Mardi 16 septembre :
Ce matin, notre voisin français est allé se renseigner sur les conditions et prix de la marina : environ 1000 $ pour un bateau de 15 m pour 15 jours, eau et électricité comprises, dont 10 $ par jour pour l'écluse qu'on utilise ou pas. Courage,  fuyons !!!

Darwin possède trois ports fermés, deux marinas et un port de pêche. Tous sont situés derrière leur écluse qui ne peut accepter qu'un seul bateau à la fois. Il faut demander à l'avance au « lock master » le droit de passage.
Nous partons vers l'autre baie pour nous rendre compte des différentes possibilités. Nous contournons la péninsule et son port de commerce en pleine eau. Nous arrivons dans « Frances bay », nous sommes à mi-marée, nous passons « Ducks Pond (la Mare aux canards)» et poursuivons vers «Tiperary marina » en remontant le petit fleuve. Autour de nous les bancs de sable découvrent déjà. Nous suivons le balisage du chenal au ralenti, nous profitons du paysage changeant que nous offre le jusant.
Tout à coup, la barre devient plus dure, je regarde en arrière, un sillage de boue marque notre passage, nous talonnons. J'essaie de virer, impossible, marche arrière, rien, c'est déjà trop tard ! Nous sommes bel et bien échoués ! Impossible de bouger, heureusement que j'avais remonté la dérive. Autour de nous, les bancs de sable émergent à toute vitesse.
Seuls quelques bateaux mouillés au beau milieu de la veine d'eau la plus profonde vont rester à flot. Doucement, Soléja se pose sur le sable, comme nous sommes en bordure du banc, il s'incline sur l'arrière, puis se penche sur le coté et se stabilise enfin. Nous sommes à sec et nous pouvons descendre par l'échelle de bain de la jupe pour faire un tour sur l'estran en attendant que la marée remonte. Nous sommes prisonniers, une veine d'eau entoure le très long banc de sable qui nous retient.
(12° 26' 910  - 130° 51' 304 E)
Trois heures plus tard, le flot nous libère, nous repartons à la recherche d'un mouillage. Nous avons peu de choix, les places sont déjà toutes occupées par les résidents. Je mouille enfin près des bouées marquant l'entrée du chenal, en face du port de pêche de « Ducks Pond », par 8 m d'eau. (12° 27' 367 S - 130° 51' 143 E).
Nous sommes non loin du ponton flottant du yacht club de « Dina beach », un petit chantier pour constructeur amateur. De l'autre côté, le ponton du port de pêche (ficherman warf)  nous tend ses amarres toutes proches :  
(12° 27' 571 S - 130° 50' 895 E). De là, nous serons plus proche du centre ville.

Mercredi 17 septembre :
Nous partons explorer la ville dès le matin. Nous tentons de laisser l'annexe au grand ponton des pêcheurs, mais nous devons y renoncer, l'amplitude du marnage de 7 m serait néfaste pour notre frêle embarcation, elle pourrait rester coincée sous une poutrelle métallique.
Nous repartons vers le ponton flottant un peu plus loin. Le centre ville se situe à environ 1 Km au dessus du port. Nous arpentons la rue principale, Cavanagh street sur quelques centaines de mètres puis nous trouvons la zone piétonne, « The mall ». Nous déjeunons à la terrasse surélevée du restaurant central, à l'ombre d'un immense arbre plusieurs fois centenaire. Nous restons un grand moment pour profiter de la fraîcheur relative du lieu, il fait entre 33 et 35° ces jours. Cette rue animée et attrayante par ses magasins et ses restaurants se vide complètement dès 18 H.

Durant la dizaine de jours que nous passons à Darwin, en attendant le CAIT (permis de navigation dans les eaux indonésiennes), et demander nos visas, nous allons visiter le parc botanique, puis nous partons deux jours dans le « Kakadu national parc » en voyage organisé par l'office du tourisme de la ville.
Durant ce périple, nous avons une visite par demi journée, ces lieux sont très espacés géographiquement, nous roulons beaucoup à travers le «bush » immense et desséché, nous sommes en fin de saison sèche.

Le premier matin nous embarquons dans une grande barque à fond plat et parcourons la rivière aux crocodiles. Dans l'embarcation, interdit de changer de place, nous ne devons pas sortir un bras ou même une main !!! Il faut être très attentif pour voir ces animaux car ils se dissimulent dans l'eau boueuse et l'on ne distingue souvent que les narines et les yeux qui sortent de l'eau. Certains sont impressionnants, le guide qui est aussi le pilote de l'embarcation nous annonce leurs mensurations : celui-ci, 6 à 7 m et entre 500 et 600 Kg de placidité mais de détente foudroyante lorsqu'une proie se présente. Nous faisons une halte dans un champ de nénuphars géants, les fleurs et les feuilles de la taille d'un chapeau mexicain dépassent la hauteur de la barque. Nous rencontrons aussi des ibis et d'autres échassiers, L'après midi  nous empruntons un large sentier spécialement aménagé pour les touristes, nous allons admirer les peintures et gravures rupestres aborigènes d'Ubir. Les couleurs ou les contours de certaines de ces œuvres ont été ravivés afin de les rendre plus visibles : scènes de chasse et vie, poissons, kangourous et même un éléphant. Sous des falaises, dans de petites grottes, nous avons l'impression d'être revenus à l'âge de pierre.

Le soir nous sommes hébergés en camping sous des toiles de tente tropicales avec tout le confort !
Le lendemain, nous partons sur un second site de peintures et gravures rupestres de 20 000 mille ans : Nourlangie Rock. Nous grimpons sur des falaises hercyniennes d'où nous avons une vue magnifique sur la plaine environnante.
L'après midi, Nous visitons le centre culturel aborigène nous présentant leur culture et art de vivre. Là nous rencontrons les mêmes techniques de pêche ou de chasse qu'ont utilisé tous les peuples du monde. Les textes rédigés par les aborigènes eux même nous montrent comment ils analysent l'arrivée des blancs et leur conduite envers eux. « Nous comprenons et respectons la civilisation de l'homme blanc, mais lui ne nous comprend pas et ne cherche même pas, il ne nous voit pas. »
A mon grand regret, nous ne rencontrerons pas d'aborigène, le séjour a été bien organisé en ce sens.
Sur la route du retour, en traversant le « bush », nous apercevons des dingos, des wallabies, des oiseaux. Nous nous rafraîchissons en nous baignant dans une piscine naturelle alimentée par une chute d'eau.
Hourra ! Le CAIT est arrivé, nous pouvons demander les visas et envisager notre départ dans trois jours. Vite il faut prévenir les « customs », ils ont besoin de trois jours pour signer notre autorisation de départ du territoire australien. Oui, oui, oui, il leur faut trois jours aux australiens. Nous prenons donc rendez vous pour dans trois jours à 11 H du matin. On ne nous reparle pas d'amende, nous ne soulevons pas le problème.

Album photos : Darwin  Album photos : Kakadu National Park 


Pendant ce temps nos visas sont préparés à l'ambassade d'Indonésie. Le jeudi 25, nous récupérons tous nos papiers, clearance et sortie du territoire, nous terminons l'avitaillement et changeons de mouillage. Nous allons nous installer à Fanny Bay pour notre dernière nuit à Darwin. (12° 26' 95 S - 130° 45' 05 E)

Vendredi 26 septembre :
A 9 H nous accostons au môle d'accueil de la marina de Cullen Bay pour faire les pleins d'eau et de carburant. Là aussi, il a fallu prendre rendez vous 24 H à l'avance pour faire le plein à la pompe !!!
A 9 H 30 nous franchissons la passe du port et prenons la direction du large sur une mer complètement plate. Il fait grand soleil, cap au 300°, Yan ronronne à 1800 T et nous emmène à 6 nds vers la sortie des îles : Charles Point Patches que nous passons vers 11 H 30. Nous prenons le cap 279°, sur le petit îlot Dana à quelque 600 milles nautiques dans le sud indonésien. En début d'après midi, j'envoie la toile, nous avons entre 8 et 10 nds de vent au largue, Yan reste à 1600 T pour maintenir le rythme. Mais très vite le vent tombe et l'eau devient miroir.

Samedi 27 septembre :
Dans la nuit, de temps à autre un petit souffle vient soulager un peu Yan pendant un instant, puis repart. Un paquebot tout illuminé passe au loin tel un vaisseau fantôme. Eole daigne se lever lentement vers 18 H, il arrive par le nord, à 10, 12 nds, nous sommes au près et je peux stopper le moteur, OUF ! 1 H, 1 H seulement, ça n'a pas duré longtemps, Eole est retombé à 3 nds et Yan a repris du service.


Dimanche 28 septembre :
J'ai laissé la G V pour conjurer le sort, mais rien n'y fait, le vent ne vient pas. A midi nous sommes survolés par les « customs » australiens, ils nous contactent et je leur réponds que je suis français et ne parle que très peu l'anglais, je leur demande de parler français: je n'ai pas de réponse.
Nous passons la journée au moteur.

Lundi 29 septembre :
Vers 2 H le vent se lève et je peux arrêter Yan. 12, 15 nds par le travers, c'est inespéré, nous dépassons les 6 nds. Durant 4 h nous naviguons à la voile, youpi !!!
Puis, Yan au secours ! Dans l'après midi le vent d'Est revient à 6, 8 nds et je tangonne le génois. Eole pousse même une pointe à 14 nds pour nous montrer qu'il existe encore. Mais cela ne dure guère et il tombe au coucher du soleil.

Mardi 30 septembre :
La brise thermique se lève dans l'après midi pour retomber en début de nuit. Nous naviguons quelques heures par jour à la voile, Yan prenant le relais durant la vingtaine d'heures restantes.

Mercredi 1er octobre :
Cette nuit le calme plat est resté de rigueur, nous avons croisé deux super tankers. C'est un très beau spectacle que de voir passer ces vaisseaux de lumière, glissant sans bruit entre l'onde et la voûte céleste illuminée.
Aujourd'hui, 4 H de voile, entre 14 et 18 H, ensuite sieur soleil s'embrase et rougit jusqu'au sang avant de plonger dans une mer qui prend ses couleurs pour mieux l'engloutir. Les quelques nuages s'empourprent également par connivence, c'est un véritable festival de feux qui nous enveloppe et nous fait entrer lentement dans la nuit.
Vers 20 H nous passons l'îlot Danna, (10° 48' S - 120° 56' E) et prenons un cap 10° plus nord à 290° sur Bali. Il nous reste environ 360 milles.

Jeudi 2 octobre :
Depuis deux jours, nous subissons un courant contraire croissant et le vent faible ou inexistant ne nous aide guère. Les journées se succèdent et se ressemblent : après le spectacle chaque fois renouvelé du coucher de soleil, nous prenons un petit apéro avant de manger tranquillement installés dans notre cockpit, la lumière du
néon efface toute marque de notre environnement et nous avons l'impression surréaliste de filer dans l'univers interstellaire. Le calme de la mer nous laisse à peine entendre un léger clapotis le long de la coque, nous avançons dans le silence et le noir absolu.
Dès que nous éteignons notre lampe, tout réapparaît, la mer étincelle à nouveau sous la lumière blafarde de Dame lune et les mille lueurs de ses compagnes les étoiles.
Vers 9 H, Claire regagne sa cabine pour une première tranche de sommeil et moi je prends le premier quart jusqu'à minuit.
Minuit, 3 H, Claire prend les commandes pendant que je me repose et je reviens à la veille de 3 à 6 H, je peux assister au lever du soleil durant la fin de mon dernier quart. A 6 H je termine, Claire se lève et nous petit déjeunons ensemble, puis je vais me reposer quelques heures.

Vendredi 3 octobre :
Malgré le courant contraire, j'espère bien arriver de jour au port de Bali Benoa. Nous avons rencontré un marin balinais à Darwin, il nous a confirmé les recommandations des guides nautiques : ne pas entrer de nuit dans le port de Benoa, la passe est très dangereuse malgré le balisage, les récifs de l'entrée débordent très loin au large.
En milieu de journée, nous subissons un clapot pyramidale du à la rencontre du courant qui descend de la mer des Flores par le détroit de Lombok et du vent de Sud Est de l'océan Indien. Ce courant atteint 2,5 nds et il nous est difficile de tenir les 5 nds de vitesse nécessaires à notre timing. 3 nds de courant dans le nez, cette fois, nous serons contraints de mouiller devant l'entrée du port, nous ne pouvons plus arriver de jours, Yan tourne à 2300 T et notre vitesse ne dépasse pas les 4 nds.
 Nous assistons au coucher du soleil sur Bali, magnifique spectacle mais qui nous laisse un peu moroses.
19 H, nous approchons de la passe, nous avons bien étudié le chenal, sans nous concerter, Claire sait que je vais tenter le passage. Nous sommes concentrés au maximum, d'abord trouver le feu blanc d'atterrissage. Le voilà, c'est bien lui, un peu faiblard parmi d'autres feux, oui, ce ne peut être que celui-là. Nous arrivons dessus, maintenant, les deux feux rouge de l'alignement de la première passe. Les voilà, bien en hauteur, les bouées rouges puis vertes, maintenant. «J'en vois deux rouges, moi aussi ». « Tiens, la verte est là bas, regarde, il y en a deux même ». Nous progressons lentement, en prenant d'infinies précautions. Les récifs dépassent très largement des feux de signalisation. Claire reste sur le balcon de proue en se tenant à l'étai et m'aide à me diriger. D'une bouée à l'autre nous serpentons parmi les platiers et récifs en suivant les balises et arrivons enfin dans le port naturel de Bali Benoa. Il faut trouver la marina maintenant, parmi tous ces gros navires de commerce. Nous passons tout près d'eux et gagnons le fond de la rade.
La marina semble comble, nous mouillons en face de l'entrée, juste au bord du chenal de passage.

OUF !!! Nous voilà rendus !!!
Nous pouvons nous poser pour observer le trafic nocturne de la rade en dégustant une bonne .
Position : 08° 44' 434 S - 115° 12' 863 E, environ 1000 milles parcourus, pratiquement entièrement au moteur !!!