Jeudi 31 juillet :
La nuit s’écoule lentement sous un ciel étoilé où dame Lune reste absente, la luminosité reste donc réduite. La mer est belle, le vent très faible. Toute la nuit ne me permet pas de mettre Yan au repos un seul instant. Vers 6 H 20, je suis au point : 11° 27’S, 165° 57’ E, j’assiste à un très beau lever de soleil et j’appelle J. P. pour son anniversaire. Toute la bande de nos amis communs l’entoure et je veux leur parler un peu. Ce petit temps va rester jusqu’à l’approche de l’île Ndende, et là, alors que je m’apprête à entrer dans le chenal d’accès, le vent de sud est se lève, 10 puis 15 et jusqu’à 20 nœuds.
15 H,
je passe entre les platiers du chenal et entre dans la grande rade de Grasiosa
Bay. Je cherche la ville de Lata où je viens faire les formalités d’entrée aux
Salomon. Bientôt j’aperçois un petit caboteur amarré à un quai, c’est donc là !
A ce moment, un grain s’abat sur nous et Soleja ruisselle de toutes ses voiles
en un instant. Je cherche un petit coin pour jeter mon ancre, mais les fonds
sont importants et remonte très vite vers la côte. Le vent lève un fort clapot,
le mouillage va être très difficile. J’essaie tout de même, mais le vent me
rabat sur les cailloux et je dois repartir. A ce moment, un canot à moteur
s’approche de Soleja et une personne me demande de partir mouiller ailleurs et
veut bien monter à bord pour me montrer un lieu sûr. Il s’agit en fait de
l’agent des Douanes et de l’Immigration. Il me fait traverser la baie pour
mouiller deux milles plus loin dans une anse minuscule mais parfaitement
abritée. Après une bonne bière, je le ramène en annexe jusqu’au quai, nous
ferons les papiers demain, rien ne presse, il est déjà 17 H.… Je rentre à bord,
la nuit tombe, les premières pirogues arrivent autour de Soléja et les
discussions vont durer.
Position : 10°44’210 S, 165°49’790 E, 178 milles parcourus, Vent maxi 22,5 nds, vitesse maxi 7,4 nds.
Vendredi 1er août :
J’ai
passé une excellente nuit au calme, une légère brise a ventilé et rafraîchi
l’intérieur. Dès mon lever, j’ai des visites, un père et son fils m’apportent un
gros sachet d’aubergines. Je donne une casquette à chacun, ils sont ravis,
d’autant que je porte la même. Vers 9 H 30 je me décide à partir en annexe pour
effectuer les
formalités. Je traverse la baie et je laisse mon embarcation près de celles des
pêcheurs. Le caboteur est toujours là, il a provoqué un petit marché proche du
quai, les producteurs vendent des cocos, des légumes, des noix de
bétel.…J’observe tout ce monde et me dirige vers le caboteur lorsque qu’un
homme me salut en me tendant la main. Nous échangeons quelques paroles et il me
propose de m’accompagner à l’immigration et aux douanes. J’accepte et nous
voilà partis sur les chemins de Lata, capitale des Santa Cruz Islands. Nous
arrivons chez Lionel le responsable de la «quarantaine », celui qui m’a aidé à
mouiller hier : 1ère formalité sur l’importation de produits frais, je dois
ensuite trouver des «Solomon’s dollars» et ici, pas de change au bureau de la
banque, je dois passer par un courtier d’agence qui me prend 5% de commission
!!! Oui, oui, oui!!!
Passage à la police qui sert de bureau d’immigration et c’est terminé, le reste
se fera à la capitale, Honiara. Je peux maintenant acheter mes 40 l. de fuel
pour compléter mon réservoir. Mon guide me montre l’aéroport avant de regagner
Soleja. Tout ceci m’a pris une bonne partie de la journée et je rentre me
reposer à bord. Il fait très chaud et je n’ai rien avalé depuis mon petit
déjeuner, je suis harassé.
Dès mon arrivée la noria des pirogues commence. Juste à côté du mouillage est installée une école religieuse, une « mission anglicane», les jeunes « étudiants » viennent discuter un moment. Ils arrivent de tout le Pacifique et sont formés pour assurer des « missions » ecclésiastiques partout dans le monde. Juste avant la nuit, arrive un jeune pasteur et son amie, lui est déjà venu hier, il veut monter à bord, je les invite à prendre un soda et à écouter un peu de jazz. Ils sont aux anges !!! Ils ne repartent qu’à la nuit noire.
Samedi 2 août :
Je reste au bateau, je me baigne, je vais « snorkeler » vers les récifs des alentours et de retour, je vais me baigner dans une « piscine d’eau douce » avec les jeunes «étudiants », puis j’ai à nouveau des visites. Un américain vient me demander si je pars vers les îles de l’est, et un peu plus tard, son fils, Joseph vient à son tour avec un ami local, il parle français et nous discutons longuement de toutes choses. Ils sont hébergés par la mission anglicane, le père doit être pasteur. Ben, que j’ai rencontré hier vient me proposer un peu d’artisanat. Je lui achète un médaillon de coquillage décoré d’un motif découpé dans une carapace de tortue. Il tient à visiter le bateau et me demande quelques cadeaux en souvenir.
Dimanche 3 août :
Le
dimanche, tout est mort, il faut partir, il faut naviguer. Il fait beau, le
soleil brille, l’eau ne peut pas être plus bleue, à 7 H30, je remonte l’ancre et
je sors de mon petit coin tranquille, je traverse Graciosa Bay avant d’embouquer
le chenal de sortie vers l’Ouest. Je ne suis pas encore en mer que le vent
arrive en grandes
rafales, poussant un énorme nuage plus noir que du charbon. Là, je ne vais pas
échapper au grain qui me fond littéralement dessus. Les grosses gouttes
crépitent avec fracas sur le roof de Soleja, je reste bien à l’abri sous mon
bimini et j’attends avant d’envoyer la toile. Le vent monte à plus de 20 nds.
Puis tout cesse et j’aperçois un groupe de dauphins jouer à l’étrave dès la
sortie du chenal.
Alors que je hisse la G V, un second grain vient me doucher sévèrement, mais il
fait déjà chaud et je sèche rapidement.
Me voilà parti vers l’île Makira ou San Cristobal à plus de 230 milles de Ndende. Le sud Est s’est établi entre 15 et 20 nds et propulse Soléja à 7 nds au petit largue, cap plein ouest. Le soleil revient et vers midi, j’ai parcouru une trentaine de milles, il m’en reste environ deux cents. Un couple de paille en queue, superbe dans leur habit blanc immaculé, vient tourner un instant autour de Soléja puis poursuit sa route. Je passe une agréable journée et la nuit vient lentement m’entourer alors que la lune a déjà bien avancé sa course, elle se couche vers 21h. La mer se creuse un peu sous le vent qui monte entre 20 et 25 nds, Soléja accélère au dessus de 8 nds et passe en douceur d’une vague à l’autre avec un plaisir évident.
Lundi 4 août :
8H30,
la nuit s’est déroulée agréablement, les étoiles m’ont tenu compagnie toute la
nuit, masquées par moment par quelques nuages. Soléja a parcouru plus de 180
milles et il en reste environ une cinquantaine avant d’atteindre Kirakira.
Vers midi, alors que San Cristobal apparaît dans les nuages, juste au dessus de
l’horizon, un grain vient me rafraîchir les idées pendant quelques dizaines de
minutes. Durant la remontée de la côte de San Cristobal, un courant contraire de
2 à 3 nds vient ralentir notre avance pendant quelques dizaines de milles. Il
est 16 H 30 lorsque je jette l’ancre tout près de la ville Kirakira. En fait,
cette ville n’est qu’un gros village, possédant un collège et quelques magasins
de produits alimentaires.
Des pirogues, certaines motorisées vont et viennent, une activité certaine anime
ce lieu. J’observe tout ceci de mon cockpit, mais rien ne m’incite à descendre
l’annexe pour me rendre compte de plus près, je ne vois pas de lieu propice au
débarquement, hormis l’embouchure d’une petite rivière et la nuit ne va pas
tarder à tomber...
Position : 10° 27’ 275 S, 161° 55’ 000 E, 238 milles parcourus en 32 H, vent maxi 30,6, vitesse maxi 10,6.
Mardi 5 août :
Après une bonne nuit réparatrice, bien qu’il ait plu toute la nuit, je repars vers 10h, moteur à 1500 tours, pas le moindre souffle de vent. Vers midi, j’envoie la G V sans grande conviction, j’ai 4 nds de vent apparent, j’avance à 5 nds. Le ciel reste bas et gris, il fait lourd. Je tiens à économiser le carburant, je ne pourrai pas m’en procurer avant Honiara la capitale, donc Yan tourne au ralenti et le moins possible. Je m’arrête vers 14 H 30 dans une petite baie, juste avant la pointe Wangoraha, devant un petit village. Un grain vient rafraîchir l’atmosphère. Très vite, les pirogues arrivent autour de Soléja et les discussions s’enchaînent jusqu’au soir.
Position : 10°18’95 S, 161°35’38 E, 23 milles parcourus.
Mercredi 6 août :
Ce matin, le beau temps est revenu, le soleil brille à nouveau et un petit vent de 10 nœuds va gonfler le génois et nous déhaler à 5, 6 nds toute la matinée. A cette vitesse, je ne pourrai pas rejoindre l’île Guadacanal, aussi je décide de mouiller derrière la pointe ouest de Makira (San Cristobal), « Maro’U bay ». Aussitôt installé, une nuée de pirogues vient entourer Soléja et ce sont les palabres habituels et les échanges de fruits et de petits cadeaux. Une femme vient me proposer son artisanat, elle fabrique des sacs à mains et des cache pots entièrement en coquillages. Bien que ce soit très bien fait, je ne peux me charger de tels objets et je refuse avec regrets. J’assiste à un superbe coucher de soleil qui embrase tout l’horizon pendant longtemps.
Position : 10°12’385 S, 161°19’435 E, 20 milles parcourus.
Jeudi 7 août :
Cette
nuit, le ciel très dégagé et pur a permis aux étoiles de briller de tous leurs
feux et Dame lune est venu leur prêter main forte pour inonder la baie de
lumière.
Il fait déjà chaud ce matin à 8 H 30 lorsque je remonte l’ancre. Le vent
reste absent, je sollicite Yan mon fidèle compagnon. Il répond présent et
ronronne paisiblement, à 1500 T, aidé de Bob pour le pilotage, il emmène Soléja
à plus de 5 nds sur une mer, d’un bleu profond aussi lisse qu’un miroir. Nous
traversons le bras de mer d’une trentaine de milles qui sépare les deux îles
Makira et Guadalcanal. J’ai hissé les voiles pour le principe, mais le vent ne
dépassera pas les 12 nds dans ses plus grands efforts.
J’aborde l’archipel Marau au sud est
de Guadalcanal vers 15 H 30, je serpente
entre les îles et îlots à faible allure, avec beaucoup d’attention, les platiers
et les reefs débordent très largement les rochers émergés. Je progresse en
fonction de la couleur changeante de l’eau, le bleu outremer des fonds de 15 m
et plus s’éclaircit et passe au turquoise dans 10 à 5 m d’eau, puis
progressivement au beige blond vers 1 m. J’apprécie beaucoup le charme
enchanteur de ces lieux, les îles boisées, basses ourlées de plage de sable
blond du côté abrité ou défendu des assauts de la houle par un large platier. Je
ne vois que très peu d’habitations en bordure du rivage, pourtant quelques
pirogues sillonnent l’eau calme du lagon. Je trouve un petit coin super
tranquille dans une anse reculée pour mouiller mon ancre tout près d’une
mangrove par 5 m de fond. Là, pas un mouvement, pas une vaguelette, même pas un
souffle pour faire dandiner Soléja, le calme absolu, il est 16 H 30. Je salue de
la main les quelques piroguiers qui passent à proximité, ils me rendent la
politesse d’un signe de la main, mais aucun ne vient discuter.
Position : 9°50’400 S, 160°49’132 E, 40 milles parcourus très tranquillement.
Vendredi 8 août :
Après une nuit de palace, ce sont les oiseaux qui me réveillent. Je me décide à quitter ce lieu idyllique vers 9 H 30, je remonte lentement le chenal vers le nord en me gobergeant de ce panorama paradisiaque. Un léger nord est de 4 à 8 nds se lève, j’envoie la toile et laisse Yan, nous partons au cap 300° à 6 nds. Vers 18h je décide de m’arrêter et de mouiller dans la Tudhimbono Bay. C’est une baie peu profonde, orientée au nord, très largement ouverte. Ce ne peut être qu’un mouillage de beau temps et les habitants sont très surpris de voir un voilier à l’ancre devant leur village. Je ne vois pas de pirogue sur la plage, c’est curieux !
Les
jeunes m’observent du rivage, me saluent, font des signes, je leur réponds par
un grand signe du bras. A la nuit noire, j’entends des cris, des chants sur la
plage et bientôt des feux s’allument en plusieurs endroits. Les jeunes font de
grands
signes avec des torches de brousse. Ils m’interpellent du rivage, je leur
réponds par des signaux lumineux et c’est la liesse… Les cris et les chants
redoublent, ils allument des brasiers qui s’élèvent à près de quatre mètres en
hurlant et dansant. Je leur réponds de temps en temps, ils sont aux anges…Ce
spectacle improvisé dure de 19 H 30 à plus de 22 H et chaque fois qu’un petit
groupe quitte la plage il m’envoie des « good night » à n’en plus finir et bien
sûr je réponds. Quelle soirée, quelle fête impromptue ce village m’a offert !
J’ai vraiment été touché de leurs intentions.
Position : 09°25’310 S, 160°18’898 E, 47 milles parcourus.
Samedi 9 août :
Dès 8
H une pirogue déjà bien usagée arrive avec deux enfants, un seul
pagaie avec un morceau de bois. Ils viennent voir, je les accueille et ils
s’assoient dans la jupe de Soléja. Très fiers, ils saluent leurs copains restés
sur le rivage. Une seconde pirogue nous rejoint, je leur offre des biscuits,
leurs yeux brillent et montrent leur satisfaction. Le vent léger se lève vers 9
H 30 et j’envoie le génois qui va me tirer à 5, 6 nds jusqu'à Honiara la
capitale des îles Salomon.
De loin, je longe les docks commerciaux, je croise quelques cargos et porte
containers qui attendent patiemment de pouvoir accoster pour décharger leurs
marchandises. Je vire enfin l’épi qui garde la marina et je cherche mon
emplacement pour accoster. En guise de marina, il existe un ponton occupé par
deux vedettes des douanes et deux vedettes de police et c’est tout. La rade est
minuscule, à bâbord deux monocoques sont sur corps morts, il en reste bien un de
libre mais à qui appartient-il ? A tribord, trois autres bouées retiennent des
catas qui dansent une folle sarabande, ils reçoivent la houle. Et tourne et vire
dans cet abri exigu… Un américain m’interpelle et dit que je peux prendre la
bouée libre, ouf !!!
Je me
prépare, seul, je ne peux l’attraper par la proue, je frappe donc une amarre à
l’avant et je la laisse courir jusqu’à la jupe arrière d’où
je pourrai gaffer la bouée. Ma manœuvre parée, j’y vais ! Deux annexes
arrivent pour me seconder, l’américain Bob et deux frères Eric et Kevin. Tout va
très vite, la bouée frappée en un tour de main et une amarre arrière portée sur
les rochers pour stabiliser Soléja. Un quart d’heure plus tard nous dégustons
une bière dans le cockpit en faisant plus ample connaissance…
Position : 09° 26’ 667 S – 159° 57’ 399 E, 20 milles parcourus.
Me voilà à la capitale : HONIARA.
HONIARA : SALOMON
La capitale des îles Salomon ne me laissera pas un souvenir impérissable. Deux
rues écrasées sous le soleil longent le fond de baie, les magasins restent
grillagés jours et nuit sur le coté opposé à la mer dans la rue principale, sur
la rue secondaire on trouve quelques bureaux et bâtiments administratifs,
l'ambassade d'Australie, tout ceci n'est pas très attrayant. Peu de pays sont
représentés ici, j'ai quelques fois l'impression de me trouver dans une province
australienne. Le service d'ordre est australien, avec du personnel australien;
sur les vedettes des douanes et de la police l'encadrement est australien. Ceci
apporte une certaine sérénité dans les provinces et le calme dans la capitale.
Le yacht club par contre rassemble tous les expatriés d'Honiara, qu'ils soient
ici professionnellement ou pour leurs loisirs. Bien sûr, les navigateurs en
transit viennent prendre leur bière et souvent leur repas, nous côtoyons les
membre du club, néo Z, australiens et autres européens en mission industrielle.
Durant les quelques jours de mon séjour, je suis souvent en compagnie de bob et
Suzie, mais surtout de Kevin et Eric les deux frères vénézuéliens qui m'ont
prêté main forte et qui parlent français.
Je refais les pleins des réservoirs, eau (400 l) et fuel (150 l) qu'il faut
transporter en bidons de 20 l, j'avitaille pour quinze jours, trois semaines et
je suis prêt pour reprendre la mer.
Samedi 16 août :
Je mets près d'une heure pour me dégager de mon amarrage en toile d'araignée. Le
traversier est largué en premier, puis la garde avant,
ensuite la garde arrière, toutes trois frappées aux fers à béton du mur de la
jetée en construction depuis une bonne dizaine d'année. Enfin je libère la
grande aussière arrière de 45 m et sa patte d'oie sur l'épi du remblai rocheux.
Soléja poussé par la brise fait alors demi tour se met bout au vent sur son
ancre pour m'attendre pendant que je récupère les amarres avec l'annexe.
Vers 8 H je peux envoyer Yan à 1800 T pour partir à 6 nds, la faiblesse de
l'alizé ne permet pas de faire route à la voile. Jusqu'à 10 H 30, je longe la
côte nord ouest de Guadalcanal, cette partie partiellement déboisée et cultivée
me rappelle presque nos rivages européens.
Vers 13 H 30 j'arrive à proximité des premières îles de l'archipel Russell et
une heure plus tard je pénètre dans leur labyrinthe enchanteur. Je contourne
leurs platiers pour parvenir à l'île principale Mbanika et je trouve le gros
village Yandina. Dans cette longue rade profonde et bien abritée, les fonds
restent importants jusqu'au rivage et je cherche au sondeur pendant un bon
moment un endroit propice au mouillage. Deux fois, l'ancre dérape sur la dalle
rocheuse lisse, la troisième fois est la bonne, par 7 m d'eau, tout près des
pirogues des habitants : il est 16 H.
Durant mes manœuvres, j'ai été observé par toute une jeunesse joueuse qui
s'empresse maintenant autour de Soleja, qui en pirogue, qui à la nage. L'accueil
est particulièrement chaleureux, les questions fusent de toutes parts. Bientôt,
on me propose des fruits et des légumes, certains les troquent, d'autres les
vendent et demandent des prix astronomiques, ils deviennent la risée des plus
anciens qui rectifient.
Juste avant le coucher du soleil, un pêcheur d'une bonne trentaine d'année
arrive dans sa pirogue, il vient discuter lui aussi, il possède des palmes, un
tuba et un masque ce qui se rencontre rarement ici. Sa chasse n'a pas été très
fructueuse aujourd'hui, il est resté longtemps dans l'eau et il grelotte, je lui
offre un biscuit et bientôt il me troque son pendentif contre une paire de
palmes. Il est très heureux de son coup et tout son entourage le félicite. Nous
terminons la séance par quelques photos.
Position : 09° 04' 569 S - 159° 13' 058 E, 53 milles parcourus.
Archipel Russell, île Mbanika, village Yandina
Dimanche 17 août :
A 9 H 30 je repars au moteur pour la remontée du chenal vers le nord de
l'archipel Russell. Avant la sortie je peux envoyer toute la toile, un petit N N
E de 10 nds emmène Soleja à 5, 6 nds.
Dès la sortie du chenal, j'abats au 300°, à 150° du vent, la vitesse tombe à 5
nds. Pendant la journée entière je tangone le génois, je le roule, j'empanne.
Mais rien n'y fait, le vent reste faible et je dois solliciter Yan à 1400 t pour
maintenir les 5 nds de moyenne.
C'est le beau temps absolu, la mer est belle elle aussi et la navigation reste
des plus calme en début de nuit. Dame lune éclaire les flots de
toute sa rondeur et très vite les étoiles viennent lui apporter leur soutient.
La nuit s'écoule tranquillement et le soleil vient prendre la relève en
s'annonçant par un flamboiement rouge digne d'un coucher.
Vers 10 H je vire New Giorgia Island par le nord et je pénètre dans Kula Gulf :
7° 57' S - 157° 29' E. Je redescends vers le sud pour rejoindre
Noro la dernière
ville des Salomon.
Surprise, il s'agit d'un port relativement important qui dessert toutes les
provinces de l'ouest Salomon. Plusieurs cargos et pétroliers attendent leur tour
d'accostage, sagement au mouillage. Une vingtaine de vieux chalutiers se serrent
les uns contre les autres en le long de
l'unique quai qui leur ait réservé. Les infrastructures s'agrandissent
constamment et ne correspondent plus aux implantations des cartes. Je dois donc
chercher un emplacement pour planter ma pioche, je poursuis et longe un reef qui
sépare le lagon de la baie. Je vais jusqu'au bout, tourne, reviens sur mon
sillage et me décide enfin à emprunter une minuscule passe au ralenti. Ça y est
je suis dans le lagon, 5 m de fond, de l'eau turquoise, pas une ride sur la
surface, je lâche ma « Brake » qui croche immédiatement sur le fond de vase. Des
pirogues, dont certaines sont motorisées vont et viennent, passe d'une rive à
l'autre. Certaines transportent des cocos ou autres production agricoles,
d'autres servent de taxi pour les personnes.
Position : 8° 14' 405 S - 157° 12' 739 E, 160 milles parcourus. Vent de 8 à 12
nds, vitesse de 4 à 6 nds.
Mardi 19 août :
Ce matin je pars à la recherche des douanes et de l'immigration pour faire les
formalités de sortie du territoire des îles Salomon. Il fait déjà très chaud.
Vers 11 H je trouve leur repère après moult questions à plusieurs personnes. Le
planton de service me demande d'attendre, le douanier est en mission sur le
cargo qui vient d'arriver. Au bout d'une demie heure, il me demande de revenir
après 13 H 30. A 14 H tout est terminé et à 14 H 30 je remonte ma « Brake »,
traverse la petite passe et je cherche l'entrée du chenal qui serpente vers le
sud pendant une dizaine de milles entre les platiers et les îles de l'archipel.
Malgré l'attention permanente que nécessite la navigation à 5 nds sur les eaux
tranquilles de ce chenal étroit et sinueux, le charme de la forêt toute proche
et des villages des berges me gagne et m'envahit.
Il est plus de 16 H 30 lorsque je franchis la barre qui ferme la passe sud du
chenal, moment chargé d'émotion, le fond n'est qu'à 2 m. Je
rejoins enfin la pleine mer, (8° 20' S - 157° 12' E). Tout d'abord, le vent
vient du sud ouest, ceci n'augure rien de bon, mais rapidement il tourne au sud
est en se renforçant, ce n'était que l'effet des îles. Par vent de travers de
15, 20 nds, Soléja apprécie et accélère à 7, 8 nds et plus. La nuit tombe et
Dame lune apparaît toute ronde parmi les légers nuages des alizés. Cette nuit
s'annonce superbe et Soléja allonge la foulée dans la mer formée, le vent forcit
encore vers minuit.
Mercredi 20 août :
Dans la matinée, le vent descend au dessous de 20 nds et je largue le ris de la
G V.
Vers 15 H un beau grain vient agrémenter cette calme journée, puis un pétrolier
croise ma route à 2 milles par le nord. Le vent se renforce et je reprends un
ris dans la G V vers 18 H.
La nuit arrive et avec elle, Dame lune toute aussi ronde et poudrée que la
veille entreprend son ascension de la voûte étoilée.
Ces dernières 24 H, Soléja a maintenu une vitesse constante entre 8 et 9,5 nds
et a franchi la barre des 200 milles, si bien que je suis contraint de réduire
les ¾ du génois pour ne pas arriver de nuit sur l'île de Masima en Papouasie
Nouvelle Guinée.
Soudain, un grain violent s'abat sur Soléja, la luminosité et la visibilité se
réduisent et je ne vois plus qu'à une centaine de mètres, puis le vent tombe. Je
devrais être très proche de l'île, mais je ne distingue rien ! Je branche le
radar pour me rendre compte de sa distance. J'affale les voiles et j'avance
lentement au moteur en direction de la petite rade de
Bwagoia. Le jour
s'éclaircit progressivement et je distingue l'étroite passe, deux balises en
signalent l'entrée. La houle déferle sur les platier de part et d'autre et
marque bien le passage. Dès que je suis à l'intérieur, tout devient calme et
serein. Sur bâbord deux petit quais où sont amarrées des embarcations locales,
des pirogues à voile et à balancier. Je m'approche et mouille non loin d'elles
au centre de la rade. Me voilà en Papouasie Nouvelle Guinée.
jeudi 21 août : Il est 7 H du matin,
Position : 10° 41' 229 S - 152° 50' 757 E, 308 milles parcourus en 40 H.