6 ème lettre de 2010 : SOLEJA en Atlantique sud

BRASIL : Salvador de Bahia, Recife, Natal, Fortaleza...

 

Bonjour à tous,

Les réparations ont été menées tambour battant. Tout d’abord, la marina nous a envoyé un mécanicien qui se propose de nous faire la réparation du moteur dès la semaine prochaine, nous déconseille la réparation de l’annexe qui devrait coûter 400 € et qui ne tiendra pas nous dit-il. Il se fait fort de nous en importer une des USA en hors taxe, peut nous avoir des panneaux solaires à moitié prix, …. En demandant chez les shipchandlers, nous trouvons un mécanicien qui peut venir dès le lendemain, qui nous trouve un réparateur pour l’annexe : Raimudo va la démonter entièrement, la nettoyer et la recoller, elle sera comme neuve…  Notre mécanicien va même nous changer une fermeture éclair de la capote. Tout cela en trois jours, le premier n’aurait pas encore commencé ! Tout ça ne s’annonce pas  trop mal.

Pendant ce temps nous pouvons visiter le quartier historique de la ville haute : « le Pelourinho ». Ce quartier domine le quartier « Commercio » où se trouve la marina.
Nous traversons le « Mercado Modelo » où l’on vend tout l’artisanat brésilien possible et nous arrivons devant « l’Elevador Lacerda » pour accéder au «Pelourinho». Nous empruntons cet ascenseur à grand débit, en quelques secondes qui  nous propulse environ 72 m au dessus du niveau de la mer. Cet édifice a été inauguré en 1873, il fonctionnait à l’origine par pression hydraulique et a été électrifié en 1930.

De la « Plaza municipal », nous avons une magnifique vue sur toute la ville basse, la baie et le port. Ce vendredi 2 juillet, on fête l’anniversaire de l’indépendance. Mais cela tombe en plein match de coupe du monde…

La grande « Plaza de la  Sé » est envahie par une foule bigarrée, les différents groupes qui doivent défiler pour l’anniversaire de l’indépendance sont réunis prêts pour le début de la représentation. Une bonne cinquantaine de chevaux attendent sous le soleil. Leurs cavaliers en tenue traditionnelle de travail : pantalon, grande veste et large chapeau de cuir brut passent le temps à discuter. Près des chars de  Carnaval, nous nous faisons plus ou moins bénir « bénévolement » par des personnes déguisées qui nous demandent ensuite une obole pour leur groupe… Une foule dense se presse dans les rues, nous nous frayons un passage vers la promenade et la «Plaza de la  Sé ». Puis nous atteignons la place de la cathédrale. Là, deux églises se font face, séparées par le terre-plein de la statue «Terreiro de Jesus ». La place regorge de vendeurs en tous genres, ballons ou autres gadgets,  de « lanchonettes » ou petites restaurations de sandwichs,  beignets, … Le gros de la foule se déplace vers le largo du « Pelourinho », nous suivons. Dans une rue étroite, en pente, nous passons un contrôle de police, ils vérifient si les gens possèdent des armes ou de l’alcool… La foule se fait de plus en plus compacte, Nous arrivons sur le « Largo do Pelourinho », là nous comprenons : sur  une grande scène de spectacle dressée,  un écran géant diffuse le fameux match de foot… Nous traversons péniblement les spectateurs et au bas de la place nous avons à nouveau un contrôle de police. Que faire, ne pouvant déplacer le match, on reporte la fête et les défilés en fin d’après midi…

Durant la fin de matinée, nous déambulons au hasard des rues et des places plus tranquilles. Durant une averse, nous nous réfugions dans un bar puis nous allons déjeuner dans « una comida a kilo ». En fin d’après midi nous assistons au gigantesque défilé de la fête. Les multiples fanfares rivalisent de leurs cuivres et autres instruments, les policiers, la marina do Brasil, les « vacheros », les  garimpeiros, les indiens en tenue traditionnelle d’apparat, les majorettes… tous traversent la place et descendent vers la ville basse, suivis par la foule qui se mêle quelquefois au défilé. Plus tard, nous reviendrons marcher dans ce quartier historique, lorsque le calme sera revenu. Nous apprécierons les magnifiques rénovations des bâtiments qui resplendissent. Nous visiterons le musée, les expositions sur l’histoire et l’évolution de la ville. Pour le repas de midi, nous irons nous régaler d’un copieux repas à l’école hôtelière de Salvador située sur le « Largo do Pelourinho » dans un très ancien bâtiment abritant un musée…
Un autre jour, nous prenons la navette qui traverse la baie en direction de la grande île « Îtaparica » et nous y passons la journée. Pour nous déplacer nous prenons un taxi, ils sont au même tarif que les bus.

Lorsque tous nos problèmes techniques sont réglés, nous partons pour « l’Ilha do Frade » vers le Nord de la baie. Nous mouillons dans une petite baie déserte, entourée de  mangrove. Avant le coucher du soleil nous allons visiter le village de pêcheurs voisin en annexe sur « l’îlha do Bon Jesus ». Tout n’est que calme et sérénité…
Position : 12° 46’ 13 S – 38° 38’ 17 O.

Vendredi 9 juillet

Le lendemain nous mettons le cap sur le « rio Paraguaçu ». Son estuaire n’est qu’à une dizaine de milles, nous partons à mi marée descendante pour profiter du jusant. Deux bonnes heures après, nous entrons dans le rio en début de marée montante. Bientôt le flot nous pousse et nous progressons bien. Dans la première partie assez large, le parcours est aisé, mais ensuite il faut chercher la voie entre les roches et les bancs de sable. Nous remontons le cours d’eau sur une douzaine de milles, nous laissons « l’Ilha do Frances » sur tribord et apercevons le  grand débarcadère en béton du village de « Maragogipe ». A marée haute, le rio est très large et semble profond mais il n’y a que 2 à 4 m d’eau, et à marée basse, l’eau se retire très loin des rives.

Un voilier blanc en acier est déjà à l’ancre, tiens, « H2O chaude », ça me dit  quelque  chose, je l’ai déjà rencontré, mais où?... Voilà, à Ziguinchor en Casamance, en 2006… Certains s’en souviendront certainement…

Nous mouillons à bonne distance, ce n’est pas la place qui manque.

Position : 12° 47’ 02 S – 38° 54’ 36 O.

Nous descendons à terre et empruntons ce très long débarcadère, (500 m environ) pour arriver dans le village. Et en fin d’après midi tout le monde rentre chez soi.

Samedi 10 juillet

Le samedi matin, c’est une toute autre ville que nous découvrons. La place et les rues environnantes sont occupées par les paysans et producteurs des fermes voisines, les haciendas,  qui viennent vendre leurs produits ici chaque semaine. Cela forme une espèce de foire. Les commerçants en profitent pour mettre un étalage sur le trottoir devant leur boutique, les échoppes de petites restaurations se multiplient et toute la petite ville s’anime très intensément à cette occasion. Nous faisons  comme tout le monde, nous achetons à bon prix nos fruits et légumes pour la semaine. Nous prenons une boisson parmi la population. Des porteurs viennent nous solliciter pour transporter nos paquets jusqu’au ponton. Des gamins aussi nous demandent qui des biscuits, qui des œufs durs, du sel et autre…

En début d’après midi nous reprenons la mer, repartons sur notre trace d’abord, laissons « l’Ilha do Frances » sur bâbord cette fois ci, la contournons, puis nous  remontons le fleuve en direction de  « Santiago de Iguape », bien en amont sur le rio « Paraguaçu ». Nous passons le couvent « Sao Antonio» et le village de « Sao Francisco ». Bientôt les fonds deviennent plus incertains, nous cherchons notre chemin en essayant de suivre les préconisations de notre guide, mais nous devons renoncer, nous sommes dans moins d’1,3 m d’eau, nous tournons en rond sur  ce large cours d’eau sans trouver d’issue… Nous allons mouiller un instant devant l’église du couvent, face au parc de verdure, le temps d’un petit repas.

Position: 12° 42’ 75 S – 38° 52’ 81 O.

En milieu d’après midi nous repartons vers l’aval, la hauteur d’eau devient très vite conséquente et nous pouvons relâcher un peu notre vigilance. Vers la partie basse du fleuve nous décidons de mouiller dans un bras du rio qui sépare « l’Ilha de Monte Cristo » et l’îlot « Arromba ». Nous ne verrons même pas une pirogue sur l’eau jusqu’à notre départ. Il y a bien deux constructions sur l’îlot, mais elles ne sont occupées que par leurs gardiens respectifs qui ne font aucun bruit. Seuls quelques cris d’oiseaux déchirent le silence des lieux, même le mouvement de la marée se fait dans le plus grand silence.

Position : 12° 44’ 61 S – 30° 52’ 45 O.

Dimanche 11 juillet

Dans la matinée du dimanche nous contournons l’île et reprenons notre route vers la baie. Nous apercevons H2O mouillé près de la rive droite un peu en aval de l’île. Dans la baie nous devons passer très au large de l’îlot « de Mede » pour éviter les récifs de « Corea Novo » et de «Corea das Pedra » avant de tirer vers le Sud et l’île de « Itaparica ». Nous devons contourner les installations  de la « Marina do Brasil pour emprunter le chenal d’accès au mouillage de la marina. Les très beaux mouillages sont toujours encombrés, nous en faisons le tour pour trouver notre place. Nous reconnaissons plusieurs voiliers que nous avons rencontrés ici ou là au cours de notre long périple…

Position : 12° 53’ 36 S – 38° 41’ 14 O.

Nous retournons à Salvador pour terminer « nos petites affaires », puis Soléja met le cap sur Ribeira un peu au nord de la baie. Le chenal d’accès n’est praticable qu’à marée haute en respectant scrupuleusement la bouée rouge. La hauteur d’eau à marée basse est proche d’un mètre. La marina «Pier Salvador» est très accueillante, le patron vient nous souhaiter la bienvenue lui-même à notre arrivée. Bien qu’intéressante, la visite des quartiers environnants ne demande pas beaucoup de temps.  

Vendredi 16 juillet :

Soléja quitte la marina « Pier Salvador » vers 7 H 30 et met cap au Sud vers la sortie de la baie sous le soleil. 9 H 20, nous laissons la bouée rouge du Phare de Barra sur bâbord, 9 H 30, nous laissons la bouée Nord des récifs de Sao Antonio sur tribord. Le soleil a disparu, le temps s’est couvert, la houle et le vent arrivent  de l’Est, de pleine face. Soléja porte la grand voile à un ris bordée plate, et moteur à 1800 tours. Nous progressons entre 4 et 5 nds, de temps à autre une vague plus forte fait descendre la vitesse à 1 ou 2 nds… Vers midi, en passant la pointe «Itapua », je pensais pouvoir envoyer le génois, mais le vent reste en dessous de 30°, il faut continuer comme ça, à petite vitesse, face aux éléments… Jusqu’à quand ???

Samedi 17 juillet :

 Vers 8 H, en faisant un peu plus de Nord, le vent passant plus Sud Est, je peux enfin envoyer un peu de génois. L’allure du près bon plein, à 60° du vent devient plus confortable et Soléja accélère, 6, 7 nds. Le temps reste couvert, le ciel de plomb envoie grain sur grain. Vers 15 H nous sommes au large de la ville «Aracaju », toujours au bon plein. Soléja passe bien dans la grande houle d’Est.

Dimanche 18 juillet :

 Un peu après le lever du jour, nous passons au large de « Maceo », (9° 35’ S – 35° 21 O). Le temps n’a pas changé, toujours de plomb avec ses grains fréquents. Vu les conditions météo, il était judicieux de quitter Salvador. Les conditions de navigation sont bonnes, Soléja avance entre 7 et 8 nds. La grisaille n’entame pas sa bravoure. Vers 17 H je peux faire un peu plus de Nord au 10° sur Recife et
l’allure devient encore plus confortable au petit largue. A 23 H j’empanne pour tirer droit sur Recife, il reste une quinzaine de milles.

 Lundi 19 juillet :

 A 1 H 30 le feu rouge qui marque l’extrémité Sud du brise lame extérieur du «Banco de Ingles » défile sur notre tribord, (8° 07’ 20 S – 34° 51’30 O). A 1 H 45 je roule le génois avant d’entrer dans le port, (8° 02’ 78 S – 34° 51’ 45 O),  puis j’affale la grand voile lorsque le port se resserre et poursuit au moteur le dernier mille qui me sépare du mouillage de « Pernambuco mariana ». Il est 2 H 30 et je peux me reposer après les quelques 410 milles parcourus…

Position, Pernambuco Iate Clube : 8° 52’ 28 S – 34° 52’ 39 O.

 Mardi 20juillet :

 Il fait résolument beau aujourd’hui, le soleil brille dans un ciel sans nuage, la température est remontée.  Dans la matinée, je hèle un passeur qui me débarque à la marina pour 2 R$.

La marina est fermée le lundi et le mardi, mais je rencontre Carlos, un architecte naval portugais marié et installé ici depuis une dizaine d’années. Il a été scolarisé à l’école française de Lisbonne, a fait toutes ses études dans des écoles françaises et pratique donc la langue de Molière aussi bien que moi. Nous discutons  longuement de bateaux bien sûr mais de tous autres sujets, du Brésil, de Recife, de la vie en général… Il rénove son voilier et se trouve toute la journée sur place, il va devenir mon centre d’information…

La ville historique se situe sur les deux îles de l’embouchure du fleuve qui délimite aussi le port. La première, celle du port de commerce semble entièrement tournée vers les affaires. La seconde déjà plus populaire, compte plus d’une dizaine d’églises et quantité de bâtiments historiques dont certains sont en rénovation. Comme partout au Brésil, on prend conscience de la valeur du patrimoine architectural et on le rénove à tout va. Trois ponts permettent le passage entre les  deux îles et trois autres nous font traverser le rio « Gapibaribe » pour arriver dans la ville grouillante d’activités diverses. Autour du marché, une quantité impressionnante de petits commerces ou artisanats occupe les trottoirs. Ils s’étalent jusqu’au milieu de la rue parfois. L’effervescence débordante de ces lieux ne manque pas d’intérêt et j’y reviens le jour suivant sans me lasser de contempler cette vie intense. 

 Mercredi 21 juillet :

  Je n’attends pas l’ouverture de la marina, bien que Carlos m’assure de sa bonne ambiance et de son excellent restaurant. Je lui fais mes adieux, et je relève ma «Brake ». A 10 H j’envoie la grand voile dans l’entrée du port et à 10 H 15 je mets le cap au 70° pour sortir du brise lame et des hauts fonds. A 10 H 30 je passe la dernière balise et peux envoyer le génois, cap au 45°, à 60° du vent, au bon plein. En milieu de journée je prends le cap 14°, par vent et houle de travers,
Soléja file vite dans un beau sillage d’écume sur une eau bleu- marine.

Sur le soir, quelques nuages de brume viennent voiler le ciel et cacher quelques étoiles, mais il fait bon. Je croise un tanker qui descend vers Rio. J’abats de 10° pour suivre le dessin de la côte, j’empanne le génois et poursuis vent arrière tout le reste de la nuit.

 Jeudi 22 juillet :

 Le ciel s’est complètement couvert, le gris est revenu. En début de matinée, j’aperçois une grande voile sur une petite coque dans la grisaille, nous sommes à 25 milles des côtes… Je ne réalise pas tout de suite qu’il s’agit de pêcheurs sur une « jangada ». A 9 H 30 j’entre dans l’avant port de Natal. En passant la balise de l’entrée je me rends compte que l’échappement du moteur ne crache pas d’eau… Je regarde le thermomètre, 90° ! C’est beaucoup… Tout d’abord je pense pouvoir rejoindre la marina, mais très vite je me rends compte que ce ne sera pas possible… Je vire sur tribord et vais jeter l’ancre près du fort dans 4 à 5 m d’eau.
Position : (5° 45’ 25 S – 35° 11’ 82 O)

J’ouvre le moteur, la cale est pleine d’eau, je pompe. Ensuite je démarre le moteur pour voir d’où vient la fuite. Voilà la coupable ! La durite d’arrivée à la pompe laisse passer le flux… Je démonte, coupe quelques cm et remonte. J’en profite pour vérifier les serrages des colliers qui ont été démontés à Salvador. Bonne pioche, deux d’entre eux n’ont pas été bloqués ! Je vérifie, ça marche, ça n’était pas trop grave. Au moment où je sors dans le cockpit, la « marina do Brasil » arrive avec une équipe de 4 hommes. Ils viennent vérifier si je suis en règle avec la loi ! Je présente tout ce qu’ils me demandent. Ils me disent que je ne peux pas rester là, je dois aller à la marina. Comme je suis d’accord, ils sont soulagés et repartent avec le sourire. Un « marinero » vient m’accueillir et m’indique où je peux mouiller.

Position: 5° 45’ 80 S – 35° 12’ 25 O, 165 milles parcourus.

Le « Iate clube » do Natal est très accueillant et  nous offre 3 jours de gratuité. Malgré tout, très peu de bateaux s’arrêtent ici, nous sommes trois, un espagnol que j’ai déjà vu aux « Abrolhos » et un américain. Il faut prendre le bus pour aller en ville. Le centre ne présente pas un grand intérêt, il se résume à une rue principale et quelques rues secondaires moins garnies en magasins. Quelques vieux bâtiments historiques agrémentent un peu cette monotonie, mais je sens que je ne vais pas m’éterniser… 

 Dimanche 25 juillet :

 Le temps maussade incite au départ… Midi, faux départ,  encore un problème de  refroidissement…
13 H 30, olé ! C’est bon, cette fois, j’envoie la G V avant de sortir du port et je mets au cap 45° au moteur pendant 6 milles, jusqu’au passage de la dernière bouée rouge qui me permet d’abattre au 15° et d’envoyer le génois. Il pleut assez fort depuis mon départ, le vent souffle du Sud Sud Est à 20, 22 nds et la houle se creuse. Vers 17 H, la mer est blanche, la pluie arrive de ¾ arrière et m’oblige à fermer complètement la descente, le vent dépasse fréquemment les 30 nds, la visibilité est quasi nulle. Soudain, j’entends un moteur juste à côté, une barque de pêche remonte la mer et m’a vu au dernier moment. Moi, je ne l’ai pas vue arriver. Une seconde embarcation un peu plus grosse passe à proximité elle aussi, le pêcheur crie et siffle à tout va pour se signaler. Dans cette mer creuse et hachée, avec la pluie qui tombe à 30°, personne ne voit rien. En un instant je perds les barques de vue, elles se fondent dans la grisaille du temps. La nuit arrive rapidement et je suis souvent enfermé à l’intérieur, maintenant les pêcheurs sont tous rentrés et les gros bateaux me sont signalés par l’AIS. A 20 H je file plein Nord, à 20 H30, le vent monte à 35 nds, je dois empanner le génois au cap 295° sur Fortaleza.

 Lundi 26 juillet :

  BIP ! BIP ! BIP !... 2 H, ce ne sont pas moins de 4 navires qui entrent dans ma zone protégée des 8 milles : 1 remorqueur, 1 tanker et 2cargos. Les plus proches passent à 1 et 2 milles, je peux me recoucher… Evidemment, tous les bateaux naviguent au plus près de la côte, nous sommes à la pointe extrême Nord Est du Brésil. BIP ! BIP ! BIP !.. 6 H, 3 navires sont détectés, dont un se trouve déjà dans la zone d’alerte, un tanker passe à moins d’un mille. Le soleil perce à peine ce matin et bien que le vent reste maintenant au dessous de 30 nds, Soléja file encore à plus de 8 nds, quel plaisir d’être emporté sur cette mer houleuse par un tel destrier !!! 8 H un cargo passe sur bâbord, il descend sur Sao Paulo, la mer se calme un peu. Vers 11h, le vent tombe en dessous de 15, j’envoie les derniers tours de génois. En fin d’après midi, voiles en ciseaux, la vitesse baisse, elle va me laisser  apprécier le magnifique coucher de soleil qui se prépare. Peu à peu le ciel s’embrase, la palette des rouges fonce jusqu’au sang, puis pourpre et Mister Soleil n’en finit pas de plonger derrière l’horizon. Peu de temps après, Dame Lune se lève dans un ciel encore tout clair et nous présente sa palette de couleur toute fraîche et pastel, elle vient  rivaliser de beauté. Après ces spectacles fabuleux, les lumières des pêcheurs s’allument sur l’horizon, ce sont deux, puis quatre, puis…

 Mardi 27 juillet :

 1 H, grosse houle de l’arrière, le vent passe les 30 nds et les rafales approchent les 40, je roule 1/3 de génois. Je reste au largue à 130° du vent jusqu’à 3 H 30. Le phare blanc indiquant une jetée Sud n’est pas éclairé. Je passe le feu vert de l’entrée du port par : 3° 41’ 85 S – 38° 28’ 96 O. Puis je traverse tout le port à vitesse réduite, au dessous de 4 nds en direction de « Marina Park ».
J’évite de justesse les restes d’une épave sur lesquels la mer brise. Je poursuis, je cherche les feux de la marina… En vain, les deux feux verts sont inexistants, je vois enfin le feu rouge lorsque je suis dessus… je ne peux pas m’aventurer plus avant dans ces conditions, je jette l’ancre par 6 mètres de fond, non loin de l’entrée et je vais dormir…

Position Fortaleza marina Park: 3° 43’ 13 S – 38° 31’ 63 O, 280 milles parcourus.
Dans la matinée, je vais à terre m’enquérir des conditions de cette marina au pied de l’hôtel de luxe. Il faut vouloir se renseigner, le bureau se trouve sous un passage près de la piscine. Au demeurant le gars qui s’en occupe est charmant, un large sourire illumine son quintal et demi. Il m’annonce que le tarif sera de 50 $ US par jour. L’hôtel est peut être de luxe, mais la marina certainement pas, le ponton constitué de citernes rouillées ne possède qu’un point d’eau et un point électrique pour la demi douzaine de bateaux. De toute façon, ces prix sont bien trop élevés pour moi qui voulais laisser Soléja un mois et faire un tour en  Amazonie.
Le brave m’indique une autre marina à 240 milles au Nord, elle est nouvelle et pratique des tarifs attractifs. Vamos…

 Mercredi 28 juillet :

 Je pars dès 7 H, cap au 335°, il fait beau, j’envoie toute la toile dès la sortie du port. Une mer peu agitée, un vent de Sud Est à 18, 20 nds, Soléja file ses 7 nds voiles en ciseaux. A 9 H j’empanne le génois et prends le cap 345° au grand largue. La mer blanchit un peu en se creusant, Soleja passe à 8, 9  nds.
Je croise un remorqueur qui patrouille autour des plates-formes pétrolières. Je passe au milieu d’entre elles par très beau temps. Je croise une jangada à la pêche à plus de 20 milles des côtes, un casieilleur mouillé par 60 mètres de fond, puis d’autres. Ils attendent le soir pour relever leurs casiers à langouste. En soirée le ciel se couvre comme chaque soir maintenant, nous masquant le coucher de soleil.
Les lumières blanches des pêcheurs sont de plus en plus nombreuses jusqu’ 22 H puis elles disparaissent.

 Jeudi 29 juillet :

 20 à 25 nds de vent d’Est, une mer peu agitée et sous un ciel voilé laissant apparaître les rayons de Dame Lune par intermittence, Soleja poursuit sa route à 8 nds. Avec le jour, le ciel se dégage de nouveau, je me rapproche de la côte, le fond n’est plus que de 15 m et je suis encore à 35 milles de Luis Correia.
14 H, je passe la grande jetée brise lame extérieure et j’affale la G V. Un pêcheur pense que je me suis trompé et m’indique qu’il faut passer derrière la seconde  digue. Puis il me dit de le suivre et j’entre dans le lit du fleuve derrière lui.
Nous remontons le cours d’eau sur plusieurs milles. Il n’y a plus beaucoup d’eau. J’aperçois deux voiliers mouillés au milieu du fleuve. Je vais me mettre derrière eux. Je ne vois pas de marina ou ce qui pourrait y ressembler…

 Vendredi 30 juillet :

 Je prends l’annexe et me dirige vers une espèce de terrasse que je pense être le « Iate Clube ». Je dois passer par un voilier amarré là  à des pieux de bois depuis un temps certain pour accéder à cette terrasse. Là, des pêcheurs s’affairent à charger et décharger des bateaux de travail, et sur la terrasse, plusieurs hommes se prélassent dans des hamacs. Lorsque je demande où se trouve la marina, le Iate Clube, tous me regardent avec des yeux ronds et ne comprennent pas ma question.  Visiblement, la marina n’existe pas, elle doit toujours être à l’état de projet…
Luis Correia est un charmant village de pêcheurs tourné vers la langouste. J’ai vu une dizaine de fûts de 200 l pleins d’énormes queues de langouste : 15 cm de diamètre par 30 de long. Je vais rester deux jours ici, je vais aller faire un tour à la ville voisine : Panaiba, petite ville typique du Nord Brésil. Sur la côte à l’est de Luis Correia se construit une grande station balnéaire, le long d’une plage de sable fin de plus de 15 Km avec des paillotes tous les 300 m. Des immeubles et des hôtels sont en construction de l’autre côté de la piste. Voilà ma dernière étape au Brésil, je ne pourrai pas faire les formalités de sortie puisqu’il n’y a pas d’autorité. Mais je ne pourrai pas non plus laisser Soléja ici pour partir en Amazonie…

Voilà les dernières nouvelles du Brasil !!! 

Bizzz à tous, je pense bien à vous, à la prochaine…

Jacques § Soléja