Soléja dans l’océan indien : des Maldives aux Seychelles

  

  

Petit retour aux Maldives:

Les formalités de sortie et la clearance m’ont coûté 2O US$ pour l’immigration et 50 Rupiahs, soit 3 US$, pour la santé, soit en tout et pour tout : 23 US$. Les agents demandent ce qu’ils veulent et cela ne correspond à aucune réalité. Jean a un peu négocié et de 400, il a obtenu 150 US$ pour sa seconde sortie, mais je pense qu’il aurait pu mieux faire ! Les prix dans les autres pays sont de l’ordre de 50 à 100 US$ pour un agent.

 

Maldives - Seychelles. Jeudi 2 avril :

 

Je me lève vers 6 H et à 7 H 30, je relève l’ancre, je salue Jean au passage, (il attend sa clearance de sortie depuis 2 jours, son agent doit enfin lui apporter au ferry de 10 H). Je file plein sud vers l’entrée du lagon. Je sors et à 7 H 15, direction Male que je passe par le Nord. Pas de vent, Yan tourne à 2000 T pour passer les atolls de jour. A 8 H 30 je sors de l’atoll de Male par le chenal sud   « Waadhoo Kandu », puis je mets le cap S S-E sur « Ariadhoo Kandu », le chenal du sud de l’atoll Ari. Toujours au moteur, à 7 nds, aidé d’un courant favorable, je suis dans les temps. Sur chaque bord, j’aperçois au loin les îlots qui forment les atolls, ils sont presque tous privés. Des hôtels de luxe les ont aménagés, tous de manière identique : des rangées de paillotes. Chacune est indépendante, avec vue et accès à la mer…, de 2 à 5000 US$ et plus la nuit.…
Toujours au moteur, je sors des atolls vers 16 H 30, merci le courant !, je suis en avance sur mes estimations. Je peux mettre le cap au 245° direct sur Victoria capitale des Seychelles sur l’île Mahé. Une légère brise de Nord Ouest, j’envoie la GV.…Le vent se confirme un peu, monte à 10 nds. Je déroule le génois et je j’arrête Yan. Ouf !

Cela ne dure qu’une heure, une heure seulement. Je dois à nouveau solliciter Yan à 1500 T. pour la nuit. Soléja avance à 6 nds sur une mer plate. 

  

Vendredi 3 avril :

 

Vers 8 H j’envoie le génois dans un petit Ouest Nord Ouest de 5 à 6 nds, sans grande conviction, Yan reste à l’aide. A midi la petite brise passe au Sud Ouest, en plein dans l’axe de ma route idéale ! Je roule le génois et garde mon cap, Yan nous pousse à un peu plus de 5 nds. A bord lecture, bricolage, farniente, sont mes grandes activités de temps calme. Dans l’après midi, un petit Norois monte à 7, 8 nds et me permet d’envoyer la toile et c’est sous voile que j’admire un coucher de soleil flamboyant, embrasant l’horizon sur 180°. Les nuages empourprent tout le ciel autour de Soléja, nous sommes seuls au monde, tous les deux pour profiter de ces merveilles. Peut-on parler ici de privilège !

Dame lune se lève tôt, nous sommes encore sous le premier quartier et elle éclaire toute ma nuit. J’ai de la peine à me coucher quelques heures, tant l’atmosphère reste envoûtante.

 

Samedi 4 avril:

 

En milieu de nuit, le Norois revient à 10, 12 nds apparent, nous propulse à 5,5 nds et Yan peut se reposer un instant. Cela ne va durer que deux fois une demi heure et Yan reprend et nous emmène sur l’onde plate.…Ce matin, Dame lune s’est empourprée de belle manière avant de se coucher, est-ce parce qu’elle a croisé Seigneur Soleil qui lui envoie tous ses feux pastel dès l’aurore ? Le beau temps règne en maître absolu toute la journée, accompagné l’après midi d’une très légère brise de secteur Sud qui monte jusqu’à 8 nds.

 

Dimanche 5 avril:

 

Dame lune une nouvelle fois illumine ma nuit de ses reflets scintillants sur l’eau calme et me trace un chemin de lumière vers l’Ouest. Ce matin, c’est dimanche: tartine au beurre pour le petit déjeuner, je ne me refuse rien !... Dans l’après midi, deux grains viennent agrémenter ma journée, un Surois monte à 18 nds au près puis retombe presque à zéro. Ces grains m’ont fait du bien, ils ont rafraîchi l’atmosphère.
Deux oiseaux sont passés me rendre une petite visite, un booby, blanc à pied rouge, et une sterne marron et blanc. Dans la soirée d’autres grains se sont succédé, toujours de S O, le vent passe de 10 à 18, 20 nds puis retombe.

Position à minuit : 00°34’10 S – 66°12’40 E, 523 milles parcourus, je suis encore à 715 milles de Victoria.

 

Lundi 6 avril :

 

Vers 2 H le vent de S O monte jusqu’à 30 nds, je dois réduire la G V, reprendre la moitié du génois et mettre le cap au 190° au près. La nuit se passe à la veille dans le cockpit. Au matin le vent reste entre 15 et 20 nds. Je suis au près, cap plein sud dans une mer clapoteuse qui s’est creusée sous l’effet des grains de la nuit. Le passe avant sous le vent ressemble à un torrent en permanence et de temps en temps celui au vent l’imite. Les glouglous et les clapotis m’accompagnent. Vers 9 H, je m’aperçois que BOB, le pilote automatique ne fonctionne plus, le cadran s’est éteint et ne veut pas se rallumer. Fort heureusement, bien réglé au près,  Soléja file en gardant son cap, sans dévier. Je peux donc bloquer la barre et  essayer de trouver la cause de la panne. Je reprends les connexions une par une, je les nettoie, je passe un lubrifiant spécial, rien à faire. Bob ne veut plus repartir.
J’ouvre le tableau électrique et vérifie les branchements et les fusibles : tout semble en ordre de marche. Un point m’interpelle, le témoin du pilote reste allumé, donc il est alimenté, mais le courant n’arrive pas au calculateur du pilote : le fil doit être coupé quelque part ? Je teste le fil : il conduit le courant, il n’est donc pas  sectionné.…
Tous ces contrôles électriques sont entrecoupés de fréquents retours sur le pont pour vérifier le cap, le rectifier et régler les voiles si le besoin est. La mer reste très agitée et la houle s’est formée. Ce ne sont pas les meilleures conditions pour  rechercher une panne dans le tableau électrique ou vérifier et suivre les fils qui passent sous les planchers. Soléja gîte entre 15 et 20°. Depuis ce matin, en changeant de cap, je suis sorti du courant favorable et je suis entré dans le contre courant équatorial. Je subis donc un courant contraire d’un nœud qui ralentit ma progression et me fait perdre en cap vers l’ouest. Dans ces conditions, Soléja et moi sommes bien secoués. Le soir, avec l’aide de Yan, Soléja progresse seul, je peux me reposer un peu puis reprendre mes investigations.

 

Mardi 7 avril:

 

Cette nuit un gros chalutier passe à 5 milles, je peux voir les lumières de ses puissants projecteurs durant trois bonnes heures. Le ciel reste couvert en grande partie et la clarté diminue fortement. Dans la matinée, le vent tourne un peu à l’ouest et je peux faire un meilleur cap sur mon objectif, je passe à 230°. Cela fait du bien au moral ! Malgré tout, je progresse à 5, 5,5 nds, ce n’est pas le Pérou, mais j’avance et gagne en cap ! J’essaie de brancher mon pilote de secours, un autohelm 3000 quasiment neuf. Mon enthousiasme retombe vite. Je n’arrive pas à brancher la fiche dans la prise électrique. L’an dernier j’avais réparé la prise cassée, mais je n’avais pas essayé le branchement. Grave erreur, la faible surépaisseur de colle empêche le branchement. Il me faut absolument réparer BOB !!!

A 10 H 30, le vent m’oblige à faire de plus en plus du nord Ouest, 280°, 300, 330°.…Vers midi, je vire tribord amure, le « Norois » de 15 à 18 nds me permet de faire cap au 230, 240°, c’est bien. Dans l’après midi Yan aide un peu, soudain, il commence à tousser, il a des ratés. Vite, je retire l’échelle de descente et j’ouvre le capot moteur. J’actionne la pompe d’amorçage du fuel pour aider l’alimentation
en carburant.… Ca repart ! Ouf ! Je vérifie le pré filtre à gasoil, il est  complètement encrassé. Je purge plusieurs fois l’eau et les résidus déposés, je pompe à nouveau. Yan ronronne mais sa douce musique a changé de tonalité.… Je reste quelque peu sceptique. Je vérifie le contenu du réservoir carburant, il ne reste plus que cinquante litres, il faut transvaser le second réservoir. En soirée je dois à nouveau virer de bord pour serrer mon cap au sud Ouest. A 21 H nouveau virement de bord, Eole joue et change constamment de direction. Je dois rester éveillé et surveiller.

 

Mercredi 8 avril:

 

Vers 1 H un petit norois me remet sur mon cap au 260° durant une bonne demi-heure. Puis deux grains passent et changent la donne, je dois virer deux fois en moins d’une heure. Je suis contraint de rester longtemps à la barre et ne peux pas me reposer. Je m’endors à la barre quelques dizaines de secondes, les yeux me brûlent de fatigue.…Cette nuit semble une éternité.…En milieu de matinée, le vent de W S-W monte à 15, 28 nds. Soléja, sous G V arisée et génois à demi envoyé file ses 7,5 nds  en surface pour 5 nds sur le fond. Et oui ! Courant oblige ! Mais rien n’est stable sous les grains, le vent varie vite en force et direction et il me faut adapter constamment, virer, réduire, renvoyer la toile. Durant une pétole d’après midi, entre deux manœuvres, à force de tripatouiller les fils, j’arrive à remettre BOB au travail, sans trouver la cause de la panne. Malheureusement, cela ne dure que deux heures. Mais j’ai pu me reposer un peu. Yan recommence à tousser, j’ai beau purger, il ne tourne pas rond : je dois changer le pré filtre à gasoil pour le faire repartir. En fin d’après midi, les grains sont de retour et le vent revient entre 15 et 20 nds, je prends un ris pour la nuit. Je vire de bord plusieurs fois, roule et déroule le génois toutes les demi heures. Vers 21 H le vent tombe, mais la mer reste agitée et creuse. Eole revient par l’ouest vers 23 H à 15, 18 nds, Soléja prend un cap à 200°, au près assez serré.

 

Jeudi 9 avril :

 

La nuit a été très éprouvante, barre, manœuvres, je n’ai pas pris de repos. Au lever du jour, je dors debout. Cette nuit, à deux reprises, j’ai essayé de bloquer cette barre, mais après 10 minutes, Soléja s’est retrouvé faisant cap inverse. J’ai donc dû barrer presque constamment. Au petit matin, je suis exténué, je profite d’une calmasse passagère pour dormir un moment. Vers 9 H je me replonge dans l’armoire électrique, je vérifie pour la énième fois les fils, je démonte le fusible principal, le retourne dans tous les sens, passe l’ongle sous la lame et OH ! Surprise, celle-ci se soulève, elle est coupée sur le dessus, je découvre enfin la CAUSE de la panne !!! La lame du fusible est coupée de manière imperceptible, je ne l’avais pas vu la première fois. OUF ! Ouf ! Ouf !!! Je vais pouvoir dormir de temps en temps !!! Le bien être !!!  Le rêve !!!

En fin d’après midi, le vent de Sud Ouest, 15, 18 nds tombe à 10 nds, le ciel se dégage et la mer se calme lentement. Le soleil revient et m’offre en prime un superbe coucher de soleil sur la mer calmée. Comme quoi les bonnes nouvelles, comme les mauvaises n’arrivent jamais seules. Sous voile, au près au 200°, Yan accompagne, BOB pilote,  je peux aller me reposer tranquillement. Premier quart, je fais un tour d’horizon, je déplace l’aiguille du réveil et je me recouche sur la banquette du cockpit. Je me rendors aussitôt !

 

Vendredi 10 avril:

 

Il est 6 H ! Le soleil me réveille, je n’ai pas entendu la sonnerie ! Que s’est-il passé? Je vérifie l’instrument  , dans mon semi sommeil, j’ai tourné l’aiguille dans le sens inverse, donc le réveil n’a pas sonné… J’ai bien récupéré ! La mer est plate, le vent quasi nul, Soléja avance au moteur et porte la GV haute. Malgré Le courant, nous avançons à 4,5 nds au cap 265° sur Victoria. Dans l’après midi, le vent de S O monte timidement à 10 nds, j’envoie le génois et je dois abattre de plus de 30°, je fais cap au 230°. A 18 H je peux arrêter Yan, pour combien de temps ?
A 19 H Soléja se retrouve à sec de toile, le vent est tombé et Yan a repris.
22H je renvoie tout, un Sud monte à 15, 18 nds sous un grain… Mais encore une fois, c’est pour une courte durée et il faiblit assez vite pour la nuit.

 

Samedi 11 avril:

 

Vers 5 H, je suis réveillé par la brise qui reprend, 10, 12 nds, je renvoie le génois. Nous avançons à 5 nds sur notre cap jusqu’à 7 H 30. Il nous reste encore 250 milles à parcourir en ligne directe.

Position: 40 20’ S – 59° 47 E. Il fait beau, la journée se passe au moteur, le vent ne dépasse pas 8, 10 nds durant quelques instants.

 

Dimanche 12 avril:

 

Vers midi, toujours au moteur, Yan proteste à nouveau, il tousse. Il n’a pourtant pas pris froid, la T° ne descend pas au dessous de 26, 27° la nuit ! Non, c’est  bien une histoire d’alimentation, il veut plus de gasoil… Je dois changer le second filtre et tout repart. Yan ronronne à nouveau correctement. Une petite brise de secteur Sud arrive et monte à 10 nds dans l’après midi. Un petit bonheur ce vent de travers !…
Depuis ce matin, un léger courant favorable nous aide à progresser. Il passe au Sud Est la nuit en faiblissant un peu. Après une belle journée, j’assiste à un merveilleux coucher de soleil qui embrase tout l’horizon. Dame lune se lève aussitôt et bientôt toutes les étoiles s’éclairent et l’accompagnent pour la nuit.
Comme je dors dans le cockpit, je m’endors au bon soin de toutes ces bonnes fées…


Lundi 13 avril :

 

A 6 H je suis à 25 milles de l’entrée de Victoria. Cette nuit le vent nous a bien aidés, nous avons fait 5,5 à 6 nds. J’aperçois déjà les premières îles de l’archipel.
A 8 H je passe entre les îles La Digue et Frégate, c’est un enchantement que cette arrivée au petit matin entre les cailloux. 9 H 30 je laisse l’Ile aux Récifs sur bâbord.
Je contourne l’île Ste Anne par le Nord, je roule le génois et j’affale la GV. Maintenant je peux appeler le port de Victoria pour signaler mon arrivée…
Le capitaine me donne la position où je dois attendre les autorités qui viendront à 13 H : 4°37’11 S – 55°24’50 E. Je mouille et reçois un appel de « Dolce Vita » un ovni français que j’ai rencontré à Galle au Sri Lanka. Il vient d’arriver et attend les autorités.

Je dois rappeler vers 14 H pour leur signaler que je les attends. Huit personnes débarquent d’une pilotine, tout le staff est présent, l’immigration, les customs, la santé, les parcs marins,… comme ça, les choses iront plus vite.  En effet, 1/2 à  3/4 d’heure ont suffi pour toutes les formalités, je n’aurai plus qu’à aller payer mardi matin au poste de contrôle du port de Victoria. Je peux maintenant demander mon entrée dans le port. A 16 H je fais un petit tour du port pour voir où je vais pouvoir lâcher ma pioche. Beaucoup de voiliers français dans le coin ! Je mouille dans 5 m d’eau au beau milieu du vieux port de Victoria.
Me voilà aux Seychelles !

Position : 4°37’532S – 55°27’467E, entre 1400 et 1500 milles parcourus.

 

P S : sitôt débarqué, je rencontre tout un groupe de voileux français de Mayotte et de la Réunion. Ils ne parlent que des pirates ! Il parait qu’ils sont partout autour des Seychelles. Ils auraient capturé 2 bateaux dans les Amirantes et à Aldabra !
Dernières nouvelles du front :

Aujourd’hui on apprend que des pirates ont été interceptés au Sud Est de Victoria par un navire militaire portugais, ils ont saisi les armes mais ont laissé repartir les hommes sur leur bateau, (pas de flagrant délit !)...

Deux voiliers viennent d’être interceptés par des pirates à 100 milles à l’est des Seychelles, ils se rendaient en Malaisie.

Toutes dernières avant mise sous presse:

Les Seychelles sont bientôt en état de blocus, les pirates mènent plusieurs attaques chaque jour autour des îles et nous sommes quasiment cernés. Demain nous avons une réunion d'information au  Yacht club à 18 H. Mardi nous allons voir l'attaché de l'ambassade pour avoir les positions connues des pirates et savoir si on peut partir et dans quelle  direction.

 

Abum : Traversée Maldives Seychelles