Samedi 7 octobre :
10h nous sommes à la position : 14° 28' N - 22° 08', nous avons parcouru 91 miles en exactement 12 heures. Pour l'instant le vent à l'air de se maintenir, s'il confirme nous ferons une excellente traversée.
15h, Eole ne veut pas confirmer, il faiblit, 15 à 18 nds, nous renvoyons toute la voilure, mais malgré tout, la vitesse tombe à 6 , 7 nds.
18h, 8 à 10 nds de vent, Yan, le moteur vient à la rescousse pour maintenir notre vitesse. Nous devons arriver de jour à l'entrée du fleuve Casamance car le
franchissement de la barre reste délicat, les bouées de signalement sont rares et il est impératif de les suivre pour ne pas s'échouer sur les brisants des bancs de sable. La prévision pour la traversée a été fixée à trois jours, nous devons arriver à destination avant lundi soir 18h, heure locale.
La nuit sera un peu pénible car sans vent et agitée.

Dimanche 8 octobre :
10h : 13° 36' 87 N - 19° 48' 40 O, 4à 6 nds de vent : voile et moteur toute la journée, nous conservons notre estimation pour lundi en fin d'après midi.
18h30, (13° 18' 90 N -18° 55' 39 O) : ZZZ, vous avez deviné ? Une bonite, une nouvelle formule, nous n'avions pas encore péché de bonite de cette sorte, elle se révélera excellente, la chair très fine et moelleuse. Mais sachez que notre chef cuisinier est expert, il a l'art et la manière d'accommoder nos différentes prises.
La nuit de pleine lune va nous changer complètement de la précédente, ce sera un régal, une voute céleste de toute beauté accompagnera notre parcours nocturne. Nous approchons du continent, nous croiserons plusieurs cargos et pétroliers.

Lundi 9 octobre :
Vers 8 heures, alors que je dors, j'essaye de récupérer de mon dernier quart terminé à peine une heure plus tôt, Philipe me réveille : Jacques, viens voir, le ciel devient tout noir !
Sur le pont en quelques secondes nous voyons arriver un bel orage tropical, avec peut être une tornade, le vent s'est levé en moins de cinq minutes de secteur Est, 25 puis 35 nœuds.
Vite nous roulons le génois et le plus rapidement possible alors que la pluie nous cingle de toutes parts, nous prenons deux ris d'un coup.
Nous devons remonter le vent d'est et louvoyer G V et moteur sous des trombes d'eau. L'orage va durer plus de 2 heures, nous essuierons des rafales à 47 nœuds, mais nous échapperons à la tornade.

Vers midi le ciel s'éclaircit un peu dans les gris pastel, le vent tombe à 12 nds.
16 heures, nous sommes à la position des bouées d'atterrissage, nous les cherchons, elles sont beaucoup plus au sud, nous les apercevons aux  jumelles, nous tentons le passage entre les brisants, par la passe médiane très étroite. C'est vraiment très, très chaud, le sondeur
indique 3m, 2,5m, nous remontons la dérive de moitié, au ralenti, 2m, 1, 8m, nous sommes encerclés par les vagues qui déferlent de chaque coté de SOLEJA. Mais il ne bronche pas, avance à petits tours d'hélice, et en douceur, nous fait franchir la passe par 1,5m d'eau.
Nous avons gagné près de 2 heures sur l'itinéraire sud. 16h30, nous avons parcouru 477 miles en surface et 458 sur le fond en un peu moins de trois jours, la différence s'explique par les courants que nous avons rencontrés.
Nous pénétrons dans le majestueux estuaire du fleuve CASAMANCE, environ 10 miles de large, c'est l'univers de la platitude et de l'horizontale.
Nous distinguons à peine les berges du fleuve, elles se dessinent par de fins traits horizontaux de faible épaisseur, les frondaisons se reflètent sur le miroir de la surface de l'eau tels de véritables mirages.
Notre première impression est grandiose, mais très vite nous devons revenir à la recherche de notre mouillage pour la nuit.
Plusieurs choix s'offrent à nous, à quelques miles, nous avons rive droite le village de DJOGUE, rive gauche, le village de KARABANE, et un peu en retrait, sur bolon, (l'affluent) le village de ELINKINE. Nous choisirons ce dernier pour passer notre première nuit en Casamance.
Pour arriver à ce village, nous devrons apprendre à lire le fleuve. En effet, nous sommes à marée basse ce qui n'est pas le meilleur moment
pour entrer. Le niveau de l'eau est évidement au plus bas, de plus en saison des pluies, les eaux sont troubles et nous ne pouvons distinguer
l'étendue des bancs de sable déposé dans les méandres du cour d'eau. A plusieurs reprises, malgré la dérive relevée aux ¾, nous tutoierons le fond et ferons demi-tour de justesse.
Enfin, à 19h, heure locale, nous pourrons mouiller notre chère « BRAKE » (notre ancre) en face du campement d'ELINKINE pour un repos bien mérité.
19h30, la nuit tombe sur ce paysage de rêve et nous dégustons à toutes petites gorgées le punch planteur que nous a préparé notre spécialiste en la matière : NOËL.