2ème lettre de 2010 : SOLEJA : traversée de l'Atlantique sud,
1ère étape : Walvis - Ste Hélène.
Bonjour à vous tous,
Me voilà
seul au milieu de l'océan, emporté à 8 nds dans un sillage d'écume par mon brave
Soléja fendant les crêtes. Qu'il est doux et agréable, particulièrement dans ces
instants, de recevoir des nouvelles de sa famille et de ses amis !
Merci à
vous qui me faites parvenir, de temps à autre une tranche de votre vie ; à
Joëlle et ses accents bucoliques qui me fait vivre l'éclosion du printemps dans
son jardin.., à Siwa que je pensais retrouver au Brésil et qui est déjà aux
Caraïbes.., à Janozizou, aux J. Claude, Bernard.., et tous les autres qui
participez un peu à mon voyage et l'agrémentez de vos missives de Hte Savoie ou
des 4 coins du monde.
De mon côté, j'essaie par mes courriers de maintenir
vivant ce lien de cordialité et d'amitié si fort et pourtant si ténu qui nous
relie. J'ai une pensée pour chacun d'entre vous lorsque je clique « ou coche
Danièle » sur votre nom et adresse: mon gestionnaire de courrier n'accepte
pas les listes et c'est très bien, je peux ainsi dédier ma lettre à chacun
d'entre vous en particulier.
3ème étape de cette nouvelle séquence
2010 :
Mardi 23 mars :
9 H, temps gris, ciel couvert et brume humide
comme chaque matin. Tout est paré à bord, l'électronique branchée, bip bip de
Bob, Yan ronronne..., habillé comme en Manche en hiver, 2 couches de polaire et
jeans, je lâche la bouée du corps mort et range les amarres. Je passe saluer
Dominique sur Maddalena, puis remonte vers Hervé et Karine, mais, arrivés en fin
de journée hier, ils sont épuisés et dorment encore.
Cap au 330° vers la
sortie de la baie. Quelques « charters » emmènent déjà leur lot de touristes
voir les pélicans et les colonies de flamants à « Pelican Pointe ».
Au milieu
de la baie, une zone est délimitée par une série de gros fûts bleus reliés, je
m'apprête à les contourner en les laissant sur tribord, lorsque je vois un très
long bout flotter sur mon bâbord ! Je suis dans une nasse ! Vite arrière toute
!!! Demi tour « in extremis » et je contourne la zone par bâbord, je ne
comprends pas d'où vient et à quoi peut servir ce grand bout.
10 H, je
laisse les charters et quelques pêcheurs à la sortie de la baie et mets le cap
au 290° sur Ste Hélène. Au moteur à 5,5 nds, le vent n'est toujours pas levé et
la brume m'accompagne.
Vers 11 H, Eole arrive progressivement par le Sud Sud
Est à 8 nds apparent et je peux enfin envoyer la toile, mais Je garde Yan à 1300
tours pour garder une vitesse de 5,5 à 6 nds.
Je lâche 2 lignes de traîne et
prépare 2 autres bas de lignes, au cas ou !
Au cours de l'après midi, le
soleil perce enfin la couche grise et le bleu prend le dessus jusqu'à la nuit.
Mercredi 24 mars :
La
nuit a été claire, mais j'ai du remettre Yan en route sur le matin, le vent a
disparu et les voiles se sont mise à battre. Ce matin, il souffle de Sud Sud Est
entre 10 et 12 nds en apparent, je tangonne le génois, relève la dérive et
Soléja vogue ses 6 nds au vent arrière.
J'installe et règle mon nouveau
frein de bôme pour le vent arrière, puis je peux m'allonger pour un instant de
lecture. En début d'après midi, le vent monte à 15, 18 nds et passe au Sud et je
dois déposer le tangon : Soléja accélère à 8 nds, c'est une bonne navigation
pour la fin de journée. Un groupe d'une douzaine de grands dauphins vient me
saluer et jouer à l'étrave une bonne demi heure, puis sans avertir, tout ce
petit monde disparaît d'un seul coup.
En début de nuit un grain subit masque
dame lune et son cortège d'étoiles et je poursuis dans l'obscurité.
Vers 23
H un énorme cargo me croise à ¼ de mile. Evidemment, je suivais sa progression
depuis 2 heures sur l'écran de mon A I S
qui l'avait détecté à plus de 25 miles.
Quelle merveille que ce petit appareil ! Lors de son passage je lui envoie des
signaux lumineux pour le saluer : l'homme de veille sur la passerelle me répond
immédiatement, ce geste de sympathie et cela agrémente ma veille pour la nuit.
Il ne me faut pas grand-chose pour être content en solo !!!
Petite
explication : boîtier électronique dont doivent être équipé tous les et
sémaphores et les navires de + de 300 tonneaux : celui-ci émet en permanence
l'identité, N° MMSI, le nom, la position, le cap, la
vitesse, la destination., la distance qui nous sépare et le temps qu'il faudra
pour nous croiser. N'est ce pas une belle invention ? Et bien sur, elle
fonctionne en alarme dès qu'un navire est détecté, et cette alarme devient plus
insistante lorsque les bateaux entrent dans la zone de protection rapprochée.
Tout ceci peut être suivi sur un écran dédié ou sur celui du P C s'il est relié.
Comme mon appareil comporte également un transpondeur ou émetteur, les bateaux
me reçoivent eux aussi les informations me concernant.
Jeudi 25 mars :
A 9 h, au point : 21° 12' S - 9° 42' 90 E, il me reste 930 miles à parcourir sur
les 1250 prévus. Je suis au grand largue à 160° du vent, il fait beau, 24° à
l'intérieur, mais le vent reste frais et je me couvre pour la veille. Ce matin
je rejette 6 poissons volant qui sont venus s'échouer sur le pont pendant la
nuit.
La journée se passe au largue à 6 nds tranquille.
Vendredi 26
mars :
Cette
nuit, je croise 4 navires sans les voir, ils sont resté à plus de 12 miles et je
n'ai même pas aperçu leurs feux. Ce matin je croise le
vraquier « Harmony ». Je coupe la route Nord Sud des bateaux de commerce,
ils sont de plus en lus nombreux ! je suis la progression de 3 autres qui
restent à bonne distance. Cela devient une nouvelle occupation.
La nuit
s'annonce douce, Dame lune est presque pleine et illumine la surface de l'eau,
Soléja glisse en silence traçant un sillage d'écume régulier : quelle
merveilleux instants!!!
Samedi 27 mars :
Ce matin le vent monte à 20
nds, la mer se creuse un peu, le ciel s'est couvert, au grand largue Soléja
marche à 8 nds et +. Je croise un super tanker qui va à Durban.
Dans
l'après midi, le soleil revient et le beau temps s'établit pour la nuit, encore
une belle navigation très claire !
Dimanche 28 mars :
A 9 h, au point
: 180 24' S - 2° 05' E, il me reste 470 miles pour rejoindre le cailloux ! Des
nuages menaçants me rattrapent, ce sera peut être un grain dans quelques heures
!
Dans l'après midi, les nuages partent vers l'Ouest et le soleil est là de
nouveau, il fait presque chaud pour un moment. En milieu de nuit le vent tourne
au sud, je dois déposer le tangon pour passer au petit largue.
Lundi 29
mars :
A 9 H je suis à 300 miles de Napoléon, au vent arrière à nouveau
tangonné et à 7 nds. Toute la journée, nuages et soleil alternent sans savoir
qui l'emportera, le vent se maintient autour de 15 nds.
Soirée magnifique,
Dame lune a revêtu ses plus beaux atours et se reflète en mille éclats sur
l'onde argentée. Magnifiques instants que j'aimerai tant faire partager. Et
Soléja m'emporte dans son souffle régulier : vrououfff, vrououff. Confiant, je
branche l'A I S et vais dormir quelques heures.
Mardi 30 mars :
Le soleil arrive à 10 h 30 après le léger grain du matin,
le vent régulier nous emmène en douceur jusqu'à la nuit. Quelle paisible
traversée !
Mercredi 31 mars :
Au
petit matin je suis en vue du cailloux, la masse sombre se dégage à peine de la
mer au loin. Les premières lueurs du jour permettent de la discerner de plus en
plus nettement. Lorsque le soleil se lève, ses premiers rayons éclatent sur la
roche noire. L'île se détache de plus en plus sombre et massive, posée là en
plein Atlantique Sud tel une sentinelle inaccessible, ses falaises tombent à pic
dans l'eau profonde !
J'ai roulé le génois pour ralentir et profiter
pleinement de cet instant exceptionnel ! Je la contourne par le Nord et bientôt
j'aperçois des bateaux au mouillage et je m'approche.
A 8 h 30 je suis
accueilli par la navette qui me place et je mouille une cinquantaine de mètres
de chaîne par 17 m de fond dans une flotte d'une dizaine de voiliers. Je suis le
seul pavillon français parmi des anglo-saxons, américains, 2 allemands et
autrichiens. Le médecin monte à bord pour vérifier que je suis en bonne santé,
il prend ma température à distance à l'aide d'un thermomètre infrarouge.
Cette traversée aura été une des plus relax de toutes, au portant sur toute
la distance, aucune anxiété envers les navires de commerce, grâce à mon
A I S, que du bonheur, un peu lente cependant mais
il faut apprécier le temps et les plaisirs lorsqu'ils se présentent, tout
passe si vite., ma brave dame Lune. !!!
J'ai le temps de piquer une tête
dans de l'eau à 25°, mais oui, mais oui avant les visites.
Les
autorités ne tardent pas, elles me demandent de passer à la banque pour
m'acquitter des taxes et je suis enfin libre de circuler. Je visite la Ville de
Jamestown qui s'étire tout au long d'un petit cours d'eau au creux d'une vallée
en V profond. De chaque côté une route étroite grimpe très rapidement
vers le plateau sur lequel sont construites les résidences avec vue sur mer.
Ici tout les habitants vous saluent, qu'ils soient piétons ou automobiliste,
chacun y va de son de son bonjour ou de son signe de main. C'est très
sympathique, on se sent moins étranger !
Du vendredi au lundi inclus,
tout est fermé : « Holidays » de Pâques !!!
Je tombe vraiment bien ! Les
magasins seront ouverts samedi matin, quelle chance !
Même le « Napoleon site
» ne se visite qu'avec un guide et il faut prendre rendez vous 2 jours d'avance
! De toute façon, il fait mauvais temps : temps couvert et bruine toute les 10
mn, le plateau reste dans les nuages.
J'ai acheté une carte Internet pour
avoir le WIFI à bord, mais cela ne fonctionne pas
très bien et j'écoule la moitié du temps en recherche, contre temps et coupures
multiples.
C'est décidé, demain matin je fais les courses de frais et je
remonte l'ancre. En fin de semaine tout est fermé : il vaut mieux naviguer.
Cap au 260° sur le "BRASIL", "RIO DE JANEIRO",
même si le carnaval est passé !
Album photos :
Ste-Hélène