles des côtes, les fonds
n’excèdent pas 6 à 7 mètres.
A 16 h j’embouque le chenal qui entre dans
le fleuve Kourou, à 18 H je mouille ma fidèle ancre Brake dans 2, 5 mètres d’eau
près de l’école de voile. (5° 09’ 40N – 52° 37’ 73 W)
Malgré
l’accueil chaleureux du responsable du restaurant avec une bonne bière, le
lendemain je vais mouiller un peu plus haut, près du ponton des pêcheurs et de
la ville de Kourou. Deux autres voiliers sont déjà là. D’autres viendront durant
mon séjour, je fais connaissance avec leur valeureux capitaine. L’un d’eux est
arrivé de métropole voilà 4 ans et n’a pas bougé depuis. Un second a acheté pour
1 € une coque rongée jusqu’à l’os, aux deux mâts sciés à 3 mètres du pont et
tente de la réparer, un troisième, météorologue au centre spatial me fait
visiter son laboratoire
et parcourir le site. Et puis il y a Denis et sa
charmante compagne sur leur beau Niaouli rouge, Denis en est à son troisième
tour du monde. Au bout de quelques jours et bien d’autres rencontres, je fais
les pleins de liquide et de vivres et je pointe mon étrave vers le large.
A l’embouchure du fleuve je reconnais le voilier de Stéphane,
Irène et leur fille Marie-Lou, je me détourne pour les saluer et discuter un
peu, puis je mets le cap sur l’archipel des îles du Salut.
Je viens mouiller dans la petite baie des Cocotiers bien encombrée de
l’île Royale.
Je saute dans l’annexe et pars visiter les ruines du bagne. Je
me promène sur le plateau parmi les ruines chargées de ces moments peu glorieux
de notre histoire pas si lointaine. Cet espace bien entretenu, comporte un
hôtel-restaurant, un poste de gendarmerie apparemment en fonction, une église
bien conservée, le phare des îles, et les ruines des geôles et des cellules … Je
reste jusqu’à la déclinaison du soleil puis redescends vers la baie. En passant
devant le musée je rencontre le gardien sur la terrasse. Bien que le bâtiment
soit déjà fermé, il répond à mes questions et ne tarit pas d’anecdotes
historiques et contemporaines …
Le lendemain, le ministre de la culture vient visiter l’île,
le musée ouvrira exceptionnellement à 9 H et il m’invite à venir à la première
heure. Je vais décliner cette invitation, demain dimanche 5 août, Ste Raïssa, je
prends le large vers Trinidad bien que la météo soit peu favorable…
Bizzz
à
tous, à la prochaine…
Position actuelle de Soléja : 10°