3 ème lettre de 2010 : SOLEJA : traversée de l’Atlantique Sud,
2ème étape : Ste Hélène – Brasil : Rio de Janeiro.
Bonjour à tous,
Cette première étape de la traversée a fait réagir nombre d’entre vous, la découverte de l’AIS y est peut être pour quelque chose ! Merci à tous les auteurs de ces agréables réponses.
Parmi celles-ci, celle de Michel
SOULA
: Monsieur Radio Wallis ou le Monsieur Wallis Radio,
déjà cité lors de mon passage dans ces îles, l’ange gardien des navigateurs de
passage. Il m’informe dans une longue missive que le cyclone :
«
TOMAS
» a touché gravement l’île de Wallis et dévasté la bande côtière habitée de
Futuna qui elle n’est pas protégée par un lagon, avec des vents à plus de 200
km/h et des vagues déferlantes de plus de 10 m de haut. Fort heureusement
l’aéroport de Futuna n’a pas été
endommagé et les premiers secours ont pu être dépêchés rapidement. Vous pourrez
lire le courrier intégral de Michel prochainement
sur le site.
Wallis et Futuna sont deux petites îles du Pacifique entre les Samoa et les
Fidji, au Nord des Tonga, voir plus de détails sur le site.
Au Sommet, la vue domine le mouillage d’un côté, et de l’autre, la ville au fond
de sa vallée étroite. Evidemment, subsistent les emplacements de pièces
d’artillerie lourde qui défendaient l’accès de la seule possibilité de
débarquement de l’île. Après moult clichés, je redescends par la route en lacets
étroite et sinueuse, une seule voie de circulation avec des points de
croisement. J’ai tout mon temps et j’admire le panorama et multiplie les prises
de vue. Au bas, la ville s’anime, les habitants font leurs courses pour le reste
de ces jours fériés, les magasins ne rouvriront que mardi ! A ma grande
surprise, je ne trouve aucun produit frais, aucun fruit, aucun légume, même pas
une pomme de terre. Les étalages sont désespérément vides ! Le ravitaillement
arrive d’Afrique du Sud toutes les 3 semaines. Ce n’est pas de veine ! J’achète
des œufs, du beurre, du cheddar, du pain.., mais que vais-je faire des livres
qu’il me reste ?
A midi je suis de retour à bord et après avoir rangé mes achats je peux me
préparer à partir et relever l’ancre, désolé de n’avoir salué Napoléon !
Vers 13 H j’envoie la grand voile, et là, surprise ! Un axe de coulisseau à
bille manque et la
GV.
n’est plus tenue le long du mât en ce point ! Je dois réparer. Quelques instants
plus tard, seconde surprise, un coulisseau à bille est sorti du rail de mât !!!
Mais là, je ne peux pas réparer, les billes sont parties, il faudrait changer le
coulisseau… Tant pis, je ferai sans… Je souque d’avantage la drisse
de
GV
pour plaquer la ralingue le long du mât et vogue… Cap au 260° sur le
BRASIL, RIO
de
JANEIRO,
à quelques 2200 miles, en route pour une bonne quinzaine de jours.
Il est bientôt 14 H lorsque je commence à m’éloigner du caillou au cap 250°, je
laisse Yan aider pendant que le massif de lave nous protège des vents. Il faut
plus de 2 H pour sentir l’alizé de Sud Est s’exprimer, Soléja passe de 5 à 7 nds
et Yan peut prendre du repos. Le ciel reste désespérément plombé, il fait frais
mais il ne pleut pas et le bonheur de retrouver la mer reste intact… Je navigue
entre 100 et 120° du vent dans une houle régulière et bien formée : c’est la
plénitude !!!
La nuit arrive bien vite, toute sombre, aucune étoile n’arrive à percer et Dame
Lune reste absente… Je distingue très difficilement la ligne d’horizon. Cette
première nuit va être longue, sans aucun repère…
Quelle bonne
surprise ce matin, à 7 H le soleil est de retour, les nuages s’espacent quelque
peu. Pas pour longtemps, à 9 H le ciel se plombe de nouveau et je crois bien
qu’un grain s’approche à toute vitesse !!! Il va falloir réduire… Le vent monte
à 22 nds en changeant de direction : je prends 1 ris, réduis le génois, règle
les voiles, je suis maintenant au près à
60° du vent.
A midi, l’alizé a repris ses droits, et Soléja file tranquillement ses 7,5 nds
au petit largue, le soleil est même de retour entre quelques nuages résiduels.
Dans l’après midi les nuages se regroupent et cachent le soleil, je n’aurai pas
droit au spectacle de sa chute flamboyante. Le gris est de retour, puis
l’anthracite et enfin le noir absolu, comme hier, aucune visibilité. Noir c’est
noir… Heureusement, il y a toujours de l’espoir…
Mardi 6 avril :
Position : 18° 48’ S – 13° 23’ W.
Depuis le départ, Soléja a aligné une moyenne de 170 miles par 24 H, mais il
reste encore 1600 miles à parcourir ! Comme je suis en limite du vent arrière,
je dois fréquemment empanner soit le génois seul, soit génois et GV. Dans la
nuit, un bref coup de vent à plus de 25, 28 nds me contraint à me remettre au
largue et à réduire la toile quelques heures. Dame Lune étant absente, les
étoiles éclairent faiblement la surface de l’eau et la nuit reste sombre,
j’aperçois à peine l’écume des vagues.
Jeudi 8avril :
Vendredi 9 avril :
Position à 13 H : 20° 53’ S – 23° 59’ W
Dans l’après midi, à nouveau un grain et des vents tournants m’obligent à
manœuvrer constamment et changer de cap. Les dernières 24 H, j’ai parcouru 155
miles, ma moins bonne performance pour l’instant.
Lundi 12 avril:
Grand soleil, beau temps aujourd’hui, un bon vent, que demander de plus! A midi
une vague vient claquer contre la coque et la crête s’invite dans le cockpit,
sans doute pensait elle y trouver un sandwich ! Au point de 13 H, Soléja a
parcouru 188 miles durant les dernières 24 H, la meilleure performance de la
traversée jusqu’ici.
Position : 21° 45’ S – 30° 02’ W
Beau temps toute la
journée, Soléja garde les 7 nds minimum : que du bonheur !
Jeudi 15 avril:
En
milieu de nuit, le vent revient par le Nord et je peux mettre Yan au repos.
De très loin, je vois les auréoles de lumière de deux plates-formes pétrolières.
J’ai très peu dormi cette nuit.
Vers midi, Eole se renforce un peu, 12, 14 nds, Soléja fait ses 5,5 nds avec 2
nds de courant dans le nez. Ca change, je l’ai eu favorable souvent entre 0,5 et
1 nds. Ces dernières 24 H, je n’ai couvert que 136 miles, il n’y a plus de
vent !!!
Position à 13 H : 23° 01’ S – 41° 22’ W.
A 14 H j’ai 10 bateaux de commerce en permanence sur l’écran, dès qu’un ou deux
sortent, d’autres arrivent. La majorité va sur RIO, les autres descendent vers
Sao Polo ou l’Argentine. Je règle ma vitesse à 5 nds afin d’arriver au lever du
jour à l’entrée de la baie de
RIO.
Je passe quasiment une nuit blanche, mon AIS n’arrête pas de bipper, les bateaux
sont de plus en plus nombreux… C’est le revers !
Me voilà à l’entrée de la baie de
RIO
de
JANEIRO.
Devant moi sur bâbord, émergeant de la brume, majestueux, le pain de sucre, un
voile lui dessine un cache-nez et sur tribord, le fort militaire de la pointe
Santa Cruz. Plus loin derrière le Pain de Sucre, j’aperçois à peine le
Corcovado,
le grand christ
qui domine RIO, nimbé de brume. La ville s’est construite entre les énormes
blocs qui délimitent ses différents quartiers.
J’avance lentement pour profiter de cet instant précieux. J’aime les arrivées au
petit matin, elles ont quelque chose de surréaliste. Je passe les feux d’entrée
à 3 nds, des pêcheurs rentrent plus pressés, un remorqueur orange me passe en
poussant sa grosse vague d’étrave…
Je pense aller à la marina Gloria du centre ville, mais j’ai le temps et décide
de faire un petit tour de baie. Je vire le fort de tribord et pénètre dans la
baie de Jurujuba, j’aperçois des mâts bien au fond, je m’avance. Une première
marina : Jurujuba. Je poursuis, contourne une petite pointe, une seconde marina
! Quelques voiliers sont à l’ancre
devant les pontons.
Tiens mais c’est un bleu blanc rouge, un très joli voilier, habituellement
ceux-ci sont sous pavillon britannique ou U S. Un Salt de chez Garcia s’il vous
plait et un 70 pieds (pour les connaisseurs) !!!!!!! Je passe, plus loin, deux
autres pavillons français, plus modestes, des 42 pieds, et un pavillon
australien, un plan Adams de 62 pieds, mais bien sûr, c’est l’Equa Régis de
François un franco australien que j’ai rencontré plusieurs fois depuis Maurice,
à Mada, Mayotte et à Simon’s town. Je tourne autour, l’appelle, mais il est trop
tôt, François dort. Je jette ma pioche dans 3 m d’eau café au lait… Me voilà à
Rio de Janeiro,
BRASIL.
Position : 22° 55’ 90 S – 43° 06’ 43 W, 2330 miles parcourus en un peu moins
de 14 jours.
Vents maxi 42 nds en rafales pendant quelques heures, vitesse maxi 11,5
plusieurs fois. Vent mini 3 nds, vitesse
mini 3 nds ! 1 fois 188 miles en 24 H, 1 de 180, 4 de 170, 2 de 168, 3 de 160,…
Une très belle traversée, quasiment au portant, avec un bon vent, deux trois
coups de vent, mais pas trop violents, de bonnes conditions. Avec mon
AIS,
je peux dormir d’avantage et je suis moins fatigué à l’arrivée.
Premières impressions :
Une vielle ville avec des quartiers ultra modernes avec ses immanquables tours
de verre, et ses favelas que l’on dit au nombre de 600,
souvent accolées aux quartiers
bourgeois. Les différents quartiers sont souvent séparés par le relief rocheux,
en forme de petits pains de sucre. Deux favelas entourent la marina et le
quartier de Charitas sans aucun problème de voisinage, on peut se déplacer à
pied à toute heure du jour et de la nuit nous dit-on.
Evidemment, j’ai rencontré la belle SUZY du voilier jaune canari SAMBA.
Encore un ange gardien des navigateurs de passage, citée dans tous les guides de
navigation, elle vit ici, avec son ami Renato depuis plusieurs années après
avoir fait un tour du globe, elle renseigne sur tout et quelquefois même
s’occupe de tout, elle prend les bouteilles de gaz et les transporte avec sa
voiture à l’autre bout de la ville pour les faire remplir, fait laver notre
linge… Bref, c’est vraiment LA PERSONNE incontournable à Rio. Mais on ne peut
pas ne pas la rater, Samba, est en bout de ponton et c’est le premier voilier
que l’on voit. Elle s’enquiert de tout nouvel arrivant pour le renseigner et lui
venir en aide.
J’ai passé une semaine dans cette
marina de « Charitas »,
chaque soirée avec un ou plusieurs compatriotes : François, Jacques, Christian,
Vincent et Josiane qui viennent d’arriver et descendent vers l’Argentine pour
hiverner.
Cette dernière semaine je suis parti sur la petite île de Paqueta
mouiller devant un petit « Iate Clube » absolument vide.
Position : (22° 45’ 73 S – 43° 45’ 74 E)
Cette île interdit les voitures, on y circule à bicyclette, en calèche et le bus
est une remorque tirée par un tracteur. Les rues sont couvertes de sable. Il y
règne une atmosphère paisible et un peu désuète pour nous. Ensuite je suis
descendu dans la baie de Botafogo (22° 56’ 74 S – 43° 10’ 08 E), juste au pied
du Pain de Sucre. Par contre, quelle galère pour descendre à terre, tout le fond
de la baie est occupé par le Yacht club de Rio et il nous interdit de laisser
notre annexe, celui-ci est
entièrement privé.
J’ai parcouru tout le fond
de la baie à la rame, mon moteur m’ayant
lâché une fois encore, et à la
troisième tentative, en discutant, on a accepté mon dinghy et j’ai pu faire le
tour du quartier.
Samedi 1 mai :
Voilà une étape de plus sur le parcours de Soléja .
Jacques § Soléja en Amérique du Sud, Brasil.
P. S. : N’oublions pas de remercier Philippe notre équipier et webmaster pour le
plus grand plaisir de nous tous. Notre « Philoudemer » fait un
travail remarquable de présentation.