8ème lettre de SOLEJA en 2010

Bonjour la Guyane et petit retour en Amazonie

  

Bonjour les amis,

 

Au fait, je ne vous l’ai pas annoncé, mais en arrivant en Guyane, j’ai croisé ma route de 2006 et j’ai ainsi bouclé la grande boucle du tour du monde, voilà la nouvelle info, maintenant, c’est dit.

 Premier jour, visite aux connaissances, les « Ylang », Marielle, Patrice, leurs deux filles Liane et Lucie  que j’ai rencontrés la première fois aux Seychelles, puis à Mayotte, à Mada et en Afrique du Sud d’où je suis parti avant qu’ils n’arrivent. On se raconte nos dernières aventures… Je retrouve Cœlacanthe avec « Michele et Lara », un jeune couple italien très sympathique, naviguant sous pavillon français, que j’ai croisé pour la première fois à Ilha Grande au sud ouest de Rio.

Puis je vais à la découverte des pontons de Dégrad des Cannes, j’aimerais trouver une place au ponton ou à couple pour pouvoir laisser Soléja en toute sécurité quelques jours. Je vais de bateau en bateau, je discute avec ceux que je rencontre, au bout d’un moment, Steph et Arielle m’envoient vers Mike. Celui-ci part une quinzaine de jours et voit d’un bon œil que j’occupe sa place, ainsi il est assuré de la retrouver à son retour… Affaire conclue, il doit partir lundi soir, je prendrai la place dès qu’elle sera libre.

En attendant je peux aller visiter Cayenne. En quatre ans la ville a bien changé, elle est toute pimpante, quasiment toutes les maisons traditionnelles ont été rénovées et les constructions vont bon train. Pour trouver une vieille bâtisse, il faut désormais la chercher hors du centre immédiat. Par contre, le marché est resté à sa place et a pris de l’importance, la halle aux poissons est flambant neuve et s’agrandit encore. Je fais évidemment le tour de la place des Palmistes et m’arrête à la terrasse éponyme le temps de déguster une « pils » …

 Je pars le mercredi à 7 H de la marina et je commence à lever le pouce, mais à cette heure ci, il y a peu de véhicules et je dois faire plus d’un Km pour grimper dans un camion de livraison. Malheureusement, celui-ci ne va pas jusqu’à la gare routière et me dépose à l’entrée de la ville. Il est bientôt 8 H et les voitures sont très nombreuses, mais personne ne daigne s’arrêter pour un pauvre péquin comme moi qui ose lever le pouce pour se déplacer… au bout d’une heure, un jeune noir me prend en pitié et m’accepte dans sa voiture. OUF ! C’est un artiste de rue, intermittent du spectacle, nous discutons beaucoup durant le trajet et nous pensons nous revoir à mon retour…

J’ai de la chance, le taxi collectif n’est pas encore arrivé.  Par contre, je ne suis pas assuré d’avoir une place, une dizaine de personnes attendent comme moi pour aller à St Georges sur l’Oyapoque. Très vite un taxi supplémentaire nous interpelle et nous sommes cinq à nous décider rapidement, puis d’autres vont venir compléter. Parmi les premiers se trouvent Sandro de nationalité brésilienne qui travaille depuis 20 ans à Cayenne et Franck qui arrive de la région parisienne pour travailler en Guyane et qui veut faire un tour en Amazonie et au Pérou. Nous allons faire la route ensemble jusqu’à Macapa.

La route est bonne et le taxi roule assez vite, en une heure nous franchissons le barrage de la gendarmerie en pleine forêt. En un peu plus de deux heures nous sommes à St Georges, les 200 Km ont été vite avalés…

Là, Sandro nous guide, il connait le chemin par cœur il le fait chaque année pour ses vacances. Nous prenons une pirogue à moteur, en un petit quart d’heure nous voilà sur l’autre rive, au Brésil, dans la ville d’Oyapoque.

 

Oyapoque Macapa :  

Là, il me faut à nouveau un visa et en compagnie de Franck, nous partons au bureau de l’immigration. Pendant ce temps, Sandro négocie un taxi pour rejoindre Macapa à 600 Km… Une golf rutilante nous attend à la sortie des autorités, Sandro nous engage à monter avec lui. Je suis un peu sceptique sur la capacité du véhicule pour ce périple qui comporte 180 Km de piste en mauvais état. Mais le conducteur et Sandro pensent que tout va bien se passer, il n’a pas plu depuis plusieurs jours, alors, VAMOS…

Les cinquante ou soixante premiers Km se passent bien, mais la voiture montre déjà son grand âge, les amortisseurs sont à l’état de vestiges. Dès les premiers tours de roues sur la piste, nous sentons bien chaque nid de poule et ils sont nombreux et profonds, le chauffeur doit zigzaguer pour les éviter. Heureusement que l’on nous a dit que cette piste était bonne… La vitesse s’est bien ralentie, nous poussons des pointes à 50, 60 Km/h entre les baignoires…

A moins d’une heure, nous trouvons la première fondrière avec des camions enlisés jusqu’aux essieux. D’autres confrères essaient de les tracter à l’aide de câbles de remorquage. Il faut souvent deux ou trois camions pour sortir un autre enlisé. Nous patinons, patinons mais nous arrivons à passer pour cette fois ci, jusqu’à quand ?...

A la seconde ornière il nous faut descendre et pousser, mais la boue reste assez dure et nous n’avons pas trop de problèmes. Le festival va très vite s’amplifier, à la tombée de la nuit, il faut pousser, mais la boue est très liquide et nous descendons pieds nus, nous enfonçons jusqu’aux chevilles…

Il nous faut toute la nuit pour sortir de cette piste et rejoindre la route goudronnée. Nous sommes tous fatigués, mais le conducteur, lui n’en peut plus et il doit encore piloter 300 Km…

Le pare-chocs avant tombe, il faut le faire tenir avec de la ficelle, même remède pour le pot d’échappement, le radiateur ne refroidit plus, il faut remettre de l’eau toute les demi-heures, puis tous les quarts d’heure…  Enfin, après une discussion technique avec notre conducteur, je lui explique que le ventilateur ne fonctionne pas et qu’il risque d’y laisser son moteur, il doit trouver la panne et la réparer. Il cherche, demande conseil à des camionneurs, se couche à plusieurs reprises sous le moteur et enfin trouve un fil électrique sectionné, il répare la connexion et le ventilateur tourne. VICTOIRE !!!

Nous devions mettre dix à douze heures pour parcourir les 600 Km, nous passons plus de 20 heures dans cette golf hors d’âge mais repeinte chaque année… Bien qu’exténués, nous sommes très satisfaits d’arriver sains et saufs à Santana, le port de Macapa. Macapa est situé exactement sur la ligne de l’équateur, je me retrouve donc dans l’hémisphère Sud.

Sandro connait un hôtel bon marché, nous pouvons enfin nous rafraîchir,  nous restaurer et nous reposer jusqu’au lendemain.

 

Croisière sur l’Amazone et le Para : Santana – Brèves – Belem.  

Franck ne part que dans l’après midi vers Santarem, Sandro et moi partons vers Belem via Brèves au milieu du delta de l’Amazone. Le bateau express de la compagnie « Bon Jesus », (ça ne s’invente pas et je recommande mon âme ou ce qu’il m’en reste) doit larguer les amarres à 9 H, mais nous ne quittons le quai qu’à 10 h 30, les derniers passagers, en retard de plus d’une heure ne se pressent pas pour autant, ils savent que le capitaine les attend…

Nous traversons l’Amazone large de plusieurs Km avant de nous engager dans des bras secondaires de plus en plus étroits.  Certains ne font qu’une cinquantaine de mètres de large. Cette région de l’Amapa au Nord Ouest du brésil reste le domaine des indiens qui vivent d’un peu de culture, d’élevage et de pêche. Ils ont construit leur maison sur les promontoires des berges et chacun possède son ponton et sa pirogue, seul moyen de déplacement, la zone étant très marécageuse et largement inondée en saison des pluies.

Le bateau s’arrête de temps à autre pour déposer ou prendre quelqu’un sur l’un des pontons, le capitaine correspond par radio VHF pour savoir s’il doit passer ou s’arrêter. De temps à autre il ralentit et stoppe au milieu du fleuve et l’on voit arriver une pirogue pour prendre ou déposer un colis ou une grosse caisse qui doivent être livrés au prochain village, parfois aussi quelqu’un monte ou descend de la même façon. La vie du fleuve tourne autour du passage du bateau deux fois par semaine.

Le spectacle est permanent, vers les secteurs plus boisés, les scieries sont nombreuses et les grumes sont acheminées par flottage.

Nous arrivons à Brèves juste avant la nuit pour embarquer sur un plus gros ferry à trois ponts qui nous conduit vers Belem durant le restant de la nuit. Très vite il faut trouver une place pour accrocher son hamac, l’espace se rétrécit de plus en plus, vers 20 H un hamac est suspendu tous les 40 cm et chacun place ses bagages en dessous de lui. L’espace est très occupé, mais tout se passe dans la bonne humeur, personne ne se plaint de son voisin.

Pas de climatisation sur celui-ci, mais la fraicheur de la nuit arrive et la terrasse du bar sur le pont supérieur remporte un vif succès. Sandro m’invite à la table de ses amis, la bière et le whisky coulent à flots. L’accueil des Brésiliens est vraiment formidable. Dans le groupe, une femme arrose son anniversaire, elle paie la bière par douzaine de canettes, elle commande même une bouteille de vin rouge. Plus tard, je me rends compte que personne n’a touché à ce vin et je pense qu’elle a commandé cette bouteille simplement parce qu’un Français était à sa table.

Tard je rejoins mon hamac et m’écroule pour quelques heures.  

Belem :  

Tôt ce matin, le fleuve s’est élargi, nous avons atteint le rio Para qui coule le long de la ville tentaculaire de Belem : 1 410 000 habitants.

Nous arrivons vers 10 H du matin, sur le port, la foule s’agite et grouille de toute part, apportant des colis ou venant chercher qui une livraison, qui un client.

Au cours du voyage, je fais la connaissance de Jean Christophe et de Yasmina, ils arrivent de Nantes par Cayenne et vont passer quelques jours à Belem. Ils ont réservé un hôtel premier prix dans le centre de la vieille ville,  je leur emboite le pas. Nous sommes dans une rue étroite du centre ville, très animée.

Après une douche, je descends en direction du fleuve et j’arrive sur le grand marché de la ville, des fruits et légumes en quantité, plus loin le marché aux poissons, la vie grouille littéralement. Tout au bord de l’eau sur une immense terrasse, des guinguettes débitent leurs repas rapides et leurs flots de bières, chacune possède un téléviseur qui diffuse des images différentes avec un son au maximum. Quelques personnes regardent vaguement, les autres discutent bruyamment… Je remonte ensuite sur le boulevard Vargas en direction de la place verdoyante de la République. Sur les grands boulevards sont installés toutes les sociétés internationales, les grands hôtels et les banques, alors que le reste de la ville, plus ancien et moins bien entretenu, abrite les activités et la vie de la grande majorité des habitants.

On sent que la ville a eu ses heures de gloire, l’architecture des grandes maisons garde une certaine richesse, bien qu’elles soient  peu entretenues.

Je vais me promener souvent seul, sans jamais rencontrer la moindre marque d’hostilité, même la nuit. Le peuple brésilien reste toujours très chaleureux et avenant.

A l’hôtel, nous sommes tout un groupe de Français, nous échangeons nos découvertes et programmons le lendemain…

Un soir un jeune Brésilien nous entraine à un concert reggae au bord du fleuve dans le quartier Ver o Peso…  Tout se passe bien, nous passons une très bonne soirée et rentrons en taxi. Sauf Christian qui rentrera à pieds juste avant les lueurs de l’aube et finira accompagné par la police jusqu’à l’hôtel.

 

Manaus :  

Lundi, en deux heures d’avion je rejoins Manaus. Au départ, nous pouvons voir toute la largeur du fleuve Para jusqu'à l’île Marajó aussi grande que la Suisse. Ensuite vient la forêt mais l’altitude ne nous permet pas de distinguer de détails. A l’approche de Manaus, l’Amazone apparait, très large, par endroit on ne voit pas la rive d’en face, on a l’impression étrange d’avoir un grand lac ou un bras de mer.

A la sortie de l’aéroport, un homme me propose une chambre dans son hôtel pour un prix très raisonnable et il m’emmène dans sa voiture. C’est formidable,  j’économise le taxi ou le bus. Tout comme Belem, Manaus est une grande ville, très étendue, elle compte 1 650 000 habitants et l’aéroport est à 25 Km du centre. Un léger voile cache le soleil, mais il fait très chaud, certainement autour de 35°.

Le principal bâtiment de la ville est le théâtre opéra qui trône sur les hauteurs. Magnifique architecture de la fin du 19ème, avec un superbe dôme de tuiles vernissées. A l’époque des splendeurs de la ville, on fit venir les matériaux d’Europe pour la construction. L’argent du caoutchouc permettait alors toutes les folies ! Les peintures de la salle de bal sont italiennes, les marbres de Carrare…

A côté, l’église Sao Sébastiào fut préconstruite en Europe, puis reconstruite sur place.

Le bas de la ville change complètement, c’est le cœur de la ville, les trottoirs sont encombrés d’une multitude de marchands en tous genres, fruits, légumes, petite restauration, journaux, accessoires de cuisine, quincailleries, camelots et autres.

On trouve aussi la gare des bus pour toutes les destinations, le port et ses ferries qui partent vers Santarem en 2 jours, Belem en 5 jours, et ceux qui remontent l’Amazone en direction du Pérou, ou le Solimoes vers Porto Velho en une semaine.

Je vais rester 3 jours dans cette ville, aller au confluent des eaux noires du rio Negro et celles bleues du « Solimoes ». Par contre je ne suis pas allé voir les plages citées dans les guides.
 

Descente du fleuve Amazone de Manaus vers Santarem : 

J’ai acheté mon billet sur le trottoir à un démarcheur, la veille du départ, il m’a fait une ristourne pour mon grand âge : 50 Reals pour deux jours de croisière.

Aujourd’hui est le grand jour de la descente de ce majestueux fleuve qu’est l’Amazone !

Je dois embarquer à 13 H sur le « Santarem », je me présente un peu plus tôt et je demande où je dois embarquer, le port est un tel imbroglio… Le vendeur à qui je m’adresse appelle une autre personne et me demande de la suivre. Nous marchons 5 bonnes minutes et il me fait monter dans une pirogue à moteur. Celle-ci m’emmène au ferry par le côté donnant sur le fleuve et le conducteur me demande 10 R$. Sur l’instant, je pense qu’étant donné le nombre de bateaux, le mien n’a pas eu de place à quai… Mais très vite je me rends compte qu’il n’en est rien, les vendeurs se passent les clients pour faire travailler leurs copains, le ferry est bien amarré à quai et j’aurai pu accéder en 2 minutes et monter à bord par la « passerelle », en fait une simple planche jetée sur le bordé. Le départ est prévu à 15 H, mais le temps passe et nous ne bougeons pas, 16 H, 17 H… Il est quasiment 18 H lorsque le ferry s’ébranle, le soleil descend bas sur l’horizon. Nous passons devant le port de commerce, nous croisons de nombreux bateaux de fort tonnage, des cargos comme des tankers ou des pousseurs de barges. J’en suis assez surpris, nous sommes très loin de la mer, je ne pensais pas que des bateaux de fort tonnage puissent remonter jusqu’ici et en fait, ils remontent encore plus loin, jusqu’où ? Je ne sais pas, Porto Velho peut être, à huit ou 10 jours de navigation... 

Le soleil plonge lentement dans le fleuve tandis que nous croisons d’autres navires sans problème, étant donné la grande largeur des flots. Je tire quelques clichés de ce spectacle fabuleux pour essayer de fixer ces instants privilégiés.

La nuit arrive, elle est agrémentée par le ballet des embarcations de toutes tailles qui arborent fièrement leurs feux tricolores : rouge, vert et blanc pour nous indiquer leur position et leur direction.  

La nuit s’écoule aussi calmement que l’eau du fleuve et le lendemain matin nous faisons une escale à Parintins, une petite ville du bord de l’eau.  De nombreuses personnes attendent sur le quai, des parents et amis des voyageurs qui descendent là, les marchands de toutes sortes, de repas, de boissons, de productions locales… Du fret est déchargé, un autre est embarqué cela dure plus d’une heure. Enfin l’agitation du quai cesse et nous reprenons notre navigation sur le fleuve.

Cette seconde étape passe vite, agrémentée par le mouvement des voyageurs et le fabuleux panorama se déroulant sous nos yeux

 Il est 4 H 30 lorsque nous touchons le quai de Santarem, constitué d’une vieille barge hors d’usage pour la navigation.

Il fait nuit et je ne l’avais pas prévu, je reste sur le quai jusqu’au jour en compagnie de quelques voyageurs qui espèrent un correspondant, moi c’est le lever du jour que j’attends.

 

Santarem :  

Enfin le soleil pointe ses premiers rayons, je pars en direction de la ville encore endormie. D’après mes renseignements, je dois prendre le ferry pour Macapa dans l’autre port en amont de Santarem. J’ai la journée pour trouver le bon lieu et le bon bateau. Je flâne dans les rues peu fréquentées, traverse un charmant petit parc et bientôt je rejoins les berges du fleuve. La ville s’éveille, je croise les derniers joggers du matin, le soleil commence à se faire sentir, la température monte déjà.

Sur la place du marché, les premiers commerçants montent leurs stands à l’ombre des platanes. Je m’installe à une terrasse et j’observe les passants en me rafraîchissant avant d’aller m’enquérir d’une place sur le ferry en partance pour Macapa.

Les embarcations de toutes sortes, amarrées la proue contre la berge du fleuve se touchent toutes, elles sont serrées les unes contre les autres. Certaines attendent le client, d’autres chargent ou déchargent qui des marchandises, des animaux, qui des poissons, d’autres encore transportent des passagers.

Après avoir demandé plusieurs fois, je trouve enfin le ferry qui part cet après midi pour Santarem. Je dois négocier le prix de la cabine, le capitaine me demande d’abord  400 reals mais il m’embarquera finalement pour 180. La cabine ressemble tout au plus à un placard ouvrant sur le pont, mais avec un ventilateur s’il vous plait.

J’ai le temps de retourner faire un petit tour en ville prendre mes derniers clichés, faire quelques emplettes.

A mon retour, j’assiste au chargement du bateau, des pêcheurs transbordent leurs prises, d’énormes poissons chat sont stockés dans de grands coffres, dans les cales et sur le premier pont. Ils sont ensuite recouverts de glace pilée. Lors de ce transbordement, l’un d’eux glisse des mains d’un matelot et tombe à l’eau. Malgré l’eau trouble, celui-ci plonge immédiatement et cherche le fugitif, il cherche un instant et remonte sans succès, il reprend sa respiration et plonge de nouveau un long moment et revient avec sa prise, le sourire aux lèvres. 

Les passagers arrivent peu à peu et installent leur hamac coloré sur le pont supérieur.

En fin d’après midi, la circulation devient problématique, il ne reste qu’une allée étroite sur chaque bord pour aller de la poupe à la proue, les hamacs se touchent tous et les bagages encombrent tout l’espace disponible.

En fin d’après midi les amarres sont larguées et nous partons au fil de l’eau, sur cet immense fleuve dont nous apercevons à peine l’autre rive.

 

Santarem Macapa :  

Nous longeons les nombreuses embarcations amarrées à la rive et très vite, toutes les marques de la ville s’estompent dans la brume de l’horizon, le jour décline déjà...

La descente dure deux jours, cela passe vite, le spectacle n’est pas seulement dans les paysages magnifiques et le jeu des bateaux qui croisent dans tous les sens, mais il est aussi à bord. Les hamacs multicolores se côtoient tous les quarante centimètres, au dessous s’entassent les sacs et les valises, les Brésiliens ne voyagent pas léger, chacun part avec au moins un sac et une valise, et s’il s’agit d’une jeune femme, c’est le double… Nous prenons les repas en commun à la poupe du navire sur une table unique, les convives se succèdent toutes les 10 minutes pour engloutir le plat du jour : viandes, poulet ou porc en sauce, riz, « fajoaos » et quelquefois une cuillère de salade de tomates coupées en tout petits dès et une tranche d’ananas ou une banane.  

Le lendemain, nous faisons plusieurs escales dès 9 H, à Prainha, le ferry embarque quantité de bière, de sacs de fajoaos, de caisses de légumes… Les escales vont se succéder quasiment toutes les heures de jour comme de nuit : « Paranocuara, Chicaia, Amazona et Almerim ».

Je débarque à Santana vers 7 H du matin et je suis assailli par les démarcheurs qui me proposent des taxis pour Macapa à prix unique, mais à prix d’or… Je marche en direction de l’arrêt du bus qui m’emportera à destination pour quelques « reals ». L’attente est longue, nous ne savons jamais à quelle heure passe le bus, mais il arrive toujours…

Je rencontre Richard, jeune Haïtien à la recherche de travail, il va jusqu’à la ville frontière Oyapoque comme moi, ne parle pas le Portugais, mais il s’exprime bien en Français, nous faisons  le trajet ensemble. Le bus ne nous emmène pas à la gare routière, nous terminons en moto-taxi, encore une péripétie, il faut négocier le tarif, comme toujours. Enfin, à dix heures nous arrivons à la « rodoviaria » de Macapa.

Super, trois autocars partent en fin d’après midi pour Oyapoque, à 17, 18, et 19 H. Les deux derniers sont déjà complets, nous prenons nos billets pour celui de 17 H. Nous partirons plus tôt et par chance, c’est le moins cher des trois !

Nous avons le temps de déjeuner chacun à notre tour, l’autre surveillant les bagages. 

Vers 14 H je vois arriver Yasmina et Jean Christophe, les voilà également sur le retour vers la Guyane, ils vont voyager avec nous.

A 17 H nous sommes heureux de monter dans l’autocar et nous partons rapidement sur la route goudronnée. Nous avons le temps d’apprécier les paysages changeants avant la piste. Ensuite, la vitesse baisse sensiblement bien que nous roulions plus vite qu’en voiture. A la première ornière un peu plus profonde, le car s’enlise, les choses sérieuses commencent. Le chauffeur et son aide nous demandent de descendre et de traverser à pied. En avant, en arrière plusieurs fois, Ouf ! Il se tire d’affaire et nous regagnons nos sièges. Chacun de nous garde le regard rivé sur la piste et surveille attentivement chacune des embardées du bus.

15 mn plus tard, la même scène se renouvelle, cette fois-ci nous descendons dans la boue liquide jusqu’aux chevilles. Les premiers passagers n’ont pas eu de chance, ils sont descendus en chaussures, évidemment les suivants sont pieds nus, nous remonterons avec des chaussettes naturelles beige marron…   

Au crépuscule, le chauffeur fait une halte devant une auberge, là d’autre autocars sont stationnés, les chauffeurs palabrent et l’aide démonte les pare-chocs de notre véhicule, ça promet…

Nous repartons et ramassons quelques personnes au passage. Nouvelle difficulté, une ornière à droite et une autre sur la gauche au même niveau du passage. Le chauffeur semble opter pour celle de gauche, puis se ravise. Il fait une courte marche arrière et revient se présenter devant celle de droite. N’étant pas tout à fait dans l’axe, le car heurte le talus de droite pour se remettre dans le passage, sous l’effet du choc, la portière avant s’entrouvre et se plante dans la butte. En une seconde elle s’arrache et passe sous le véhicule. Celui-ci s’immobilise après l’ornière et l’aide part chercher ce qu’il reste de la porte qu’il vient loger dans l’allée centrale du bus. Nous voilà repartis, les passagers du bord de l’allée doivent maintenir la portière pour qu’elle ne blesse personne.

La nuit est encore plus mouvementée, l’obstacle qui se présente à nous est une profonde et longue fondrière d’une bonne centaine de mètres. Un camion de livraison est resté prisonnier en plein milieu.  Pour essayer de passer, il faut l’aider à se sortir de là. A ce moment, les deux autres autocars, partis plus tard que nous arrivent en même temps. Les chauffeurs se concertent et deux d’entre eux font demi-tour et sortent des câbles pour tracter le camion. L’attelage est impressionnant, à la première tentative le câble casse. Il faut réparer le câble et recommencer. Cette fois-ci, après maints efforts, le camion rejoint la piste ferme.

Des deux cars qui nous suivaient, le dernier tente le passage en premier. Il s’élance dans les traces profondes, patine, et cahin-caha, arrive de l’autre côté sous les applaudissements des passagers spectateurs des 3 bus. Le second bus s’élance à son tour, ses roues patinent, patinent, il se balance d’un bord sur l’autre tel un navire dans les vagues, il patine encore mais avance et finalement atteint la piste dure et mérite lui aussi les applaudissements du public conquis.

A nous maintenant, notre car s’élance à son tour à vive allure, très vite les roues patinent, l’avant heurte la bordure, il est renvoyé sur l’autre talus et s’immobilise les roues tournant à vide dans la boue liquide et le moteur hurlant. Les deux autres cars reviennent pour nous sortir de là. Il faut bien les deux véhicules tracteurs pour nous retirer de cette fange.

Nous voilà repartis pour le reste de la nuit. A plusieurs reprises les autocars qui roulent en convoi s’arrêtent à des auberges pour que tout un chacun puisse bouger un peu. Durant le trajet, peu d’entre nous peuvent dormir, nous sommes chahutés et l’air frais de la nuit entre directement par l’absence de porte.

Vers 5 H nous stoppons, une nouvelle fondrière encore plus profonde et plus longue se présente devant nous. Un énorme camion à trois essieux  en ferme l’accès, il est immobilisé en plein milieu et d’ici, on ne voit plus que le sommet de ses roues, ses pare-chocs reposent sur la glaise : il est bien pris ! Les chauffeurs décident d’attendre le jour pour intervenir.

Cette fois ci, les trois cars vont s’atteler, ils tirent, tirent et les câbles finissent par céder, la scène se répète à quatre reprises.

Entre temps deux hommes poursuivent le dégagement des roues, ils creusent, creusent encore et encore la glaise collante. Enfin, le camion tremble, s’ébranle, recule et, et, arrive à sortir en marche arrière.

Tous les passagers descendus sur la piste, observent et commentent le spectacle.

Désormais, il va falloir repartir en avant et traverser à nouveau cette fondrière dans le bon sens. Les autocars se mettent sur le départ, le meilleur des trois passe en premier, il patine un peu mais se tire très bien d’affaire. Le second peine davantage et finit par s’immobiliser vingt  mètres avant la piste dure. Il lui faut l’aide du premier bus pour sortir.

Vient le tour de notre bus, il s’élance à vive allure, franchit quelques dizaines de mètres, patine, puis dans un dernier soubresaut, heurte la moraine et se met en travers sur la fondrière, s’arrêtant net, là ! Bel exploit !

Ses deux compagnons viennent à son secours pour le sortir de là, les deux autocars sont à la peine une nouvelle fois, les câbles vont casser encore deux fois, mais voilà maintenant nos héros sur le dur.

Il reste le gros camion à aider. Il s’élance à son tour et comme notre bus, s’immobilise en plein milieu. Le manège reprend une nouvelle fois… avec succès. Les passagers remontent dans leur bus respectif ravis du spectacle malgré le retard.

Nous rejoignons le goudron vers 10 H, la suite du parcours nous semble bien anodine, nous arrivons à la rodoviaria de Santana vers 11 H. Un taxi nous emmène à la police fédérale pour tamponner les passeports et à midi nous sommes à Oyapoque. Frank nous quitte, je poursuis en compagnie de Yasmina et J Christophe, nous traversons le fleuve sur une pirogue et aussitôt à St Georges nous trouvons un véhicule qui nous transporte jusqu’à Cayenne.

A 17 H je suis de retour à bord de Soléja !!!   

Ainsi se termine mon voyage de plus de 4 mois dans cet immense pays qu’est le Brésil, j’ai traversé une bonne douzaine d’états : de Rio à l’Amazonas,  en passant par Sao Paulo, le Parana, Vitoria, Bahia, le Mina Gerais, le Paraiba, le Pernambuco, le Rio Grande del Norte, le Ceara, l’Amapa, le Para…

Quel bonheur que cette découverte, des souvenirs par milliers me resteront gravés à jamais !!!

 

Cayenne, Kourou, les îles du Salut :  

Je reste encore deux jours à la marina de Dégrad des Cannes pour fêter mon départ avec les amis du coin, et au matin du 28 août je largue les amarres, je salue tout le monde d’un grand coup de corne de brume et me dirige vers l’embouchure du Mahury.

A 10 H 30 je sors du chenal entre les îles Rémires, je laisse la Mère et les deux mamelles sur tribord, je vire le père par bâbord et met le cap sur les îles du Salut. Bien que je sois à 5 ou 6 milles des côtes, les fonds n’excèdent pas 6 à 7 mètres.
 A 16 h j’embouque le chenal qui entre dans le fleuve Kourou, à 18 H je mouille ma fidèle ancre Brake dans 2, 5 mètres d’eau près de l’école de voile. (5° 09’ 40N – 52° 37’ 73 W)

Malgré l’accueil chaleureux du responsable du restaurant avec une bonne bière, le lendemain je vais mouiller un peu plus haut, près du ponton des pêcheurs et de la ville de Kourou. Deux autres voiliers sont déjà là. D’autres viendront durant mon séjour, je fais connaissance avec leur valeureux capitaine. L’un d’eux est arrivé de métropole voilà 4 ans et n’a pas bougé depuis. Un second a acheté pour 1 € une coque rongée jusqu’à l’os, aux deux mâts sciés à 3 mètres du pont et tente de la réparer, un troisième, météorologue au centre spatial me fait visiter son laboratoire  et parcourir le site. Et puis il y a Denis et sa charmante compagne sur leur beau Niaouli rouge, Denis en est à son troisième tour du monde. Au bout de quelques jours et bien d’autres rencontres, je fais les pleins de liquide et de vivres et je pointe mon étrave vers le large.

A l’embouchure du fleuve je reconnais le voilier de Stéphane, Irène et leur fille Marie-Lou, je me détourne pour les saluer et discuter un peu, puis je mets le cap sur l’archipel des îles du Salut. Je viens mouiller dans la petite baie des Cocotiers bien encombrée de l’île Royale.

Je saute dans l’annexe et pars visiter les ruines du bagne. Je me promène sur le plateau parmi les ruines chargées de ces moments peu glorieux de notre histoire pas si lointaine. Cet espace bien entretenu, comporte un hôtel-restaurant, un poste de gendarmerie apparemment en fonction, une église bien conservée, le phare des îles, et les ruines des geôles et des cellules … Je reste jusqu’à la déclinaison du soleil puis redescends vers la baie. En passant devant le musée je rencontre le gardien sur la terrasse. Bien que le bâtiment soit déjà fermé, il répond à mes questions et ne tarit pas d’anecdotes historiques et contemporaines …

Le lendemain, le ministre de la culture vient visiter l’île, le musée ouvrira exceptionnellement à 9 H et il m’invite à venir à la première heure. Je vais décliner cette invitation, demain dimanche 5 août, Ste Raïssa, je prends le large vers Trinidad bien que la météo soit peu favorable…

  

Bizzz  à tous, à la prochaine…

 Jacques § Soléja à terre.

 

Position actuelle de Soléja : 10° 40’ 60 N – 61° 38’ 25 O.…