LES  MARQUISES
Les trois îles du sud
HIVA-OA, La plus grande des îles des marquises, la ville d'Atuona, chef lieu des Marquises du sud compte environ 2000 habitants selon les dires des personnes rencontrées.
Les centres d'intérêts sont nombreux, en dehors des paysages fantastiques : les tombes des artistes GAUGUIN et BREL, le musée qui leur est consacré et qui retrace leur vie aux Marquises avec une expo de peintures pour l'un et l'habitat et l'avion pour l'autre, chacun ayant sa propre unité. D'un autre côté se trouvent les sites archéologiques des prières et sacrifices, les « tables » et les « tikis » sculptés de différentes tailles.

Lundi soir en rentrant, je rencontre Bruno qui termine de mouiller son trimaran Bhajans à proximité de Soleja je fais connaissance en passant.
Une heure après, il est à bord de Soleja et nous échangeons le vécu de nos périples, nous discutons matériel aussi et échangeons quelques CD. Bruno arrive du Mexique, il a vécu longtemps au U S A et navigue seul la plus part du temps, il n'a pas de programme défini à l'avance et progresse selon son envie du moment. Il est photographe professionnel et se constitue une banque de données photos qu'il pense exploiter plus tard.
La soirée se termine fort tard.

Mardi 8 mai :
Toute la journée est consacrée au nettoyage intérieur. Soleja a souffert d'un laisser aller certain depuis plus d'un mois, je vais lui redonner une atmosphère plus nette et plus conviviale.
A la tombée de la nuit, j'ai à nouveau la visite de Bruno, même type de soirée.

Mercredi 9 mai :
Le matin je fais un voyage de jerricans d'eau pour refaire le plein des réservoirs, 600 L ; il va en falloir quelques uns !!! L'après midi je veux visiter le village de Taahoa et son site archéologique. Dès la sortie du débarcadère je fais du stop, mais à cette heure il ne passe personne. Il faut dire que le port est en cul de sac et les habitants ne viennent que pour le bateau de ravitaillement et pour le carburant. Et oui, par chance pour les plaisanciers, la seule station de ravitaillement se trouve sur le port !
Je marche donc en direction de Atuona, au carrefour de la route de l'aéroport, un pickup s'arrête, le chauffeur me fait signe de monter, je monte dans la benne et nous voilà partis sans autre échange. Au premier embranchement, il prend à droite et grimpe dans la montagne, je me dis qu'il prend un raccourci peut être ? Et nous montons, à droite, à gauche, nous empruntons des petits chemins escarpés, il doit quelques fois manœuvrer pour passer les virages serrés. Au bout de cinq mn je me permets de demander s'il va bien à Atuona. Il me répond que oui, mais il doit déposer « celui là » dit-il en montrant  son ami ; ils reviennent de la pêche. Cette promenade me fait visiter les hauts de la ville d'où nous avons des points de vue superbes sur la baie des traîtres et le passage du bordelais entre les îles. En redescendant, nous passons devant le cimetière, je me fais donc déposer, quelle aubaine !!! Là, je visite les deux personnalités : BREL et GAUGUIN, instant de grande émotion.
Ensuite je descends rapidement sur la rue principale et, à la sortie je lève le pouce pour poursuivre mon chemin vers Taahoa. Eric me fait monter dans son 4X4 et très vite, il me raconte l'histoire de ses ancêtres. Son arrière grand père, pêcheur breton de passage, a fondé foyer avec une marquisienne, s'est installé et a fait souche ici. Il me dit aussi qu'il est trop tard pour monter au site, il va faire trop sombre dans le sous bois, je me satisferai donc d'une promenade à la plage et je ferais quelques photos de l'église de Taahoa. En retrait de la plage, sous le grand abri communal, les femmes du village jouent au loto pendant que les hommes  tapent la pétanque à l'extérieur.
Un peu à l'écart, deux femmes discutent sur le bord du chemin, je les interpelle, ce sont l'épouse et la mère du professeur d'école. D'ailleurs celui-ci ne tarde pas d'arriver pour tailler une petite bavette. L'école, sur le bord de la plage, comporte plusieurs cours, de la maternelle au CE 1 avec 6 à 7 élèves par classe. L'instituteur fait aussi office de directeur d'école, il est secondé par une adjointe.
Le soleil commence à décliner sur l'horizon, il est temps de penser au retour. Je me mets en route mais à cette heure là, les voitures rentrent à la maison et peu partent en direction d'Atuona. Il fait nuit lorsque j'arrive au village et il me faut encore faire 4 à 5 Km pour rejoindre le port. La nuit les voitures ne s'arrêtent pas, je suis résolu à rentré à pied, mais je tends le pouce quand même. A mi distance, une voiture s'arrête, un jeune couple et leur fils me font une place et me ramènent jusqu'au port. Ils m'invitent même à venir passer la journée de vendredi chez eux, ils proposent de venir me chercher, j'accepte avec enthousiasme !!!
Il est 20 H, je suis exténué, je rentre à bord à la rame, je n'ai pas installé le moteur de l'annexe, le mouillage est tranquille et je ne suis pas trop loin du débarcadère, mais tout de même !!!

Jeudi 10 mai :
Bonne fête ma petite Sol !!!

Ce matin je part dès 8 H 30, à 9 H je suis à Atuona, je traverse la ville et me mets tout de suite en route pour Taahona. Peu de circulation aujourd'hui, il y a des travaux, l'équipement bétonne la piste. Le camion de livraison des matériaux me ramasse et le chauffeur me raconte l'histoire de sa famille.  Son trisaïeul, irlandais était venu évangéliser la population et a fondé une famille. Il me laisse au niveau des travaux, je rencontre les ouvriers qui font une petite pause et je discute un instant, ils me proposent rapidement de partager leur pamplemousse. Je croque à pleine dent, bois le jus sucré de ce fruit délicieux, cela fait du bien, il commence à faire chaud.
Ici, ces fruits sont énormes, plus d'un Kg et poussent à profusion, ils se sont servis dans le jardin de la maison voisine. Je poursuis mon chemin et attaque la montée dans la montagne, ça grimpe, fort heureusement, la route est partiellement ombragée. Rapidement je suis en pleine forêt de manguiers tout d'abord, puis de cocotiers essentiellement. Je n'ai pas pris mon coupe-coupe et je ne peux donc pas ouvrir de noix et boire le bon lait de ces fruits qui jonchent le sol.
Au bout d'une demi-heure je croise un jeune gars qui redescend de la cueillette du coco pour en extraire le copra. Celle-ci représente une source de revenu certaine et abondante pour bon nombre de familles. Il me dit que d'autres ouvriers travaillent là-haut dans un grand chantier.
Je poursuis mon chemin et arrive bientôt à son extrémité, là,  sur la gauche une la forêt s'interrompt pour laisser place à un sous bois entretenu, l'herbe y est fraîchement coupée raz et les arbres clairsemés. Je m'engage dans cet espace ; j'entends une débrousailleuse au travail un peu plus haut, je me dirige dans sa direction et là je retrouve Dominique avec qui j'avais discuté la veille en rentrant de la plage de Taaona ; c'est lui qui a en charge l'entretien du site. Il m'indique l'emplacement des tables et du TIKI. Je fais le tour du site, je suis seul, cela procure une profonde impression d'être seul au beau milieu de ce site de prières et de sacrifices.
Au bout de quelques instants, je redescends vers Dominique pour lui demander si l'on peut boire l'eau du petit ruisseau voisin. - « Bien sur ! » me répond-il, « il n'a pas plu, l'eau est claire ». je me dirige à l'oreille vers le glouglou désaltérant. Et là que vois-je, sur le sol, des dizaines de mangues. Moi qui n'ai rien pris à manger ni à boire. Dame Nature dans sa très grande bonté va y pourvoir, décidément il n'y a de chance que pour la canaille. Je me désaltère et ensuite je me goberge de fruits gorgés de sucre et de miel après les avoir lavés dans l'eau limpide qui court entre les rochers. J'ai l'impression de me trouver à l'origine des temps, en pleine forêt, au bord d'un court d'eau, un arbre fruitier au dessus de moi, ses fruits partout autour dessinent leurs taches jaunes.
Je remplis mon sac à dos d'une bonne vingtaine de mangues et comme il est midi passé, je reprends le chemin en sens inverse. Je croise une voiture qui monte et bientôt redescend et s'arrête pour me prendre : c'est le père de Dominique qui est venu le chercher, je profite de l'aubaine jusqu'au village.
Je descends jusqu'à la plage, elle est déserte, je laisse mon sac et ne résiste pas à piquer une tête dans les rouleaux. Je me croirais à Lacanau dans les Landes, c'est fantastique !!!
Ensuite, je prends une douche, oui bien sûr, il y a même une douche et des toilettes sur cette plage du bout du monde et qui plus est, entretenus, nous sommes en France tout de même, non !!!
Je fais la connaissance de Sophie, une mamie d'une soixantaine d'année, c'est elle la Dame propreté de la plage et des toilettes, elle est très fière de son travail et me demande comment je trouve le coin. Il est vrai que tout est très bien entretenu et je la félicite. Nous discutons un instant, et je poursuis mon programme, je veux maintenant passer voir le sculpteur du village, M. « O'konnor », un personnage. Il me présente son œuvre et nous palabrons sur les coutumes, les traditions et le modernisme, comment vivre avec les deux. En repartant, il m'offre un fruit de son arbre à pain, une pièce d'un Kg.
Je m'apprête à rentrer et sur ma route une dame et son fils nettoient leur débrousailleuse, la discussion s'engage naturellement, et lorsque je repars, je suis chargé de 4 énormes pamplemousses supplémentaires. Il faut absolument que je rentre sans plus m'arrêter, sinon je vais crouler sous mon chargement.
Mais il est déjà 16 H et les voitures se font extrêmement rares donc je marche avec un sac au bout de chaque bras, je marche, je marche. Que le chemin est long, personne à l'horizon, pas un bruit de moteur, c'est reposant, certes, mais il y a des circonstances dans lesquelles on aimerait bien entendre ronfler un moteur. Et bien non, rien, il faut se résigner; tu gagneras tes fruits à la sueur de ton front. Voilà plus d'une heure que je progresse lorsqu'une dame tout endimanchée s'arrête et me fais monter, dans la benne de son 4X4, trop content, je suis fourbu.
Je suis de retour au bateau juste avant la nuit pour terminer la lessive que j'avais mis à tremper. A peine à bord une annexe se présente, c'est Claire et Adrien du voilier « Aspara » (vous vous souvenez à Colon.) Ils viennent m'inviter pour le repas du soir !!
Ils sont aux Marquises depuis une quinzaine de jours et à Hiva-Oa depuis plus d'une semaine.
La journée a été chargée et la soirée sera longue.

Vendredi 11 mai :
9 H, j'attends le jeune couple qui doit venir me chercher. 10 H personne, je pense qu'ils ne viendront plus maintenant. Je m'occupe un  peu du bateau, rangement, lessive, corvée d'eau, un peu de nettoyage de coque.
Il est déjà 14 H, que vais-je bien me faire à manger ??? Mangues, pamplemousse, ce sera parfait.
Ma ballade de l'après midi va être consacrée à la recherche du TIKI rieur, il se trouve en pleine forêt. Je pars faire du stop en direction de l'aéroport et me fais laisser au lieu indiqué. Je m'engage dans la forêt, le chemin de terre descend en direction d'un petit ruisseau, puis commence à grimper sur l'autre versant. Que vois-je là devant moi, sur le chemin ? Mais oui, on dirait bien un avocat, un bel avocat, en pleine forêt ! Je cherche alentour, un second, puis un troisième, bien gros, bien vert (maître Collard ?), dans le sac. Je poursuis ma promenade, grimpe encore une bonne demi-heure, mais ne trouve pas le TIKI rieur. Le jour commence à décliner, il faut que je retourne, sinon je ne trouverai pas de voiture pour me ramener. Vers 18 H je suis de retour au bateau.
Un gros canot à moteur s'approche de Soleja, à son bord, une famille au complet. Le père, aux commandes m'interpelle : - « il parait que vous me connaissez ? »
- « Ah, Cantan, Sylvain Cantan ! » réponds-je.
Ils partent sur l'île voisine et promettent de repasser dimanche soir pour échanger plus longuement.
Le soir, Claire, (d'Aspara) vient me dire qu'elle a rencontré les personnes avec qui j'avais rendez vous et qu'elles sont d'accord pour remettre la rencontre à demain.

Samedi 12 mai :
Départ 8 H 30 pour Atuona, je me dirige vers le pont et la route qui monte directement dans la montagne. Là personne, que faire ? Je décide de partir à pied, je fais du stop, mais les voitures ne vont pas loin. Je poursuis, en chemin je remarque un tas de bois et des pièces travaillées, un sculpteur ! Bien évidement, je passe le voir et nous échangeons un instant. Je lui demande s'il connaît Nicolas et Sandrine et s'il sait où ils habitent.
Je repars et suis ses instructions, mais le chemin semble bien long et la pente bien rude.
Il est presque 11H lorsque j'arrive dans une clairière bien entretenue, Sandrine et son fils Harry ratissent les feuilles sous les arbres fruitiers. Tout près d'eux grognent trois porcelets dans leur enclos.
Lorsqu'elle m'aperçoit, un large sourire éclaire son visage. - « Vous avez trouvé ? ça fait loin ! Vous êtes monté à pied ? Quel courage !... » - « Vous devez avoir soif, venez boire une citronnade, je la fais avec nos citrons ! »
Sur un promontoire, trône une maisonnette, la maison de sa maman, avec une vue imprenable sur la ville d'Atuona et la baie des Traîtres. C'est vraiment magnifique. Sandrine me fait faire le tour du propriétaire, la maison, ensuite elle me conduit un peu plus haut, sur un second promontoire, là, ils construisent leur propre maison. Un artisan et ses deux fils s'affairent à clouer des panneaux de contreplaqué sur des lambourdes pour construire les murs et les cloisons, Nicolas les seconde avec beaucoup d'attention.  Sandrine me conduit dans la forêt pour me monter les « marais » et les « TIKI » leur appartenant : cinq personnages de pierre, côte à côte sont posés sur une table de roches plates. Ils sont couverts de mousse humide, mais elle veut les laisser dans cet état pour l'instant. Ensuite avec Nicolas, ils veulent construire un gîte d'étape, alors ils mettront le site en valeur pour les touristes qui logeront chez eux. Je partage leur repas à base du fruit de l'arbre à pain cuit sur la braise : le « hourou ». Je redescends vers 14 H, à pied jusqu'à Atuona, puis en stop jusqu'au port. Le soir, ils doivent m'apporter des pamplemousses et des citrons au bateau. Ils arrivent à la nuit et viennent à bord prendre un verre.
C'est la joie, c'est la première fois qu'ils montent sur un voilier de croisière.

Dimanche 13 mai :
Aujourd'hui est mon dernier jour à Hiva-Oa, j'ai décidé de partir demain, cela fera déjà une semaine que je suis arrivé, il est temps de lever l'ancre. Donc, il faut préparer Soleja, terminer le plein des réservoirs, nettoyer la carène au dessus de la ligne de flottaison. Une bande verte s'y est installée durant la traversée et Soleja n'a pas fière allure. Sous la jupe arrière, ce sont des coquillages qui ont élu domicile, il faut gratter dure avec un racloir pour les déloger.
Le soir, je remonte une des deux ancres arrière et je suspends l'annexe au portique pour laisser le minimum pour le matin. La nuit s'installe et je ne vois pas de famille Cantan. Ils ont eu un contretemps, certainement.
Tant pis, je ne repousse pas mon départ.   
Album photos Hiva Oa

Lundi 14 mai :
Lever 5 H 30, il fait encore nuit noire. Petit déj. rapide, vaisselle, derniers rangements et je mets tous les instruments de navigation en route, je démarre Yan et je vais retirer l'ancre légère sur la poupe, en même temps, je lâche de la chaîne sur celle de l'avant pour permettre à Soleja de reculer.
6 H 30, les ancres sont rangées et nous pouvons prendre la direction de la sortie, lentement, les voisins dorment tous, pas de salut et il faut être attentif, les deux dragues du port ne nous laissent qu'une passe très étroite en chicane.
Voilà, c'est fait, Soleja, à nous la pleine mer. J'envoie la toile immédiatement, un petit ESE de 10 nœuds nous cueille dès la sortie et nous partons au près serré au cap 156°. A petite vitesse, 5 nœuds, je laisse Yan aider à 1600 tours.
Dans la journée le vent montera à 15, 17 nœuds, mais notre vitesse ne dépassera pas les 6 nœuds. Nous arriverons vers 15 H dans la baie des vierges sur l'île de Fatu-Iva, la plus sud des Marquises.
Une quinzaine de bateaux sont au mouillage dans cette petite baie encaissée entre deux falaises de lave. Parmi eux, la grosse vedette des douanes, Carpe Diem, le cata de Gino et Aline rencontré à Colon et aux Galápagos et Apsara.
Je nous trouve une place pas trop loin du débarcadère, comme ça je n'installe pas le moteur, comme je suis seul, l'embarcation est légère, je la propulse à l'aviron.
Ici l'eau est transparente, contrairement à Hiva-Oa où elle était troublée par les travaux, elle invite à la baignade. Sitôt dit, sitôt fait, un masque et des palmes et PLOUF !!!
Quel régal, là,  juste au dessous de moi, à deux coups de palmes de Soleja, deux magnifiques raies panthères tournent dans un ballet à n'en plus finir. Jaunes orange, tachetées de noir, elles dansent à deux mètre au dessous, sans me prêter attention. Je les contemple un moment puis je continue en direction des falaises. J'ai l'impression de nager dans un aquarium, des poisons multicolores, de toute formes et de toutes tailles tournent, vont et viennent. J'ai l'impression que personne ne me voit, je contourne un gros rocher, le spectacle se renouvelle sans cesse, je crois rêver. Fatu-Iva sait accueillir !!!
Quelques minutes après mon retour à bord, le zodiac des douanes passe, le douanier : -« vous êtes d'Ajaccio ? Vous avez été contrôlé ? D'où venez-vous ? Vous êtes seul à bord ? Tout va bien ? »  Puis il s'en retourne.
Baie des Vierges : Fatu-Iva : 10° 27' 90 S - 138° 40' 02 W, 45 miles.

Mardi 1 5 mai :
9 H le zodiacs des douanes m'aborde avec trois douaniers, deux montent à bord pour effectuer les formalités de routine : contrôle des papiers, remplissage de fiches, quelques questions, des armes ? Des munitions ?  Que transportez-vous ? Qu'avez-vous à déclarer ??? . Tout cela dans une atmosphère conviviale et plaisante.
J'en profite pour leur demander pourquoi ils ont saisi le fusil de Gino ?
Il n'a pas fait son entré légale à Hiva-Oa, il devait déclarer son arme à la gendarmerie de Atuona. En venant à Fatu-Iva, il a introduit une arme et des munitions illégalement sur le territoire des Marquises, cela s'apparente à de la contrebande, donc saisie du matériel et amende.
Vers 9 H 45 je suis sur le quai du petit port. A peine débarqué, Didier m'interpelle :
- «  bonjour, tu es en voilier ? ». - « tu n'as pas quelque chose à troquer, des munitions, du matériel  ? »
La discussion s'engage très vite et il m'indique les curiosités à visiter.
Je m'aventure dans le village, l'église, l'école, l'épicerie et en face, le sculpteur Jacques et son épouse Désirée. Je rentre chez eux, très vite ils me déballent une douzaine de TIKIS, des masques, des cannes, des tissus d'écorces décorés aux motifs traditionnels. Je reste un long moment à discuter avec ce jeune couple, ils préparent l'exposition vente de Papeete pour début juin. C'est donc l'effervescence chez tous les sculpteurs des Marquises.
Lorsque je ressors, je pars en direction de la cascade, je quitte rapidement le village et m'engage dans un chemin forestier. Je ne peux pas me tromper, il n'y a que deux directions, la forêt et le village de l'autre baie. Non loin de là je rencontre Victor et sa maman qui plantent des ignames, un peu plus loin une autre famille entretient sa clairière et son séchoir à copra.
Le chemin se resserre et devient herbeux, plus haut, un père, ses deux filles et son fils chargent leur mulet de sacs de noix de coco pour en extraire le copra. La discussion s'engage et ils m'offrent une noix pour boire le lait. Evidemment, il me la prépare et lorsque j'ai bu, il me la casse pour que je puisse manger la pulpe. Je leur montre un fruit que j'ai ramassé sur le sentier. C'est une papaye, elle est bonne à manger me dit-il et il me cueille trois citrons sur son arbre. C'est meilleur avec le citron me dit-il. Je reprends la marche avec mon repas de midi dans mon sac.
Arrivé à la cascade, je grignote la noix de coco, puis je me régale de la papaye au citron, avant de rebrousser chemin. Il est trop tôt pour rentrer au bateau, je décide d'emprunter la piste qui mène à la baie d'Omoa. La côte est raide et il fait encore chaud, le soleil frappe cette pente exposée à l'ouest. Plus je grimpe, plus la vue s'élargie sur la baie, le mouillage et le village. Des manguiers, les fruits recouvrent le sol, je fais une bonne cueillette de plusieurs Kg avant de redescendre.
En arrivant vers les premières maisons, je retrouve mon fournisseur de coco, cette fois-ci, il m'offre 4 pamplemousses, 2 oranges et je dois l'arrêter là sinon je croulerais son la charge.
Quelle journée, quelle récolte, coco, papayes, citrons, mangues, pamplemousses et oranges.

Mercredi 16 mai :
Aujourd'hui je devais aller à Omoa, dans l'autre baie, je devais y aller à pied par le chemin des crêtes et Didier qui m'avait invité à manger devait me ramener en barque à moteur dans l'après midi, mais il pleut depuis cette nuit. Donc je reste au bateau ce matin.
Vers 10 H, une éclaircie, j'en profite pour m'échapper à terre, j'aimerai rencontrer d'autres sculpteurs du village. Je passe voir Jacques et Désirée pour avoir confirmation du repas de ce soir, puis cherche David, un autre artiste. Je trouve Franck, un troisième sculpteur. Le soir enfin je peux rencontrer David et son fils Mathias, tous deux travaillent le bois et font de beaux objets. Cette rencontre est fructueuse, je repars avec quelques petites pièces. Je passe la soirée chez Jacques et Désirée, je leur avais retenu deux beaux objets, un masque et un haut de canne surmonté d'un rostre de marlin. Nous discutons de tout, même de politique. Désirée a travaillé en France plusieurs années et à Papeete avant de revenir se marier à Fatu-Iva. Elle a besoin de contacts extérieurs pour discuter.
Je rentre tard à bord de Soleja.

    Album photos Fatu-Iva


Jeudi 17 mai :
Départ 8 H 30 pour l'île Tahuata, à environ 40 miles nautiques. Petit vent de travers entre 5 et 10 nœuds, Yan devra aider toute la journée pour soutenir une vitesse de 5 nœuds de moyenne.
Arrivée vers 17 H 30 dans la baie de Vaitahu, deux bateaux sont au mouillage. Devinez qui ?
Aspara et Bhajans de Bruno, je les contourne et vais mouiller derrière eux, un peu plus près de la côte. La lumière du jour baisse vite et je ne descendrai pas à terre ce soir.
Par contre, j'aurai la visite de mes voisins pour passer la soirée.
Baie de Vaitahu: Tahutata : 9° 56' 22 S - 139° 06' 65 W, 40 miles.

Vendredi 18 mai :
Il a plut quelques belle averses cette nuit et jusqu'au matin, donc rien ne presse, je prends tout mon temps pour apprécier mon petit déjeuner, je ne sortirai que cet après midi. En arrivant au débarcadère, les difficultés commencent, c'est marée basse, le quai est assez haut et rien n'est prévu pour amarrer les annexes. ???
Je noue mon amarre au taquet d'un canot à moteur et m'apprête à sauter sur le quai quand une série de grosses vagues arrivent et viennent déferler sur les rochers en fond de baie. Fort heureusement, l'ancre arrière du canot sur lequel je suis tiens bien sinon nous aurions tous terminé notre envol sur les rochers. Je me cramponne sur la plage avant du canot, un jeune homme vient tirer sur l'amarre pour que je puisse sauter sur le quai lorsqu'une vague nous pousse. Bientôt tout se calme et mes voisins se retrouvent également à terre, près pour une promenade sur les hauteurs. En redescendant, je m'échappe seul à travers le village de
Vaitahu et je grimpe dans la forêt. Bientôt ce ne sont plus que cocotiers et manguiers. Je prends un sentier qui conduit à la rivière que j'entends chanter, pour me rafraîchir et là, de chaque côté du petit cours d'eau, le sol disparaît sous un tapis de mangues. Je sors mon canif et me met à table, de l'eau claire et limpide et des mangues à profusion. Certaine image me reviennent en mémoire chaque fois que je me retrouve affamé devant ces fruits. (Certains se souviennent probablement de scènes d'Afrique.)
Je remplis mon sac et rentre à bord de Soleja, non sans passer voir mon voisin Bruno pour discuter une heure ou deux.
  
Album photos Tahuata

Samedi 19 mai :
Le vent a soufflé en violentes rafales toute la nuit et de nombreuses averses nous ont abondamment arrosés jusqu'au matin. Ce qui fait que personne n'est pressé de bouger.
Je lève l'ancre vers 10 H, en même temps que Bhajans, un autre voilier que j'ai rencontré à Hiva-Oa vient tourner dans le mouillage et repart en même temps que nous vers le nord.
Compte tenu du temps de la nuit, je prends un ris dans la GV. Nous sortons lentement de la baie et lorsque nous tournons la pointe, Eole nous attend, 12, 15 puis 20 et même 25 nœuds par le travers, c'est jubilatoire, cela faisait longtemps que je n'avais pas eu un bon vent. Le speedo monte, 5, 6, 7, 7,5. C'est la régate, Soleja tiens la tête jusqu'au bout. A l'approche de Hiva-Oa, la brise baisse déjà, il faut lâcher le ris, mais rien n'y fait, le massif nous masque l'air. Mes collègues ont déjà roulé le génois et envoyé les chevaux. Je vais essayer de partir à l'ouest chercher le vent, j'insiste mais je devrais renoncer également.
Dès que l'on pointe vers le N ouest de l'île, Eole revient, de secteur nord, dévié par le relief, il nous oblige à tirer des bord très loin sur le nord ouest avant de revenir sur notre destination.
Mes deux confrères ont choisi la première baie au NO, Banamenu, mais ils devront abandonner, la houle rentre à plein. Moi, j'ai opté pour la seconde, plus au nord, la baie Hanaiapa, au creux d'une toute petite vallée garnie de cocotiers. Mais pour y parvenir, il me faudra encore tirer deux bords contre vent d'est de 17 nœuds et courant contraire d'un.
Je mouille vers 17 H30 dans cette charmante crique, deux voiliers m'ont précédés, un britannique et un américain. Je jouis du calme absolu de ce havre, pas un bruit, les voix des enfants sur la plage ne parviennent même pas jusqu'à moi.
 On ne voit que deux hangars, le séchoir à copra près de la plage et celui du débarcadère, les quelques maisons du village sont complètement cachées dans la cocoteraie. Je n'ai pas envie de descendre l'annexe pour une heure ou deux, je me baigne longuement, puis me douche et prépare un petit frichti pour le soir.
Position : 9° 42' 90 S - 139°00' 87 W, 30 miles.
baie Hanaiapa / Hiva-Oa

 Dimanche 20 mai :
Grand jour, aujourd'hui je quitte les Marquises du sud pour les îles du nord.
7 H 30 je relève les 40 m de chaîne de l'ancre et mets le cap sur Ua-Huka l'île du nord est au cap 325° ; petit vent d'est 10 nœuds au largue, je devrais encore une fois solliciter Yan pour maintenir une moyenne de 6 nœuds afin de ne pas arriver de nuit.
Traversée un peu monotone, j'en profite pour cuisiner le « hourou », le fruit de l'arbre à pain. Je le fais d'abord cuire à la vapeur rapidement, (il est déjà très bon comme ça) et ensuite, je le coupe en lamelles comme des frites et je les passe à la poêle, HHUUUMMMM, quel délice,. je m'en remets une portion. Deux ou trois mangues la dessus, et une petite sieste sur la banquette du cockpit, doucement bercé par une petite houle d'est.
Vers 16 H, l'île approche, je m'engage dans la baie d'Hane, j'en fais le tour et ressors, elle est trop exposée, a mer rentre et agite le plan d'eau, le mouillage serait intenable. Je me dirige en direction de la baie de Vaipaee à 2 miles plus à l'ouest. C'est une crique étroite et profonde, elle devrait être bien protégée. Je mouille par 6 m de fond, me voilà installé pour la nuit...
Position : 8° 56' 37 S - 139° 34' 39 W, 60 miles.Vaipae/Ua-Huka.

S'il existe un paradis sur terre, c'est vraiment aux MARQUISES qu'il se trouve. C'est vraiment les jardins d'Eden, il n'y a qu'à tendre la main et se servir, si ce n'est pas quelqu'un qui vous propose le fruit convoité. Les habitants sont d'une gentillesse dont on ne peut plus avoir idée, le temps n'existe pas ici, tout le monde se salue.
Le BONHEUR absolu, température autour de 30°, toujours une petite brise.

La légende de l'archipel des Marquises.
De la maison Marquises.
Fatu-Iva :
L'île de la création : ceci dans tous les sens du terme, création des îles, de la maison Marquises, création artistique...
Ua pou :
L'île du poteau : entendre par là, le poteau centrale de l'habitat traditionnel, la maison du village.
Tahuata :
L'île du feu
Ua- Huka :
L'île du trou : le trou que l'on creuse pour servir de foyer.
Niva- Huka :
L'île de l'invitation, du regroupement.
Hiva-Oa :
L'île du groupe, des invités.
Tout ceci s'entend aussi bien au sens humain qu'au sens des îles elles mêmes. Cette légende m'a été racontée par Jacques Peters le sculpteur lors de la soirée que j'ai passé chez lui.

Les Marquises
D'énormes blocs de lave noire plantés au milieu de nulle part, séparés par quelques dizaines de miles, ces falaises abruptes, à peine échancrées de temps à autre par le débouché d'une petite vallée d'où s'échappe un petit cours d'eau entouré d'une plage de sable noir ou plus rarement blanc éclatant.

Les marquises du nord
Lundi 21 mai :
L'île UA-HUKA,
village de Vaïpaee : 8° 56' 57 S - 139° 34' 39 W.
Contrairement à hier soir dimanche lors de mon arrivée où il débordait d'activité, ce matin, le débarcadère reste désert. Je laisse mon annexe amarrée à l'échelle du quai et j'emprunte la petite route qui remonte le long de la rivière. Sur l'autre rive, au bout de la plage de sable blanc, se dresse deux grands bâtiments, la salle polyvalente et la salle de danses traditionnelles près de laquelle se trouve un parc de jeux d'enfants.
Quelques centaines de mètres plus loin, le village étire ses maisons de part et d'autre de la rue qui remonte la petite vallée où pousse une végétation luxuriante. Je trouve l'église, l'école d'où s'échappent des voix d'enfants, mais le village semble désert, personne autour des habitations. Je poursuis ma route et bientôt devant moi, une jeune fille marche d'un pas décidé, un outil sur l'épaule, elle va dans le même sens que moi, elle entre dans une cour et s'installe à la terrasse avec d'autres jeunes gens, deux jeunes filles et deux jeunes hommes. J'engage la conversation en demandant ce que je pourrai visiter dans l'île. Très gentiment, ils me renseignent et poursuivent, m'expliquant qu'ils produisent le copra pour gagner leur vie et qu'ils font partie d'une équipe de hand-ball qui s'entraîne chaque soir de la semaine et que je peux venir les voir ce soir à la salle polyvalente.
Rendez vous est pris, je poursuis mon chemin et ma route, celle-ci s'élève sur le coteau et domine la vallée. J'entends un véhicule derrière moi et je lève le pouce. Hop, me voilà embarqué dans le 4X4. Aldo a laissé son fils à l'école et rejoint ses collègues sculpteurs dans le village voisin Hané pour travailler. Il me parle de la vie à Ua-Huka et de ses activités, nous passons un petit col, la végétation a changé, les grands arbres ont laissé la place à des arbustes et à une espèce d'herbage épais que dévorent de très nombreuses chèvres et des hordes de chevaux en liberté. Nous redescendons en direction des falaises, longeons la piste de l'aéroport et débouchons sur la crique du village d'Hané enserré dans son écrin de grands arbres fruitiers. Aldo me laisse devant le magasin d'exposition des artisans en me promettant de me retrouver ce soir à 16 H au port. Le magasin étant ouvert, j'entre admirer le superbe travail des habitants de Ua-Huka : sculpture sur bois, nacre, pierre. l'exposition artisanale jouxte le musée marin où sont exposés des pirogues et des étraves d'embarcations traditionnelles de diverses époques ainsi que les différents ustensiles utilisés pour la pêche.
Je traverse le village et grimpe dans la forêt en direction d'un maraé ( site archéologique de rituels religieux) situé sur les hauteurs. La route devient chemin, puis sentier recouvert en grande partie de boue apportée par la pluie de la veille. Pour  m'encourager dans mon ascension, je trouve quelques mangues et citrons sur mon parcours. Tiens, des escaliers, ce doit être par là. Je gravis ces marches, puis d'autres encore et me retrouve sur un tertre recouvert de grosses dalles de pierre. Aucun doute, je dois être arrivé, j'entends parler, ce sont quatre personnes qui entretiennent le site, deux femmes et deux hommes. Ils me montrent les trois pierres sculptées, les trois TIKIS. Je prends les photos, admire le panorama, nous avons une vue splendide sur le village et la baie puis nous discutons un instant et je redescends.
 Je pense avoir terminé ma visite et de retour sur la route je lève le pouce au bruit d'un moteur. François rentre sur Vaipaé, tout va pour le mieux. Il travaille dans un troisième village au moulage de pétroglyphes qui sont exposés dans un petit musée. Je ne connaissais pas cela et demande de me déposer là pour repartir voir ce travail. Demi tour donc et je m'engage à pied sur la route, pas une seule voiture, heureusement il n'y a que 20 mn de marche.
Pas de chance, il est 14 H, la porte de l'exposition est close, je dois me satisfaire de regarder les moulages des pétroglyphes par les larges fenêtres et les baies. C'est un peu frustrant tout de même. C'est l'infirmier de l'île qui me transporte sur la moitié de mon chemin. Il s'occupe des trois villages à tour de rôle, mais son poste est au dispensaire de Hané. Il me fait le récit de sa vie durant le parcours. Seconde étape, un artisan électricien me fait monté dans son 4X4. Entre temps j'ai trouvé une grosse carambole sur la route et je la lui montre. Il ne dit rien mais prend un chemin sur la droite et me demande de le suivre. Nous sommes dans le jardin du centre de recherche agronomique et nous nous servons.
Nous cueillons  plusieurs Kg de
caramboles et mon guide me cueille une dizaine d'avocats noirs d'une taille exceptionnelle. Il me conduit ensuite au débarcadère et je l'invite à bord pour partager une bière.
Vers 16 H je suis de nouveau dans le village, près de la maison des jeunes rencontrés le matin, Adeline m'interpelle pour savoir si je viendrai vraiment les voir jouer ce soir. Sa sœur Pierrette arrive , m'offre un sac de deux douzaines de bananes et lorsque je repars, elle me donne en plus un pain , je reste sans voix, pour ces jeunes le cadeau, le partage fait partie intégrante de
la vie sociale. Je suis comblé et reste pantois. Bientôt, Aldo arrive dans son 4X4 et me demande si je veux bien le suivre chez lui, j'accepte, il veut m'offrir des pamplemousses, ça tombe bien, il ne m'en reste plus que deux et ici, ils se conservent près d'un mois.
Dans son jardin, deux grands arbres croulent sous le poids des énormes fruits, il m'en remplit un grand sac , il passe ensuite aux mangues et fait de même. Ce n'est plus une cueillette, mais une véritable récolte que je fais aujourd'hui.
Après la visite du propriétaire, nous redescendons au port et je l'invite à bord bien entendu.
Je terminerai la soirée en allant voir l'entraînement des équipes de hand-ball, masculines et féminines.
Quelle belle journée, bien remplie.  
Album photos Ua Huka

Mardi 22 mai :
Dès le lever du jour je sens la mer entrer dans la baie étroite, Soleja danse de plus en plus et j'ai bien l'impression que l'ancre chasse. Le petit déjeuner rapidement expédié, je remonte le mouillage et reprends la mer en direction de l'île suivante : Nuku-Hiva. Le ciel de plomb obscurcit le paysage, le vent d'est souffle déjà à 15 nœuds et la mer se creuse.
Allons courage mon brave Soleja, nous partons tout de même. Comme à l'accoutumée, lorsque nous doublons la pointe, un groupe important de dauphins vient nous accompagner, nous saluer par des sauts et des cabrioles et nous encourager, Quel spectacle féerique et enthousiasmant.
Cap au 300°, nous partons Soleja et moi pour la pointe nord-est de l'île voisine. Le vent va avoir des humeurs changeantes tout au long de la journée et nous apporter tour à tour brume et crachin, pluie et quelques timides rayons de soleil. C'est dans la brume que je franchis l'entrée de la
baie d'Anaho sur Nuku-Hiva, je distingue à peine les rives alors que je suis déjà au milieu de ce grand abri. Comme par enchantement, le rideau de brume se déchire sous un souffle d'Eole à peine plus fort et je découvre le fond de mon prochain havre de paix. Un premier mat, un cata, puis un second mat, puis un troisième, je ne serai pas seul visiblement. Derrière la dernière pointe, se cache une bonne demi-douzaine de voiliers. Je procède à mon petit tour de reconnaissance, et me décide à jeter l'ancre par 8 m de fond, tout près des récifs de corail, là, je serai bien.
Je suis arrivé depuis une demi-heure à peine qu'une annexe aborde pour m'inviter à prendre un pot sur un voilier voisin. Quel accueil !!!
Je passe un bon moment avec un couple de retraités lorientais venant du Chili et un couple de papeetisés depuis 15 ans arrivant d'une virée d'un an en Alaska. Je ne vous raconte pas le contenu des discussions et la chaleur des échanges.
La nuit sera douce et réparatrice dans mon cocon de Soleja.
Position : 8° 49' 23 S - 140° 03 87 W, 35 miles parcourus.

Mercredi 23 mai :
Ce matin, je bricole un peu à bord, je n'ai pas très envie de bouger. Une voisine passe et vient papoter un instant bientôt rejointe puis relayée par son époux. Ils vivent sur leur bateau avec leur trois enfants de 4 à 12 ans, ils l'ont dessiné et construit eux deux. Un superbe voilier en composite de plus de 50 pieds, gréé de deux mats non haubanés postant chacun une seule voile et une bôme à balestron. Ce proto file à des moyennes de 8 à 10 nœuds, les 200 miles en 24 heures ne sont pas rares. Et oui, ça en laisse quelques-uns pantois !!!
A commencer par moi bien sur !!!
Sylvain arrive d'une cueillette peu banale, il me montre des cœurs de palmier et m'explique comment les cueillir. Il me met également en garde contre les « nonos », les moustiques un peu carnivores. Il faut donc sortir couvert, même sous ces latitudes.
Je décide donc de rester à bord de Soleja, à l'abri des hostilités de la forêt.
Je poursuis mes nettoyages, mes mails.

Jeudi 24 mai :
Il est déjà 11 H 30 lorsque je relève péniblement le mouillage, la chaîne fait des entrelacs dans les patates de corail et le guindeau force un peu.
Le temps ne tourne pas franchement au beau, les nuages arrivent à grande vitesse et dès que je sors de la baie, je prends un premier grain.
Je suis au près et remonte péniblement la côte et le vent vers l'est, voile et moteur à 5, 6 nœuds.
Le système perturbé des abords de côte va me contraindre à garder la même allure pour la totalité de mon étape. C'est un peu paradoxal, je resterai au près en effectuant la moitié du tour de l'île.
Malgré les nuages nombreux me masquant souvent la côte, le spectacle de ces falaises se jetant  dans une mer sans fond me fascine. A moins d'un mile de la côte les profondeurs atteignent plusieurs milliers de mètres.
 A 15 H 30, j'entre dans la
baie de Tahiohaé (un cratère de volcan); là une vingtaine de voiliers tirent sur leur chaîne de mouillage. Parmi eux, je reconnais entre autre Bahjans de Bruno et Apsara d'Adrien, Michèle et Claire. Je vais mouiller près du débarcadère, cela m'évite de mettre le moteur sur l'annexe, je rame. Mes talents de ramiers sont connus de pas mal d'entre vous.
Evidement, en fin d'après midi, Bruno rentre de promenade et s'arrête qq heures.
Position : 8° 54' 87 S - 140° 05' 83 W, 27 miles parcourus.

Vendredi 25 mai, samedi 26 et dimanche 27 :
Visite des environs, il n'y a pas véritablement de village, mais plutôt des maisons très espacées. Tiaoharé, capitale administrative des Marquises possède une gendarmerie, un collège, un lycée professionnel des métiers industriels et des infrastructures sportives nombreuses.
 Samedi, je viendrai assister aux rencontres inter îles de sports collectifs, hand-ball masculin et féminin et basket. L'équipe de han de Ua-Huka va gagner par 23 à 7.
Dimanche je prépare Soleja pour le départ du lendemain. Je suis rejoint par Claire qui a décidé de laisser provisoirement son équipe et ses petits problèmes pour parcourir un galop jusqu'à Tahiti à bord de Soleja.

Lundi 26 mai :
Départ pour Ua-Pou, la dernière île de l'archipel des Marquises à 10 H par beau temps et vent de S E de 10 à 12 nœuds qui va croissant, au près, cap 160°.
Par mer peu agitée, une belle navigation nous amène dans le très joli petit port de
Hakahau au nord est de l'île de Ua-Pou.
Nous mouillons derrière la digue, par 6 m d'eau sur fond de sable corallien de bonne tenue.
Quatre voiliers nous ont devancés, parmi eux le cata plan Wharram d'un jeune couple autrichien et leurs deux enfants.
Il est déjà 15 H passé, nous mettons l'annexe à l'eau pour commencer le remplissage des réservoirs, un seul tour et 100 L pour ce soir.

Mardi 27 mai :
Une promenade sur les hauteurs nous fait découvrir les splendeurs du relief de ce site. Non seulement les baies nous saisissent par leur découpage et le bleu profond de leurs eaux, mais les sommets découpés en aiguilles de laves nous subjuguent littéralement, ce panorama nous fascine et nous prenons des clichés à n'en plus finir.
Nous redescendons vers une baie déserte pour nous vautrer dans les rouleaux d'écume d'une rare puissance. Au bout d'une demie heure, moulus par les tourbillons, nous remontons lentement le chemin du retour en nous laissant sécher par les rayons ardents du soleil de midi.
De retour au port nous faisons un second voyage de 100 L pour les réserves d'eau et partons vers le village par la plage du fond du port. En chemin nous passons devant le club de pirogues et je jette un œil curieux sur ces embarcations d'une grande finesse. Le gardien travaille encore malgré l'heure tardive, il nous explique en quoi consiste son travail : la surveillance du club et la réparation des pirogues ainsi que la fabrication des pagaies
composées de plusieurs essences de bois mis en forme et collé.
Nous poursuivons jusqu'à un chapiteau monté près du fond de la plage, là plusieurs personnes s'affairent autour de barbecues ardents, elles préparent des repas à emporter. Nous n'hésitons pas pour commander un « steak frites », cela fait si longtemps que je n'ai pas mangé un tel menu !!!
En attendant notre met, nous nous approchons d'une salle éclairée, devant laquelle un agent municipal veille. Il nous renseigne : le candidat marquisien aux élections législatives va animer un débat sur sa participation et ses opinions : il demande la départementalisation des îles Marquises. Il voudrait qu'elles soient indépendantes de Tahiti et directement rattachées à la métropole. Les marquisiens sont fiers d'êtres français et très conscients de ce que leur apporte la métropole.
Après une discussion avec le candidat et le maire de Ua-Pou, quelques photos du candidat avec son affiche et ses slogans en marquisien, nous sommes allés déguster notre « steak-frites ».  Quel régal et quelle opulence, 4 beaux morceaux d'une viande tendre et cuite à la demande et une grosse barquette de frites, nous avons mangé sur place, avec les doigts et nous nous sommes vraiment régalés.
De retour à bord nous nous apprêtons à passer notre dernière nuit aux Marquises, demain nous mettons le cap sur les atolls des Tuamotu, cap sur Manihi à environ 450 miles !!!

   Album photos Ua Pou