Jeudi
21 août :
Il est 7 H du matin, Position : 10° 41' 229 S - 152° 50' 757 E, 308 milles parcourus en 40 H.
Me voilà en Papouasie Nouvelle Guinée.
En fin
d’après midi, je descends à terre, j’amarre mon annexe au ponton, à côté d’une
pirogue à voile
de pêcheur. Ils sont une demi-douzaine à préparer le prochain départ. Ils
chargent les vivres et le matériel de pêche. Évidemment, la discussion s’engage
rapidement. Il y a même un instituteur du village dans l’équipe de pêche. C’est
lui qui mène la discussion, les autres écoutent et participent peu.
Un peu plus loin, le marché quotidien offre ses fruits, ses légumes à la
population et surtout ses noix de cola que l’on trouve partout. Les hommes et
les femmes croquent et mâchent le noyau d’où sort un jus rouge qu’ils crachent
et qui leur colore dents et gencives. Je m’enquiers des autorités sans les
trouver, par contre je découvre la banque régionale et je peux me procurer un
peu de monnaie de P N G : des Kinas qui valent 0.27 €.
Je rentre à bord de Soléja me reposer. Bientôt, quelqu’un me hèle du ponton et me fait signe de venir à quai. Il s’agit de l’homme de la « quarantine », des services sanitaires, il vient à bord pour les formalités d’entrée en P N G. Tout se passe rapidement et je serai tranquille jusqu’à Samarai où je devrai terminer avec les douanes et l’immigration. Ce sera tout pour aujourd’hui, ouffff !!!!
Je peux enfin admirer le balai des pirogues qui partent pour la pêche, elles remontent la baie en louvoyant au près serré. Elles virent au raz du reef et sortent de la passe en frôlant les balises, leurs barreurs connaissent chaque caillou et ces pirogues à balancier ont un tirant d’eau très faible.
Vendredi 22 août :
Ce
matin, d’autres pirogues sortent et c’est à nouveau un émerveillement de les
voir évoluer en silence. La petite rade de Bwagoia est ravissante, bordée de
mangrove, mais l’eau y est trouble et l’on ne peut pas se baigner. De plus des
crocodiles y ont élu domicile, alors !!!… Le village et ses alentours ne
présentant pas de grands intérêts pour la visite, je décide de ne pas rester
plus longtemps sur l’île Misima, je poursuis vers un autre lagon de cet archipel
des Louisiades : Panapompom !
J’attends
11 H pour lever l’ancre, j’ai une petite étape aujourd’hui. J’envoie la toile
dans la rade, pour faire local, mais j’appuie au moteur pour assurer. Soleja n’a
pas la même taille que les pirogues et il lui faut un peu plus d’espace pour
virer.
Le sud Est de 15 nds me pousse à 7, 8 nds au grand largue au cap 256°. A ce
train là, à 16 H, je suis à Redlick passage pour entrer dans le lagon Deboyne de
l’île Panapompom. Soléja glisse en silence sur l’eau turquoise peu profonde,
contourne lentement l’îlot Nivani et je viens mouiller par trois mètres d’eau
tout près de la plage de sable blanc et de la cocoteraie. Une fois de plus, je
suis seul dans ce mouillage de rêve.
Au loin quelques pirogues à pagaie
passent de l’îlot à l’île Panapompom, mais personne ne vient auprès de Soléja.
Je mets l’annexe à l’eau et me dirige vers la plage où j’aperçois un jeune
homme. L’échange est assez bref, l’homme est peu loquace. Plus loin son père
fait griller un poisson pour leur repas sous un abri de feuilles de cocotier. Je
marche un peu le long de la plage et rentre à bord.
Samedi 23 août :
Mon étape comporte une bonne centaine de milles, je ne peux pas couvrir cette distance dans la journée. Je ne pars donc qu’en fin d’après midi, juste assez tôt pour sortir du lagon de jour et voir les récifs de la passe. Je quitte le mouillage par un temps couvert, le moteur à 1500 tours, G V haute et par petit vent de Sud Est de 10 nds. Un grain vient saluer notre départ pendant la traversée du lagon. Fort heureusement, il ne dure pas et je vois distinctement les déferlantes sur récifs de la passe.
17 H
30 je sors du lagon par la passe ouest, le S E est monté à 20 nds et Soléja
porte G V à un ris et le génois ai 2/3. Il file à 6, 7 nds par vent de travers.
Je garde la toile réduite pour arriver de jour à la petite île de Samarai.
18 H 30, je double les récifs du lagon Conflict, ça va trop vite ! Je réduis
encore un peu le génois. Vers minuit, le vent monte à plus de 25 nds avec des
surventes à plus de 30, je dois encore réduire le génois, je n’en garde qu’un
tiers. Soléja file encore à plus de 7 nds quasiment vent arrière.
Dimanche 24 août :
Vers 6
H le ciel déjà bien sombre s’obscurcit encore et un fort grain me rattrape. La
pluie serrée tombe en grosses gouttes qui résonnent très fort sur le pont de
Soléja. La visibilité s’est réduite à quelques dizaines de mètres, j’ai
l’impression d’être dans un épais brouillard, la mer s’est aplatie sous l’effet
de la pluie. Elle est devenue toute lisse. J’aborde maintenant le chenal qui se
rétrécit entre les îles et je roule le génois. Le vent faiblit, mais je ne vois
presque rien alors que je suis tout proche de l’île Sariba. Sous G V et moteur,
j’approche de l’île Samarai, je distingue à peine une ombre alors que je me
trouve à une centaine de mètres. Je ne peux l’aborder dans de telles conditions,
je fais demi tour sur ma trace pendant une demi heure, j’attends que le grain se
calme et que la visibilité redevienne suffisante.
Vers 8 H je peux approcher de
Samarai.
Je contourne l’île par le sud ouest pour être abrité du fort courant arrivant du
Nord Est. Le courant de 3 nds, un fort clapot et le peu de visibilité me font
changer de projet, je ne peux pas mouiller en bordure de chenal dans ces
conditions. Ce serait intenable et je ne pourrai pas quitter le bord. Malgré la
fatigue de la nuit, je décide donc de poursuivre vers mon escale suivante.
Il est
9 H, je m’engage dans le chenal de l’ouest au cap 235°, il fait sombre, le vent
de Sud Est me tire par le travers à 7 nds. Vers midi, les grains reviennent
aussi forts et aussi longs. Je suis littéralement pilonné par des gouttes
énormes et très serrées qui martyrisent Soléja et son équipement. A 15 H
j’arrive vers la passe de l’entrée de « Fife Bay ». Entre deux grains le
distingue le passage étroit dans la barrière écumante. Les déferlantes me sont
très utiles pour me montrer le relief sous marin, elles brisent sur les récifs
affleurant. Je remonte jusqu’au fond de la baie pour mouiller dans peu d’eau et
pour être le plus abrité possible. Je lâche mon ancre près d’un village dans 4
m de fond de sable. Je peux enfin souffler.…
Les grains ne cessent pas et s’enchaînent les uns derrière les autres. Malgré
tout cela, deux pirogues arrivent, ce sont deux jeunes femmes, elles
m’apportent des citrons et elles veulent visiter le bateau. Elles sont trempées
sous la pluie et baignent à demi dans l’eau de mer de leur pirogue. Je ne peux
pas les laisser monter. Elles veulent me vendre les citrons et je leur laisse
quelques cadeaux, elles sont vraiment contentes. Un peu plus tard, une autre
jeune femme vient avec des pamplemousses, toujours sous une pluie battante. Je
discute un instant avec elle et lui achète ses fruits. Ici, ce sont les femmes
qui viennent vers les bateaux, les mentalités sont différentes des îles Salomon
ou du Vanuatu.
Position : 10°38’80 S - 150°01’667 E, 154 milles parcourus, vent maxi 34 nds, vitesse maxi 10,5 nds.
Lundi 25 août :
Soléja a été pilonné par des grains intenses toute la nuit, mais malgré tout, j’ai bien dormi et récupéré de la veille. Ce matin deux jeunes hommes dans leur pirogue viennent tourner autour de Soléja malgré la pluie incessante, ils discutent peu mais sont apparemment satisfaits du contact, l’un d’eux m’offre un pamplemousse pour voir le bateau. Puis c’est une jeune femme qui vient me proposer des gousses de vanille, toujours avec un large sourire.
Vers 11 H, je me décide à lever l’ancre sous un ciel de plomb. Le vent de Sud Est monte déjà à 15, 20 nds et lève un clapot dans la baie. La passe franchie, la houle est importante et le vent de 25 à 30 nds creuse la mer. Soléja fonce à 8, 9 nds avec un ris dans la G V et le génois réduit de trois tours. Tout l’après midi les grains se succèdent et je reste dans le gris. A cette vitesse, j’atteindrai cap Rodney, ma prochaine étape prévue dans la nuit. Etant donné l’étroitesse de la passe non balisée, je ne pourrai pas entrer et je ne veux pas brider Soléja une nouvelle fois. Je poursuivrai donc jusqu’à « Beagle Bay ». A minuit, le vent se maintient toujours entre 25 et 30 nds, Soléja va très vite, il dépasse fréquemment les 10 nds et monte plusieurs fois à 12.
Mardi 26 août :
Au
lever du jour, vers 6 H, le vent passe entre 30 et 35 nds, Soléja reste entre 9
et 11 nds. Cette nuit, j’ai couvert 100 milles en 13 H. J’arrive à l’entrée de «
Beagle Bay » à 8 H 30. La passe se dessine bien entre les brisants des récifs
blancs d’écume. Mais la forte houle traverse la barrière de corail et pénètre
dans la baie. Je remonte ce lagon au près serré, G V à un ris, en étant un peu
perplexe sur la
qualité du mouillage. Je m’approche lentement de la plage, en direction du
village. Les fonds sont très peu importants et je mouille dans 3 m d’eau, à 400m
du littoral. Après cette chevauchée fantastique je suis « un peu » fatigué et je
vais me reposer une bonne partie de la journée. Je ne sors qu’en fin d’après
midi faire un tour sur la plage pour me dégourdir les jambes. Je rencontre
quelques villageois qui approchent à mon passage et viennent échanger quelques
propos.
Position : 10°04’007 S - 147°42’758 E, 159 milles parcourus, vent maxi 39 nds,
vitesse maxi 12,1 nds.
Mercredi 27 août :
Le ciel reste très nuageux, mais la pluie a cessé ce matin. Je traverse la passe vers 10 H, G V à un ris et ¾ du génois. Sous la brise de 20 à 25 nds, Soléja prend sa vitesse de croisière à 8 nds au grand largue, dans une forte houle et malgré un courant contraire d’un nœud. Par vent arrière de 20 à 30 nds, génois tangoné et G V à un ris, Soléja progresse entre 8 et 10 nds dans la houle qui grossit. Bob le pilote fait des prouesses pour rattraper les écarts de route que provoquent les grosses vagues qui arrivent un peu de travers. En fin d’après midi, je passe le phare de Basilisk passage qui marque l’entrée de la baie de Port Moresby. Il me faut plus d’une heure pour traverser ce magnifique abri naturel à 5 nds et rejoindre la marina du centre ville.
J’appelle à la VHF sur le canal 16, mais je n’ai pas de réponse, la nuit tombe et je mouille à l’extérieur, tout près de l’entrée. Cinq minutes plus tard, une barque à moteur arrive, c’est Steven, il me demande de ne pas rester là mais de venir mouiller dans l’avant-port de la marina pour la nuit, par sécurité. Je le suis et mouille dans l’avant-port. Me voilà à Port Moresby, capitale de la Papouasie Nouvelle Guinée !
Steven monte à bord prendre un verre avec son très jeune fils qui l’accompagne, il travaille sur le voilier de Brian à l’emplacement B 11et me propose de m’aider à résoudre quasiment tous les petits problèmes que l’on peut avoir ici.…Il est plus de 19 H lorsque je me retrouve en tête à tête avec mon brave Soléja, la nuit est tombée, tout est calme alentour.
Position : 9°27’922 S -–147°09’115 E, 62 milles parcourus, vent maxi 39,4 nds, vitesse maxi 12 nds.
Du 28 août au 7 septembre :
Ce
matin, c’est les grandes démarches, je vais rendre contact avec le bureau de la
marina
pour obtenir une place de ponton et avec les douanes pour le début des
formalités.…
Moresby est une grande capitale moderne de plus de 300 0000 habitants. Elle est
divisée en plusieurs quartiers séparés par des collines en forme de dôme et
reliés par des autoroutes. On doit donc prendre un taxi à chaque fois pour se
déplacer. Les australiens sont omniprésents dans les affaires, ils sont 12000,
principalement à Moresby. Ils ont investi douze millions de dollars dans la
construction de la marina qui fonctionne en autogestion. Ils en sont également
les seuls membres, excepté quelques Papous. Brian dirige un gros cabinet
immobilier, binational, australien papou. Il me confie : dans ce pays, il n’y a
pas de réglementation, on investit, on travaille et on repart avec les
bénéfices, pas d’impôts, rien !
Cette fin de semaine, a lieu un grand marché de l’artisanat papou dans le parc d’un grand collège près de la mer. J’y trouve de très belles pièces: de la vannerie, des travaux à partir de coquillages, des arcs et des flèches traditionnels, des masques, des coiffes d’apparat, des bijoux de toutes sortes, des statues…C’est vraiment un grand étalage, riche de tout ce qui se fait dans les différentes provinces de Papouasie. Je suis très satisfait de cette visite.
Un
peu plus tard, une énorme manifestation de danses en costume d’apparat se
déroule pendant plusieurs jours sur le stade en face de la marina. J’y vais
avec des voisins de ponton en prenant simplement un appareil photo. C’est
tellement formidable que j’y retourne le lendemain en prenant la caméra cette
fois ci. Les manifestations se déroulent un peu dans tous les coins du stade et
il faut se déplacer dans la foule pour rencontrer les groupes qui dansent par ci
par là. Chaque groupe est autonome et représente un village ou une famille.
Certains
costumes et maquillages
sont somptueux, d’autres très inattendus. Il m’est très difficile de traduire
tant de couleurs et de diversité, vous devrez attendre les photos du site pour
vous rendre compte…
Le premier jour de visite, nous sommes quatre blancs européens perdus dans la foule papoue, le deuxième jour, nous sommes deux et pas toujours ensemble, à aucun moment nous n’avons eu un sentiment d’insécurité, bien au contraire. Tous nous sourient, ils aiment être photographiés et demandent souvent à voir leur photo. Ils sont très fiers de leur coutume et apprécient que l’on s’intéresse à leur manifestation. En fin d’après midi, les grilles du stade sont ouvertes pour laisser entrer tout le monde, c’est la ruée de tous ceux qui n’ont pas pu se payer l’entrée. Il est temps pour nous de retourner à la marina.
Durant le reste de la semaine, j’ai visité d’autres quartiers, marché dans la ville, mangé dans de petites gargotes, sans aucun problème. Bien sûr, comme dans n’importe quelle grande ville du monde, il faut prendre un minimum de précaution et ne pas laisser son appareil photo dans une poche béante…
Album photos : Bwagoia
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Album photos : Port Moresby
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