Après l'enchantement des Marquises des
marquisiens et des marquisiennes,
cap sur les atolls des Tuamotu
Mardi 29 mai : Position : 9° 21'52 S - 140° 02'82 W
Dès 8 H nous levons l'ancre, par beau temps, un ciel dégagé, une brise
de sud est de 12 nds nous attend à la sortie de la digue du port de
Hakahau.
Nous contournons l'île par le N W, nous pouvons admirer le panorama des
aiguilles de lave pendant encore plus d'une heure, elles resteront
visibles jusqu'à l'extrémité ouest lorsque nous prendrons le cap
définitif sur les Tuamotu au 228°.
« Au revoir, belles Marquises »
Nous voilà tournés vers la pleine mer pour un peu plus de 450 miles.
Peu à peu le vent de S E s'établit autour de 15 nds et nous pousse
tranquillement à près de 7 nds, par le travers.
Il montera jusqu'à 20 nds dans l'après midi pour redescendre à 15 le
soir.
La mer reste belle et la nuit s'annonce merveilleuse, nous avons la
pleine lune et son somptueux cortège d'étoiles. Tout ce beau monde se
mire en mille reflets dans les flots ondoyant sous la caresse d'Eole.
Devant un tel spectacle vivant et en perpétuel changement, le temps ne
compte plus, la nuit s'écoule sans que je m'en aperçoive. Je me rends
compte de l'heure lorsque je tombe de sommeil, je vais alors réveiller
Claire, mon équipière pour qu'elle prenne le relais.
Mercredi 30 mai :
O H, position : 10° 20' 24 S - 141° 16' 14 W, il reste 375 miles à
parcourir, une navigation merveilleuse à 6 nds.
La matinée se poursuit avec le même type de temps, un vent de 12 nds et
une vitesse de 6,5.
Midi, nous sommes au point : 10° 20' S - 141° 16 W, il nous reste 291
miles, nous avons couvert 84 miles en 12 heures.
Le temps s'écoule lentement, Soleja trace allègrement son sillage
d'écume, sa carène chante à l'unisson de la vague d'étrave, sans se
fatiguer, il poursuit sa route, passe d'une crête à l'autre, reprenant
son cap en souplesse, avec détermination.
Déjà la seconde nuit, il faut profiter de l'instant au maximum, il est
tellement fugitif, la traversée ne durera que trois nuits.
Quelle belle nuit, encore un merveilleux cadeau de la nature, Dame lune
se lève dans une auréole de pales lueurs pastel, elle grimpe dans le
ciel en illuminant les flots ondulants. Les étoiles sont bien au rendez
vous, à la parade, elles entourent leur reine, toutes plus étincelantes
les unes que les autres.
Jeudi 31 mai :
0 H, 12° 03' S - 143° 23' W, il reste 213 miles, nous avons parcouru 162
miles en 24 H.
Beau temps, vent de S E, 15 à 18 nds, nous passons le temps à discuter
de projets futurs ou passés et réalisés, qu'ils aient été professionnels
ou non.
Pendant ce temps, Soleja nous emmène gaillardement d'une crête à
l'autre, Bob le guidant et lui tenant le cap au 228°.
Midi, position : 12° 54' 30 S - 144° 25' W, il nous reste 134 miles.
Le vent reste établi entre15 et 18 nds et Soleja cavale à 7 nds en
douceur, sans se fatiguer.
Vendredi 1er juin :
O H, position : 13° 34' S - 145° 28' W, à 51 miles de L'atoll Manihi,
nous avons encore parcouru 162 miles en 24 H.
Au petit matin, dès les premières lueurs de l'aube, l'atoll Manihi
apparaît. Nous distinguons à peine un mince filet sombre au dessus de
l'horizon,
il s'agit de la barrière de corail surmontée de ses
cocotiers. Lentement, très lentement, les cocotiers vont se dessiner de
plus en plus précisément, nous allons ensuite discerner les différents
motus (îlot couvert de cocotiers et autres plantes tropicales :
prononcez motou). Nous longeons la côte nord ouest, contournons l'atoll
pour trouver la passe Tairapa au sud ouest. A 8 H nous entrons dans la
passe, en début de marée montante avec 20 nds de vent de face, (14° 27'
60 S - 146° 03 85 W). Ces deux phénomènes s'opposant, ils nous lèvent un
clapot pyramidal. Je dois solliciter un peu plus Yan et le faire rugir
pour passer ce torrent et tourner la bouée qui marque les hauts fonds de
corail puis longer le mignon village de Manihi. Malheureusement, nous ne
pouvons pas mouiller à proximité, les patates de corail sont partout.
Nous sommes contraints de repartir nous mettre à l'abri du vent et du
courant derrière le motu sud, à plus d'un mile du village.
Après avoir bien cherché, nous mouillons par près de vingt mètres de
profondeur, sur fond de sable parsemé de grosses patates de corail. Je
crains pour la remontée de l'ancre, j'ai du filer 60 M de chaîne !
Un repos bien mérité s'impose, allongés sur les banquettes du cockpit,
nous regardons passer les pirogues des pêcheurs et des perliculteurs,
les saluant d'un geste de la main.
Très vite, une pirogue s'arrête et vient à couple, le piroguier
s'enquiert d'où l'on vient, nous pose quelques questions puis nous
demande si nous avons des pamplemousses et des citrons des Marquises ?
Il repart souriant avec un énorme agrume jaune. Ces fruits ne poussent
pas sur les atolls. Il nous indique que l'on peut aller ramasser des
noix de coco sur les motus en face. Ce que nous ferons dans l'après midi
afin de nous dégourdir les jambes. J'en profiterai même pour faire un
peu de cour de palmier frais et ouvrir deux noix de coco.
De retour à bord, une autre pirogue nous rend visite et nous propose des
perles noires sculptées, montées sur un tour de cou de fibres de coco
tressées, des colliers de nacre.
Position : 14° 27' 80 S - 146° 02' W, 475 miles parcourus.
Samedi 2 juin :
Nous décidons de repartir tôt, nous aimerions essayer de nous arrêter au
village.
Comme je le craignais hier, la remontée de la chaîne nous pose quelques
problèmes, elle s'est prise sous les patates de corail. Plus de vingt mètres de
fond, un fort courant, il n'est pas pensable de plonger, même avec les
bouteilles. Je dois faire autrement. Claire prend la barre et suit mes
instructions, bâbord, ralenti, j'actionne le guindeau au maximum, tribord, stop.
En avant, stop, arrière, et une patate de libérée, à la suivante.
Il nous faudra plus d'une demi heure pour nous dégager de ce piège et le moteur
du guindeau a souffert, il a chauffé et ne répond plus à la télécommande. Nous
ne pourrons pas nous arrêter au village, sans guindeau, pas question de mouiller
par 15 ou 20 m de fond (l'ancre pèse 25 Kg et la chaîne plus de 3 Kg au mètre).
Je décide de mettre le cap sur Ahé, l'atoll suivant, à une trentaine de miles.
Vers 10 H 30 nous franchissons la passe Tairapa dans l'autre sens. Aujourd'hui,
le vent est avec nous, mais c'est le courant qui s'oppose et le flot est à son
maximum, c'est Claire qui barre. Cette sortie nous fournit une bonne dose
d'adrénaline, les manuels stipulent tous qu'il faut éviter de passer à contre
courant, surtout lorsque le vent est contraire.
Dès que nous sommes en mer, nous apercevons AHE. L'alizé de S E de 20 nds nous
tire sous génois seul à plus de 6 nds,
nous laissons aller tranquillement.
14 H 30 nous arrivons à la passe Tiareroa, la marée descend, le vent la suit et
nous sommes à contre. Yan à 2400 tours nous fait remonter la passe agitée à la
vitesse de 2 nds. Nous tournons la bouée et descendons vers le village de
Tanukupara au sud, à plus de 5 miles. Nous suivons scrupuleusement le chenal
balisé pour éviter les patates de coraux ça et là et nous mouillons dans un
magnifique petit lagon vert, bien protégé par une petite barrière de corail.
Position : 14° 32' 16 S - 146° 21' 42 W, 30 miles parcourus.
Dimanche 3 juin :
Nous descendons visiter le village de Tanukupara, du quai de ravitaillement en
béton tout neuf nous partons à la découverte. Les
quelques rues sont désertes, toute la population ou presque assiste aux
différents offices religieux. Cette petite commune possède au moins quatre
églises rutilantes de confessions différentes pour une centaine d'habitants. En
plus de ces édifices religieux, nous distinguons rapidement l'école, la poste,
la mairie et le dispensaire, ces bâtiments, sont tout neufs ou très bien
entretenus.
Nous rencontrons un groupe d'enfants à la sortie d'une église, tous veulent se
faire photographier. Plus loin ce sont des boulistes qui veulent que l'on fasse
une partie avec eux.
Une séance photos, une partie de boule, le tour du village, la matinée s'est
écoulée et nous retournons vers le port, là nous allons discuter près d'une
heure avec un jeune couple qui joue avec son petit garçon sur le bord de l'eau.
Ils nous offriront à boire le jus d'une noix de coco fraîche : quel délice.
16 H 15, nous relevons le mouillage, à 17 H nous franchissons la passe étroite
par faible courant parce qu'en fin de marée descendante. Nous envoyons le génois
seul, nous avons une centaine de miles à parcourir et toute la nuit devant nous,
nous ne sommes pas pressés. L'alizé de SSE de 18 à 25 nds va nous emmener à 6 et
7 nds accélérant seulement sous un fort grain aux environs de minuit.
Lundi 4 juin :
Tôt ce matin nous avons aperçu la côte de ce grand atoll qu'est Rangiroa,
imaginez : près de 45 miles de long et 20 de large, on
pourrait y loger toute l'île de Tahiti !!!
Nous longeons la côte nord pour franchir la passe la plus aisée, Avatoru vers 7
H 30 ( 14° 56' 76 S - 147° 42' 55 W). Nous contournons le môle nord, mais là,
pas d'abri, contrairement à mes prévisions, le vent suit la côte intérieure et
lève un clapot de 50 cm, pas question de mouiller là. Nous remontons l'intérieur
du lagon jusqu'à la passe Tiputa. Là, un motu nous protège du vent et du clapot,
une demi douzaine de voiliers sont déjà au mouillage à nous attendre.
Il est 9 H nous avons parcouru 97 miles : 14° 58' 20 S - 147° 38' 16 W ;
L'après midi nous traverserons la passe en annexe et nous irons nous promener
dans les rues de Tiputa.
Mardi 5 juin :
Aujourd'hui nous prenons un taxi pour aller à Avatoru en passant par le
littoral, ce n'est pas si fréquent !
La largeur de la bande de terre qui constitue la côte du lagon varie d'une
centaine à quelques centaines de mètres. En dehors des zones habitées, la plus
grande partie du sol se couvre de cocoteraies bien entretenues.
Comme Tiputa, Avatoru possède son « magasin » dans lequel on trouve tout ce qui
est nécessaire. Nous avons visité un centre d'exposition et de vente des
productions artisanales de l'atoll constituées essentiellement de bijoux
fantaisie et de décoration à base de coquillages et de nacre. Le tour du village
terminé, comme nous ne trouvons pas de terrasse pour déguster une Hinano (bière
Tahitienne) nous essayons le stop. Sans succès, la circulation n'est vraiment
pas dense sur les atolls !!! Il faut se résoudre à attendre le seul taxi du motu
!
De retour à l'embarcadère, le café est lui aussi fermé, il n'ouvrira que demain
vers 9 H ! Nous devons patienter d'être de retour à bord pour étancher notre
soif d'une bonne vieille « Balboa » panaméenne du stock de Soleja.
Mercredi 6 juin :
7 H nous levons l'ancre de Tiputa pour Avatoru situé à 6 miles au sud ouest par
le lagon, nous sortons de la passe à 8 H à marée montante, mais vent en poupe.
Il n'y a que le courant de marée qui soit contraire cette fois ci !
Nous longeons la côte nord est de Rangiroa sur une petite dizaine de miles par
vent d'E S E de 14 nds qui nous pousse au grand largue à plus de 6 nds.
Très rapidement nous apercevons le littoral de l'atoll Tikehau à une dizaine de
miles que nous allons contourner. A midi nous sommes au point nord de l'île, à
14 H nous embouquons la passe Teoni, (15° 00' 16 S - 148° 17' 75 W).
A 14 H 30, nous jetons notre « Brake » dans l'eau vert émeraude d'un minuscule
lagon dans le lagon Tikehau. Nous sommes seul. Un bungalow au toit rouge sur
pilotis s'érige sur le récif intérieur, entre les eaux vertes de la barrière et
les bleues plus profondes du lagon. Sur le motu extérieur, parmi les palmiers,
deux maisons de pêcheurs seulement, mais nous ne verrons pas âmes qui vivent de
toute la soirée.
Un bon bain prolongé termine notre journée, mais dans cette grande baignoire,
nous rencontrons peu de vie animale, nous sommes un peu déçus.
Position : 15° 00' 32 S - 148° 16' 27 W, '- miles parcourus.
Album photos: Tuamotu
Jeudi 7 juin :
Nous relevons la brake vers 8 H 30 et à 9 H nous avons traversé la passe, en
début de marée montante. Nous prenons le cap 206° vers Tahiti avec un petit vent
de 10 à 12 nds par le travers. Cette allure se poursuit toute la journée et nous
emmène à 5, 6 nds. C'est une belle nav, tranquille, nous ne sommes pas
bousculés.
Vendredi 8 juin :
0 H, nous sommes au point : 16° 17' - 148° 55' 50 W, sous un ciel étoilé, sans
lune, le vent est monté entre 12 et 15 nds, nous avançons à 6,5 nds : du
bonheur, nous avons le temps. Au petit matin, nous apercevons un feu sur bâbord,
ce navire semble
aller un peu plus vite que nous, mais nous allons le garder en vue jusqu'à
l'arrivée. De jour nous pourrons identifier un grand ketch de plus de 25 m
Dans la matinée le vent vient un peu plus sur le sud, nous devons border les
voiles et nous naviguons au près bon plein.
A 14 H nous atteignons la passe de Papeete au point 17° 32' 16 S - 149° 35' 10
W.
Depuis quelques heures nous voyons s'approcher lentement cette île mythique,
montagneuse, elle culmine à plus de 2200 m.
Lentement, nous faisons le tour du port commercial et nous approchons du quai
des plaisanciers situé en plein centre ville. Quelle chance, en pleine ville
!!! Nous approchons, parés à lancer les amarres autour des bites appropriées,
mais si près du but, nous renonçons, repoussés par le tintamarre des voitures.
La voie principale longe le quai à une dizaine de mètres seulement et il est
trop tôt, nous ne supportons pas un tel volume sonore.
Nous repartons mouiller à une heure plus au sud, vers marina Taïna, à Punaauia.
Il est 15 H, là le calme nous entoure.
Position : 17° 34' 55 S - 149° 37' 13 W, nous avons parcouru 176 miles.
EN 11 mois, Soleja a dépassé allègrement les 20 000 miles.
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