PORT MORESBY (PAPOUASIE NOUVELLE GUINEE)
DARWIN (AUSTRALIE)
BALI (INDONESIE)
Septembre –Octobre 2008
Le triangle des « Mers Rudes », non !juste une petite ligne droite ou presque entre 3 points minuscules sur la planète…petite ligne à l’échelle de notre terre mais gigantesque à l’échelle de ma sphère à moi ,car riche d’instants magiques , de moments forts et d’émotion intense .
Tout pourrait se résumer sur un calendrier avec des dates, sur une carte avec des points GPS, le temps…, l’espace… , les références habituelles des récits habituels ;
Mais rien n’est habituel sur SOLEJA : les Milles du capitaine, plus de 200M en 24h( une paille tout de même à coté des 619M en 24h réalisés par Thomas.Coville sur Sodebo !! ), plus de 1000M par mois ,26.000 depuis son départ de France !..
Et pour une fois en entrant dans l’Océan Indien, 1600M au moteur, 300H de moteur, 450l de gazole que vous additionnez, que vous multipliez par Pi et divisé par 119 (le nombre de kilos de pâtes ingurgitées par icelui depuis son départ ) et vous aurez l’âge du capitaine …essayez , vous verrez , ça marche !!!
Des milles et des cents et juste une douzaine d’équipier(e)s à se partager ce cadeau de l’horizon toujours recommencé, de couchers de soleil empourprés, de levers de lune orangés, de mers vertes et violettes sous le buttoir du vent , de déferlantes translucides , couleur de verre sous l’écume blanche .
Des mers rudes, nous n’en n’avons point eu et l’on pourra partager ce parcours en intensité : Port Moresby , Détroit de Torrès , crescendo , Darwin sa chaleur et ses turpitudes douanières diminuando , Bali rongé par le tourisme moderato…
L’histoire que je vais vous raconter maintenant, peut-être l’avez-vous déjà lu dans les pages de Jacques, peut-être ne retrouverez-vous pas les mêmes images, les mêmes sons,
Chacun vit son épopée à sa mesure et avec son regard.
Port Moresby :
Le stade en face de la marina, il s’y produit la fête des groupes ethniques de PNG
Au milieu de cette foule bigarrée il y a 2 blancs accueillis , reconnus dans cette cérémonie où chaque groupe de tous les horizons de la PNG vient traduire ses traditions , son langage , le corps orné de toutes les parures chamarrées , fiers de représenter leur communauté avec les costumes traditionnels .
Il y a eu aussi ce moment d’émotion où tout un groupe assis à même le sol chante en se tenant par la main comme une mémoire ancestrale qui resurgit dans leurs cœurs, sur leurs lèvres et dans leurs bras à travers une mélopée sans fin.
Contraste saisissant, la marina est à 2 pas ; ici c’est le monde policé, aseptisé, conventionné ( Jacques a du dévisser sa casquette !..un comble .. ! )des Australiens . Ils sont 12.000 en PNG investissant dans tous les domaines possibles ….business is business et rien d’autre !
La fête d’à coté les a laissés indifférents ; dans ce pays tout leur est permis y compris d’ignorer le monde des autochtones qui les entourent et avec lesquels ils ne commercent pas.
Voilà qui ne me mets pas en bonne disposition pour aller leur rendre visite et pourtant nous larguons les amarres pour rejoindre le détroit de Torres, passage obligé pour atteindre l’Australie et Darwin sur la cote NE.
Le détroit de Torres, une voie mythique comme certaines sur la planète car elles sont la trace de l’humain, le sillon où sont semées les routes qui rejoignent les continents, fut traversée pour la 1ere fois par le navigateur portugais en 1605 ; mais c’est le géographe écossais Dalrymphe qui lui donna son nom en 1769 après avoir lu le rapport de Torrès sur son périple entre le Pérou et Manille.
Encore une fois ce sont des images comme des peintures imprimées dans ma mémoire : des feux clignotants dans la nuit noire, une succession de phares : Dalrymphe, Arden ,Bet Reef,puis de chicanes étroites ,( il n’aurait pas fallu croiser un gros tanker !)et l’entrée de Torres Strait entre Twin Island et East Strait Island.
Puis ce sera Prince of Wales Channel au petit matin avec Soleja qui glisse à plus de 10nds dans le courant qui l’accompagne, au grand largue dans une mer limpide et verte et enfin la sortie entre Gannet passage et Carpentaria nous ouvrant les portes de l’Océan Indien.
Où se situe celui ? à partir de quel cap pénétrons-nous dans cette troisième dimension de la planète mer ? eh bien ! nous le situerons au Cap Croker dernier cap avant de bifurquer sur Darwin entre la mer d’Arafura et la mer de Timor .
Cet Océan réputé farouche va nous offrir le plus long calme rencontré à ce jour par Soleja et son capitaine : pas une once de vent, une mer à peine fripée par quelque risée ….dommage …ce sera moteur !
Nous bénéficierons juste d’un peu de vent de travers pour rejoindre Beagle Bay et Darwin .
Si ce n’était l’hommage rendu au célèbre naturaliste (Le Beagle qui emmenait Darwin dans son périple de découvreur scientifique ne s’est pas arrêté là mais à Sydney puis Hobart et enfin King George’s Sound sur la côte ouest de l’Australie) rien ne pourrait nous laisser croire que la cité date de son époque et pour cause : lors du 2eme voyage du Beagle en 1869 sans Darwin ,John Lort Stoke découvrit cette baie très abritée et donna le nom de Port Darwin aux quelques maisons de colons installés là en hommage au scientifique . Cette cité fut détruite 2 fois, en 1942 par les japonais et en 1974 par le cyclone Tracy : ce qui explique son aspect récent et quelque peu banal .
Lorsque nous y sommes arrivés la ville est écrasée par la chaleur.
Nous le serons tout autant, et de surcroît par le poids de l’administration douanière qui, par le biais de 2 représentants affichant plus du quintal chacun et bardés d’armes et de colifichets radiolistiques viendra nous faire savoir que nous avons enfreint gravement à la législation australienne en omettant de prévenir de notre arrivée au moins 96 H à l’avance.
Il aurait fallu que nous remplissassions le formulaire du gouvernement, en anglais bien sur, trouvé sur Internet et subrepticement caché dans l’alinéa 10 du chapitre 3 à la page 56 !!
Non, mais des fois !depuis quand il faut prévenir de notre arrivée ? Dans aucun autre pays au monde cela ne se passe comme ça !!
Et c’est seulement quand nous demanderons la « clearance de sortie »que nous saurons que nous ne serons pas poursuivis , ayant bien pris soin, auparavant, de battre notre coulpe et d’afficher toute la déférence nécessaire pour nous excuser d’avoir « offenser » ( c’est le terme employé par les autorités !)le gouvernement australien de la sorte .
Oh !les faux-culs…mais qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour échapper à une amende de quelques milliers de dollars …australiens, bien sûr !!!!
Hi ..Hi..Hi… ! .je ris sous
cap(e),
ils sont fous ces Aussies !!!
Nous irons mouiller dans Frances Bay, une petite visite s’impose dans cette baie à l’est de Darwin.
Jacques s’avance dans le lit du chenal à peine perceptible bien que marqué par quelques bouées rouges et vertes ; il s’avance …, il s’avance …la marée commence à descendre, il est peut-être temps de faire demi-tour …il n’y aura pas de demi-tour , ou plutôt si , une amorce de demi-tour et Soleja est planté sur le fond de sable qui « remonte à toute vitesse » car la marée cette fois descend , descend ,descend …
…et voilà Soleja légèrement couché sur le flanc , le cul à l’air et son capitaine, qui est descendu lui aussi mais en slip, accroché au balcon avant , les pieds touchant à peine le sol. Le fou rire me prend devant ce spectacle incongru, nous voilà scotchés pour au moins 6h !
L’événement ne fera pas la Une des journaux locaux car c’est un autre bateau, un chalutier à crevette qui aura ce privilège ; lui aussi s’est planté à moins de 50m du quai des Pêcheurs car son capitaine, mordu par un requin a du se dérouter de toute urgence sur Darwin et n’a pu arriver assez tôt pour rejoindre le quai !
Un petit tour dans Kakadu National Park , avec l’espoir d’y rencontrer des Aborigènes . Nous ne verrons que de très belles peintures rupestres réalisées par ces mêmes Aborigènes , mais d’eux nous ne verrons que quelques individus, égarés dans cette civilisation du rendement , dépossédés de leur âme et de leur culture errant dans les rues de Darwin à la recherche d’un monde perdu .
Après avoir obtenu le CAIT ( permit cruising indonésien )et les visas nous filons dare-dare sur Bali mais là encore calme plat …misère à poil que c’est pas bon !!!
Une semaine à ce régime, et je ne suis même pas lassée de la mer qui va nous offrir encore le spectacle étrange des courants se contrariant avec le peu de vent vers les passes immenses qui séparent les différentes îles de l’archipel indonésien . Des travées de courant écumantes séparées par des calmes plats apparaissent tous les quelques milles , et bientôt ce sont les dauphins qui nous rejoignent par dizaine , jouant à nous poursuivre ou à nous devancer devant l’étrave , bondissants , le souffle puissant .
Peut-on se lasser de ce spectacle ? Heureusement non !et ces images me reviendront en mémoire souvent pendant les longs mois qui vont me séparer de la mer.
Le soleil ne va pas tarder à nous abandonner, il commence à plonger derrière l’île de Bali qui se profile à l’horizon,… c’est toujours un peu émouvant de rejoindre l’univers terrien,… mais pour l’heure ce n’est pas le moment de s’émouvoir car quelqu’un s’amuse à éteindre la lumière subrepticement alors que les flashs citadins commencent à apparaître dans le lointain.
Jimmy Cornell, auteur à succès de Routes de grandes croisières et d’Escales de grandes croisières, les bibles des navigateurs, est formel : il est déconseillé de rentrer dans le port de Benoa à Bali de nuit, les feux sont réputés peu distincts par rapport aux lumières de la ville.
Désolé, monsieur Cornell, mais on va vous désobéir, on a pas le choix, on a juste le choix d’aller voir sur place si réellement les feux sont si compliqués.
Bon, certes, ce n’est pas d’une clarté lumineuse mais le feux blanc d’approche est bien là, les feux d’alignement et les feux verts et rouges de la passe sont bien là aussi et se succèdent en nous menant tranquillement devant la marina où l’on pose la pioche et où l’on s’octroie un apéro bien mérité.
Nous irons le lendemain régulariser notre situation à la marina ; c’est un peu le choc, les pontons sont degling , les tuyaux qui courent le long sont percés ou courent dans l’eau couverte de détritus , la 1ere impression n’est pas très flatteuse, et quand je verrais un rat détalé sur la terrasse , je me dirais que définitivement je ne laisserai pas mon bateau ici l’an prochain .
Mais tout va s’arranger, comme on dit par chez nous ! Là encore les rumeurs font état de difficultés pour satisfaire aux exigences administratives dans les différents bureaux. Que nenni !! En 2h de temps nous aurons fait le nécessaire grâce à la gentillesse des agents locaux même si nous avons eu quelque difficulté à les trouver !!!
Pour autant, la visite à Kuta Beach le dimanche ne me laissera pas un souvenir impérissable tant le commerce du tourisme sévit ici à plein : pas un cm2 dans les rues qui ne soient occupés par des échoppes où fleurissent les T.Shirts de toute sorte à la gloire de Bali, des colifichets, des pacotilles en tout genre et des touristes qui achètent, achètent, achètent …
Au hasard de notre pérégrination, nous assisterons à une cérémonie plus authentique, celle d’une crémation sur le bord de la plage où musiciens et familles se sont regroupés pour prodiguer un dernier adieu aux défunts. On cède au modernisme tout de même, le bûcher est alimenté par des bouteilles de Butagaz,… curieux contraste avec cette musique traditionnelle jouée par des musiciens en costume !
« Quand les mouettes ont pied, il est temps de rentrer » !!Las !! il va falloir s’y résoudre , voilà bientôt 9 mois que j’ai quitté Publier , un dernier petit tour dans l’île et me revoilà partie pour de nouvelles aventures …terrestres cette fois-ci dans notre belle Haute-Savoie .
La boucle n’est pas bouclée, le sera-t-elle un jour ?c’est le privilège du cercle d’être toujours à recommencer quelque soit le point où l’on s’arrête.
« Tout ce que les hommes ont fait de beau et de bien, ils l’ont construit avec leurs rêves »
B.Moitessier
Et je n’ai pas fini de rêver …Merci à Jacques et Soleja
Claire Brondex
Publier Oct 2008